mercredi 28 décembre 2016

CULTIVER L'ESPOIR



Bonsoir !


Un petit changement horaire m'amène à mon clavier à cette heure inhabituelle.
La journée a été tellement belle, je n'ai pas voulu manquer un seul instant de cette lumière chaude et pleine.

Je me faisais tout en prenant le grand air de ces remarques molles et sinueuses dont j'ai l'usage.
Ces arabesques irisées où les idées dansent lascivement juste en dessous de la surface de la conscience me séduisent, vous le savez.

Justement, je me demandais comment elle avait pris pied en nous, cette conscience.
Comment ce grand singe, souvenez-vous, redressé sur ses pattes arrière pour attraper plus facilement les baies élevées, était passé de sensations passives à perceptions plus sophistiquées, et, de là, sans doute, à cette conscience éclairée, notre salut et notre tourment tout à la fois.

Tant qu'il gardait les yeux rivés à la terre-mère, notre singe ne devait pas chercher bien loin des sources d'élévation spirituelles et de tracas intellectuels.
Son horizon bas le privait, et le préservait en même temps.

Je ne sais pas comment lui est venu l'idée de se redresser. Par manque de nourriture au sol, sûrement. Ou alors, pour délasser sa colonne engourdie, je ne sais...
Toujours est-il, qu'un jour, comme ça, il se lève, ce premier hominidé. Les autres, sensibles aux effets de modes, déjà, le suivent.
Partant de là, ses perspectives s'élargissent, et ses ambitions croissent à l'avenant.

Les sensations nés de son rapport à son environnement se modifient, s'enrichissent. 
L'homme-singe mobilise ses capacités intellectuelles, pour mieux appréhender ce vaste monde. De sensitif passif, il doit devenir actif, faire des rapprochements judicieux, tirer de ces enchaînements des enseignements à mémoriser pour dupliquer les situations avantageuses, et éviter les désagréments.
Il devient intelligent, calculateur, méditatif, et tout prêt pour les phases dépressives et maniaques.
En effet, ses expériences accumulées de générations en générations, sa science affûtée de recherches assidues et tenaces, lui laisseraient penser qu'il peut devenir le maître de ce monde qu'il foule au pied.
Il ne se sent plus, se voit supérieur, bien supérieur aux autres formes de vie sur terre, et dans l'espace. Rien n'arrête ses idées de grandeur. Il n'a plus besoin d'un Dieu, il en est un !

Sa conscience de lui-même et de sa valeur, de sa place et de son essence, s'enfle d'un orgueil sans bornes.
Bien loin de lui maintenant l'effroi du moment où, pour la première fois, homme ou encore bête, il a vu tomber la nuit, et a pris conscience de cette catastrophe.
Imaginez, une belle journée comme celle d'aujourd'hui, puis, la lumière qui baisse, l'air qui fraîchit, les ombres qui mangent le paysage familier et amical.
Si vous ne savez pas ce qui se passe, vous êtes forcément en panique totale, effaré et désespéré d'avoir perdu le jour !
Je me demande bien comment s'est passé cette première fois. Qui a eu cette conscience de perdre la lumière, et la peur qu'elle ne revienne jamais.
Je n'ai pas connaissance d'études sur ce passage tout de même essentiel dans l'évolution de l'être vivant. Pourtant, ça m'a toujours intriguée.

Qu'a fait l'homme ou la bête, la première fois qu'il a perçu la nuit ?
Comment a-t-il surmonté ce traumatisme ?  
D'ailleurs, la prise de cette conscience a peut-être été nocturne ! c'est vrai, ça...
A ce moment là, l'homme ou la bête, conscient de la nuit autour de lui, a du s'étonner aussi de voir apparaître la première aube pour lui signifiante.
Non, je ne vois pas comment ça s'est fait, cette affaire là.

Ça n'a pas du se passer aussi brutalement. L'homme ou la bête soumis aux cycles des éléments n'a pas du prendre sur la tête cette connaissance comme une météorite tombée du ciel.
Sa perception consciente a du s'éveiller d'une latence évolutive. Il devait sentir le jour et la nuit. Son organisme devait avoir absorbé les cycles naturels. Il devait y avoir adapté instinctivement son comportement : se coucher au soir, et se lever le matin, tiens !

Par la suite, pris dans cette routine installée, il a du s'interroger et vouloir comprendre.
Sa conscience mal éveillée a du commencer de le chatouiller, l'exhortant à ne pas se laisser vivre passivement, mais bien à acquérir la science, la connaissance et le savoir : la maîtrise !
C'est un peu ça, non, avoir conscience des choses, les reconnaître, les prendre en compte et s'en rendre compte, surtout. Ne plus vivre dans une nébuleuse d'ignorance, et s’exonérer ainsi de toute part de responsabilité.
Ce n'est pas une affaire, peut-être, au final, cette conscience...
Les êtres vivants "inférieurs" vivent peut-être tout aussi bien, sans elle.
C'est vrai ça, savoir, c'est bien joli, mais encore faut-il en faire quelque chose, de ce savoir !
Et là, le champ est vaste et le pauvre esprit humain s'y perd...

Surtout quand le fameux savoir se heurte à ses limites. Ça devient périlleux de s'entêter à tout décortiquer, à disséquer jusqu'à la plus infime division de la matière, abyssal d'explorer le vaste espace et de sonder l'immensité d'un univers sans fin, dans le but d'expliquer.
Et de tomber sur un trou noir vertigineux, où le temps et l'espace se dissolvent.

Notre prise de conscience la plus essentielle est celle de notre position suspendue au beau milieu d'un vide que rien ne peut désigner.
Et notre seule issue est d'espérer.
Mieux que de croire, par une foi soumise.
Non, bien d'espérer, par un élan au delà de toute conscience.

C'est cet espoir évanescent que je cultive comme je cultive mon potager.
Tiens, je vous en parle bientôt, de ce potager.
L'élan  du renouveau, la boucle de ces cycles toujours recommencés, s'illustre dans mes rangs de pois mieux que dans toutes ces phrases.

Douce nuit à vous, bon temps de repos apaisé et bienfaisant.


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