mercredi 2 novembre 2016

LE SEDUM ACRE



Bonjour à tous !






Une aube idéale d'automne, en continuité avec toutes celles des jours précédents.
Après la Toussaint, nous voici à la journée des défunts.
Dans un de ces amalgames dont je ne suis donc pas la seule coutumière, nous pensons à nos morts le 1er novembre, et ne pensons à rien de particulier, le 2, jour officiel pourtant des morts.

Moi, dans ma phase morbide sereine, je pense à mes morts, le 2 comme le 1er et les jours d'avant.
Ça me tient, ces temps-ci.
Je me suis affranchie de toute tristesse pesante. 
Je me suis même affranchie de toute bienséance, plaisantant volontiers avec ces choses si graves.

Si vous avez connu le deuil, la mort d'un proche, cette petite sidération de ce à quoi nous ne pouvons accéder, de ce à quoi nous ne voulons pas croire, l'anéantissement brutal et la survenue du rien là où il y avait la vie et la joie, vous me comprenez sans doute.
Vous avez comme moi expérimenté ces moments incongrus où au fond de la tristesse une idée saugrenue vous ferait rire,  où l'élan vital vous bouscule de manière surprenante, quand tout autour de vous parle de mort.

Comme moi sans doute, vous avez refréné ces pulsions malséantes, comme on refrène à tort les larmes qui vous viennent dans les moments intenses.
Et pourtant, ces émotions extrêmes, vous les avez ressenties, et peut-être auriez-vous été mieux inspirés de les laisser voir, de les partager, comme on partage tout ce qui est convenu, mais pas toujours sincère.

Je suis maintenant persuadée d'être capable de mieux sentir les sensibilités des uns et des autres.
Persuadée que mes rires peuvent faire du bien, dans les moments tristes, comme les pleurs soulagent la tension.
Je sais ne pas imposer mes affranchissements. Les garder en réserve quand ils heurteraient.

Ici, dans ce "bloc",  au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je laisse aller tout ce qui me vient, sans retenue, censure ou tentative d'ordonnancement.
Je m'affranchirais presque de mon souci de faire bonne impression, si je n'étais pas humaine, quand-même...
Alors, je laisse aller mes petits chevaux, en espérant que vous saurez comprendre leurs courses désordonnées.

Ce matin, je suis encore allée au cimetière.









J'y suis assidue.
Ces journées chaudes malmènent les fleurs posées sur les tombes.
Toujours soucieuse de faire perdurer mes investissements, j'assure un arrosage suivi de mes compositions.

Jetant un œil distrait sur le panorama, magnifique, de ce cimetière Hendayais, j'ai remarqué pour la première fois la pointe de ma Mère-Rhune, veillant par dessus les bosquets sur nos stèles arrondies tournées vers l'est.
Ça m'a rassurée, de vérifier cette constance dans mon environnement familier.

Faisant le tour de mes plantes, j'ai caressé les têtes dures de ces succulentes que ma mère adorait.
Vous connaissez peut-être, ces plantes type grasses, aux feuilles épaisses et presque minérales.
On dirait plus des pierres que des plantes. 
L'élan floral les ramène au végétal de leur règne, par l'émergence inattendue de couleurs et de formes graciles.



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Ces sedums, sempervivum, et autres joubarbes, résistent à presque tout. Elles supportent l'aridité de la sécheresse, la chaleur ardente et l'oubli.
Le froid seul les fond en eau.
On ne peut pas être résistant à tout, tout pugnace que l'on soit !


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De la pierre elles ont la ténacité et la dureté. Quand de leurs pétales figées elles dessinent des cœurs multiples.

J'ai toujours trouvé le penchant de ma mère pour ces plantes tout à fait en accord avec son tempérament.
C'est pour ça que je les ai posées sur sa tombe.

Nous avons longtemps eu à la ferme une potée d'un de ces sedums drus et quasiment increvable :


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J'en avais fait des boutures et avait porté cette petite rebelle au cimetière.
De petites repousses suintaient entre les joints des plaques de granit, accrochées à l'infime traînée de poussière amassée là.
Je vous le dis, ce sedum, un vrai tenace !

Le nom pourtant n'annonce pas un tel caractère : le "sé" d'entrée siffle, il est vrai, assez sec.
La suite est toute douce, s'arrondissant en bouche et atténuant le son en courbe descendante.
La floraison en est pétillante, petites étoiles d'or vives et légères.
La végétation tapisse au ras de terre, rampant prudemment, mais sûrement.
Oui, ce sedum allait à ma mère comme un gant !

Il y a peu, j'ai appris le petit nom de la plante :
ce sedum-ci, bien particulier, est dénommé, je vous le donne en milles : âcre...

J'en ai éclaté de rire quand je l'ai vu !
Et là, je me suis dit, vraiment, comme cette plante allait bien à ma mère...

En ce jour où le souvenir de nos morts est commémoré, je repense à elle, petite femme rustaude et revêche, souvent.
Ma mère, qui manifestait peu son amour pour nous, ses enfants, mais nous le faisait suffisamment sentir pour que nous soyons aujourd'hui capables de penser à elle, en souriant.






Parlant de l'ancien compagnon d'une jeune femme qui en parlait en des termes acerbes, elle lui fit remarquer, non sans justesse :

  - Il était bien bonn, avannt !

De son accent espagnol qu'elle ne perdit jamais.

Elle, c'est maintenant que nous nous rendons compte que, sous ses dehors tranchants, elle l'était, bonne, tout ce temps.


Ma meilleure résolution est de la montrer dès à sa présent,  cette bonté,  de l'offrir de mon vivant, cette bienveillance, avec enthousiasme et humilité.

Bonne journée ensoleillée à tous, et à la prochaine fois, pour une autre homélie ! 







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