mercredi 17 décembre 2014

Un peu d'histoire...




Bonjour à vous tous ! (ou à vous tout seul, à toi, quoi !)



Nous sommes aujourd'hui le mercredi 17 décembre 2014. Il fait un vrai temps de Noël à la maison. L'ambiance est tempétueuse.  On est bien dedans.

La ferme est au grand calme. Et moi avec.

Je reprends  ma rétrospective. Vous l'aurez remarqué, ce blog est un peu désordonné. J'écris comme je pense, au fil du temps et des événements. Je n'ai pas l'intention de produire un récit de haute qualité. juste de passer avec vous des moments agréables et divertis.

Ne soyez pas étonnés, ne cherchez pas de logique ou d'objectif dans tout ça. 

Je raconte, parce-que j'aime raconter. Et j'écris, parce-que j'aime les mots, leur musique quand ils sont assemblés en petites phrases réussies.

Je me souviens du jour où j'ai acheté cet ordinateur. Lointain maintenant, d'ailleurs l'appareil donne quelques signes d'alarme sérieuse en tintant comme un perdu au démarrage. Bref, mon seul critère de choix fût le toucher du clavier. Je ne prêtai aucune attention aux performances et aux capacités.
 Pour ce que je voulais en faire, le modèle le plus simple irait très bien. Par contre, j'effleurais sensuellement tous les claviers offerts à mes doigts. Et mon choix se porta sur celui-ci, souple et tonique à la fois. Du ressort, juste ce qu'il faut, et de la docilité, sans soumission. Une merveille. Je ne m'en lasse pas !

Je vous disais donc de ne pas vous laisser surprendre par mes sauts de récits. Commencer à aujourd'hui en finissant cinquante années derrière ne me semble pas du tout incongru. 

Rameuter des écrits d'il y a quelques années au milieu d'une histoire plus ou moins en rapport, non plus. C'est ainsi. Je suis fantasque, dans ma vie tout autant que dans mes récits.

Le temps est linéaire. Nous vivons avec. Mais la nature humaine est aussi imaginaire. Et là, tout est permis. Alors, pourquoi s'en priver ?  

Cette petite mise au point établie, je reprends mon cours. Dans le sens inverse des aiguilles d'une montre...




La vénérable ferme Agorreta est ancienne, vous le savez déjà. Et si vous le découvrez, je vous le confirme :








Et elle fait bien son âge !





Elle daterait originellement des débuts du dix-huitième siècle. Je dis ça comme ça, pour l'avoir vaguement lu par accident. Mais je n'ai pas fait de recherches poussées là-dessus. Si quelqu'un a des éléments plus précis, qu'il n'hésite pas à nous les faire connaître.

Pendant un temps, elle a été le siège d'un hôpital pour lépreux. Autour, les champs servaient de cimetière de fortune pour ces pauvres malheureux oubliés de tous. Et, accessoirement, de décharge publique.
 Longtemps, au gré des travaux agricoles dans les champs autour de la ferme, nous avons exhumé des détritus de toutes sortes  et des ossements humains. Sans plus d'émotion ni d'interrogations. C'était admis et connu. Nous, les enfants, devions trier les cailloux les plus gros, les objets réutilisables (!) et  les os les plus encombrants. On en faisait des tas en bordure, qui servaient de limites de parcelles, très coquettes, entre vieilles casseroles et  divers objets pas très identifiables, et qu'il valait peut-être mieux ne pas chercher à identifier...
 En ces temps-là les soucis d'écologie étaient bien loin !  



Mon grand-père maternel, Iñazio Olaciregui, récupérait tout ce qu'il pouvait. (En dehors des os). Il nous ramenait de petits jouets sommairement débarrassés de la terre qui les avait conservés. Je me souviens d'un petit cheval en plastique jaune, que j'ai longtemps gardé. Nous avions aussi des collections de billes irisées. Je ne sais pas pourquoi, il y avait aussi beaucoup de petites figurines d'animaux, de soldats. Oui, beaucoup de petits jouets, et des couverts de cuisine, aussi. Des restes d'assiettes de faïence épaisse, où ma mère cherchait des estampilles prestigieuses. Elle gardait toujours dans un coin de tête le secret espoir de mettre à jour un trésor. Une grande rêveuse cette Karrmen Olaciregui !

Toujours est-il que nous avons beaucoup retourné et gratté, mais jamais déterré le Graal, sous les cailloux d'Agorreta.


La ferme faisait partie d'un domaine regroupant un "château", et une demie-douzaine d'autres fermes comme la nôtre. C'était le domaine d'Orio, avec sa famille aristocratique, les d'Oberndorff. Comte et Comtesse Von d'Oberndorff.

  La comtesse était originaire de la région parisienne. Jacqueline d'Aramon, c'était son nom, était une jeune femme aventureuse. Elle a été la première pilote d'avion amatrice. Je l'ai connue quand elle devait avoir dans les soixante-quinze ans. Elle était alors veuve de son comte d'époux, le d'Oberndorff sus-dit arrivé des régions nordiques.

Quand les Olaciregui arrivèrent à Hendaye, en 1936, les D'Oberndorff  régnaient sur le domaine d'Orio, en bons seigneurs servis par une troupe de vassaux disséminés dans les diverses métairies alentours, dont celle d'Agorreta.

Ils avaient les usages nobliaux du siècle précédent. Ils aimaient régenter leur "gens" et les recevaient même au "château" dans les grandes occasions.






 Ici, à l'occasion du mariage de l'un des paysans d'une des fermes alentours, tout le monde est reçu sous les arcades.

Il y avait même une chapelle attenante au château. Et chaque année, une messe de Noël y était célébrée.
Nous étions ensuite tous conviés à un goûter.













Ils étaient appréciés et estimés de tous. Tout aristocrates qu'ils soient, ils se sont montrés très démocratiques, un peu forcés sans doute par le démantèlement inexorable de leurs richesses patrimoniales.

Au fil des années et des mauvaises fortunes, ils ont vendu une à une les fermes qu'ils possédaient. Le tour d'Agorreta est venu en 1965. L'année de ma naissance, comme j'aime à le faire remarquer. Toujours modeste et soucieuse de ne pas me mettre en avant, je souligne seulement que, pour notre famille, tout a commencé quand je suis née. Mon arrivée en ce bas monde a coïncidé avec le début de la constitution foncière des Legorburu d'Agorreta. Et, aussitôt, on me réplique : et les emmerdements avec... !  Bon, que voulez-vous répondre à tant de mauvaise foi ? Je tourne le dos en haussant des épaules, navrée d'autant d'ingratitude.

Des Olaciregui migrants, nous sommes passés aux Legorburu, puisqu'entretemps, ma mère a épousé mon père. En avril 1951, le même jour qu'Albert et Jacqueline de Monaco. Ca a d'ailleurs fait du tracas à tous les invités qui ont du décommander Monaco pour venir à Hendaye...

Là, ce qui aurait été bien, c'est une belle photo de mariage de l'époque. J'en ai une pourtant, je le sais, mais il faut que je vous la retrouve. Une autre fois, donc.

Je vous raconterai alors l'amourette entre la jeune Karrmen, et le petit voisin, l'actuel Aïtato.

Pour en revenir à la Comtesse d'Oberndorff, c'était une femme très attachante. 

J'ai travaillé pour elle dans ma jeunesse, pour me faire un peu d'argent de poche. La Comtesse menait grand train et employait du monde à son service. Dans la tradition féodale encore en vigueur, j'allais prêter main forte au service. Mais, comme les temps avaient changé tout de même, je percevais une juste rémunération. Et, pour être complète, je dois dire que la Comtesse était sacrément généreuse ! A l'époque, c'était il y a près de quarante ans, elle me payait sept mille francs pour un mois de travail. Je me contentais de servir les petits-déjeuners, de faire le ménage, et de resservir le déjeuner à table. Une cuisinière à demeure s'occupait de la préparation des repas. Des extras, (souvent des femmes du voisinage) venaient à la rescousse quand le château se remplissait d'invités.

Nous étions toute une troupe de valetaille joyeuse et pépiante, fourmillant dans les pièces à usage domestique. Nous nous faisions plus discrètes quand nous montions dans l'étage noble, et endossions carrément un uniforme pour servir dans la grande salle.

J'avais appris les bons usages. Que j'avais peu eu l'occasion de pratiquer régulièrement chez moi. Et je tenais mon rôle, très amusée de ce spectacle dont je ne perdais pas une miette.

J'en ai tiré l'enseignement que les grands de ce monde ne sont pas mieux lotis que les autres, quand ils se retrouvent en intimité.

J'ai en mémoire le Duc de je ne sais plus où, petit homme voûté et malingre.
 Je toquais à la porte de sa chambre tous les matins, pour lui porter son petit-déjeuner. Je tenais en équilibre un plateau garni d'argenterie dodue et rutilante. Tout y était soigneusement disposé. Une théière ventripotente, deux tasses, un pichet de lait, et deux briochettes.
Il me priait très civilement d'entrer en ramenant à lui les pans d'une robe de chambre chatoyante. Je posais mon plateau en prenant garde de ne rien renverser sur une petite table devant la fenêtre. Depuis cette fenêtre, je jetais un œil sur ma ferme en face. 
Le Duc était seul, tous les matins. Et tous les matins, il me répétait comme en s'excusant : "La Duchesse est dans la salle de bains. Je vais la prévenir que son thé est servi".
Je versais religieusement le thé sombre dans les deux tasses translucides, reposais la théière et me retirais en lui souhaitant bon appétit. Il refermait lui-même la porte derrière moi en me remerciant chaudement.
Je redescendais en cuisine. Attrapais le plateau suivant préparé par la cuisinière. Et remontais pour toquer à la porte de la chambre voisine. La Duchesse grognait depuis son lit. Je pouvais entrer, déposer son plateau près d'elle et m'en retourner.
Dans la chambre du Duc, la tasse de la Duchesse fumait encore. Quand je revenais chercher le plateau, elle tiédissait toujours la paume de la main, intacte. 
En cuisine, nous nous partagions la briochette en nous désolant pour ce pauvre Duc abandonné dans sa grande chambre. Nous ne cherchions pas spécialement à comprendre pourquoi il tenait tant à sauvegarder des apparences contre toute logique.
 Mais bon, ce désarroi nous rendait tout ce beau monde plus sympathique. Nous travaillions ainsi en compatissant aux petits et grands malheurs de ceux que nous servions. C'était mieux pour notre moral...


Aujourd'hui, tous ces fastes ont fait long feu. Le château d'Orio a fini par être vendu. Le domaine est complètement morcelé et nous avons au fil des années pu reprendre les terres autour d'Agorreta. Comme je retournais travailler chez la Comtesse tous les étés, j'étais au courant de l'avancée de ses affaires, et je pouvais au bon moment lui proposer de racheter un morceau de terrain.

La vieille dame n'était pas dupe. Elle regrettait le passé, mais savait bien que la marche du temps était inexorable. "Bah, disait-elle souvent, je n'ai plus d'argent, mais j'ai vécu heureuse !"  Elle me confiait les papiers nécessaires et un sourire de bonté éclairait son visage malicieux.

Je vous montre le "château d'Orio" tel qu'il est aujourd'hui.








Je le vois comme ça depuis mes fenêtres. C'est le grand bâtiment en haut à droite. Vous reconnaissez les arcades ? Et vous sentez la pression immobilière qui grignote les environs ?
Le pauvre vieux "château" est un peu serré sur ses flancs maintenant...
Mais la comtesse n'est plus. Et le vieux Duc peut toujours continuer à attendre que sa Duchesse d'épouse sorte de la salle de bains pour partager le petit-déjeuner avec lui !



Allez, je vous laisse ici. Vous connaissez maintenant mes rituels. Goûter, promenade avec les chiens, avant les repas du soir pour tout le monde.

Portez-vous bien et à bientôt !






2 commentaires:

  1. Cette photo de famille à l'occasion du mariage de ma tante a été prise devant la mairie d'Urrugne! Que de Souvenirs et tout particulièrement le goûter de Noël et jeux à profusion ...avec tous les enfants du quartier d'Orio!! Henriette

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour la rectification.
      Aïtato n'avait pas reconnu l'endroit, ni les mariés, d'ailleurs !
      Et moi non plus, honte moi...

      Supprimer