lundi 7 novembre 2016

IL ETAIT BIEN BON, AVANT !



Bonjour !

Je reviens sur la fin de mon avant-dernier article.
Là encore, redondances, rappels...
Mes chroniques se suivent, ne se ressemblent pas, ignorent allègrement la chronologie, la logique et autres entraves.
Elles voguent librement, au gré des circonstances et des fantaisies.
Je les veux comme ça, je veux ma vie comme ça, maintenant, légère et sans plus de contraintes que celles que je ne peux éviter.

Ce mot de "redondance" m'est revenu dernièrement, dans un contexte de remontées informatiques, à la jardinerie.
Il était question de rattraper des données stockées en caisses de secours, après une attaque virale d'un Johnny Kryptor "fagociteur" de notre système Projection vulnérable.
Le professionnel de la chose, un de ces informaticiens initiés qui regardent le commun des mortels comme de pauvres hères repoussés à l'extérieur d'un cercle promis aux seuls admis, nous prévenait du risque de "redondance" si nous groupions les remontées des quatre caisses en une seule opération. 
Je n'ai pas bien compris quel était le risque en question, puisque d'après moi, les données logiques ne pouvaient se contredire et s'annuler, remontées simultanées ou pas.
J'ai noté cependant les limites de la froide logique informatique : des données confiées à la mémoire "amotionnelle" s'incrémentent en  une masse jalousement gardée par une puissance occulte. Et, parfois, la puissance ne veut pas rendre ce qu'on lui a confié, tel qu'on le lui a confié...
Ça alors, si même les machines s'y mettent !

Cet autre mot, "incrémenter", je ne le connaissais pas non plus. Je le dois à notre Nathalie, et à ses bases de comptabilité. Je l'aime bien, cet "incrémenter", bien plus chantant et poétique que le plat et sec "impacter". Ne trouvez-vous pas ?

Cette petite digression sémantique survolée, je reviens à nous.























Ci-haut : hier dimanche,




Ci-contre, quelques jours avant.






























Encore ci-haut hier, dimanche,




Et ci-contre, toujours, quelques jours avant.







Vous notez la différence ? Vous voyez cette place nette, là où s'élevaient mes tas de fumier de l'année ?

Oui, comme prévu, parfois les choses se passent effectivement comme on les prévoyait, le fumier a été épandu vendredi après-midi.
J'étais à la jardinerie, sans cela, je vous aurais fait le reportage en images de l'opération.
Trois Beñat se partageaient la tâche en un ballet mécanique sûrement gracieux et tout à fait efficace.
Mon or noir a été pulvérisé et éparpillé dans les champs. Juste à temps, avant le mauvais temps.
On croirait à me lire qu'Agorreta est une grosse exploitation. Que les enjeux y sont d'importance.
Je rectifie : Agorreta est une ferme-loisir, et nos modestes activités traditionnelles n"incrémentent" pas au delà de nos petites réminiscences agricoles.
Cependant, petits ou grands, les projets demandent à être réalisés en leur juste temps.
Et nous suivons les rythmes ancestraux tout aussi assidûment que les plus grosses structures du département.
Notre contact à la nature est le même. Et notre plaisir en est plus grand d'être allégé de la peine.
Ça aussi, je le veux comme ça, maintenant, et je m'y tiens !

Pour en revenir à mon titre, puisque j'essaie quand même de ne pas perdre mon fil entre les premiers mots de mes articles et leur teneur,  je reprends cette tournure maternelle, restée dans nos mémoires et passée maintenant dans notre domaine public local :

 - Il était bien bon, avant !

Comme je vous l'ai brièvement relaté, ma mère concluait ainsi une discussion avec une jeune femme de nos relations.
Cette femme, Lucie de son petit nom, venait de souffrir les affres d'une séparation.
Elle tâchait de panser ses plaies comme elle le pouvait, habillant son ancien amour de tous les défauts de la terre, pour s'en détacher.
Une manière de sauvegarde, un appel au secours, une tentative de trouver appui et réconfort.
Il aurait fallu pour alléger sa peine abonder dans son sens, charger le maudit de toutes les fautes, et exonérer ainsi notre plaignante Lucie.
L'homme qu'elle avait aimé, elle le voyait maintenant sous un jour tout différent, au nouvel éclairage de sa situation du moment.
Son regard sur lui avait diamétralement changé à cette occasion, évidemment.
Nous avons tous plus ou moins connu le phénomène, quand nos jugements dévient et s'opposent, d'une circonstance à une autre, sur le même sujet ou la même personne, pourtant.

Comme il est dit : d'un chien qu'on veut noyer, on dit qu'il a la rage.
Ce même chien, nous le trouvions adorable, au moment où nous le voulions. Puis, nous nous sommes lassés de lui, il nous a mordu, peut-être, et nous n'en avons plus voulu, le haïssant au point de vouloir le tuer, lui que nous affectionnions si bien, avant.
Pour adoucir le sentiment de culpabilité forcément né d'un tel revirement, tous les prétextes sont bons, et rameutés tous azimuts.

Nous nous arrangeons de nous-mêmes et de nos inconstances, quitte à nous mentir sur nos motivations. Et oui... ce n'est pas toujours joli joli, d'être humain !

Ma mère connaissait la trame de l'histoire. Elle sentait bien ce que demandait Lucie.
Par miséricorde, elle aurait pu lui accorder une ou autre pique à l'intention du damné, et la soulager ainsi, un peu.
Mais non, elle choisit de renvoyer Lucie à ses tourments, en lui administrant cette cinglante répartie :

 - Il était bien bon, avant !

Quel manque de tact et de sensibilité, chez cette femme, ma mère...

Elle avait ainsi quelques expressions fétiches.
J'y retrouve son caractère en un condensé limpide.
Tenez, par exemple, celle-ci :

 - Ez haiz, hi, azitako geldituko, ez !

 - Tu ne resteras pas, non, toi, pour la semence !

Je vous explique un peu, pour les non ruraux à qui la tournure peut sembler énigmatique.
Quand vous récoltez, si vous êtes contents de votre récolte, vous espérez en avoir une autre de la même qualité.
Pour ce faire, vous sélectionnez les graines des cultures qui vous ont si bien satisfait, et en conservez suffisamment pour les ressemer.
Ces graines ne seront donc pas consommées, et se perpétueront dans le nouveau cycle de culture. Une manière d'éternité...

Evidemment, maintenant, avec l'arrivée des sélections de semences hybrides, incapables de se reproduire, on ne peut plus espérer récolter deux générations issues de la même graine.
Les limites de la modernisation, et les vices de l'industrialisation à outrance.

Ma mère en restait aux traditions ancestrales, et aux variétés non-hybridées, capables de se perpétuer par leur seule graine.
Et donc, prédisait-elle aux impudents qui prétendaient ignorer leur limite d'humanité mortelle, en leur jetant à la face leur triste condition :

 - Tu ne resteras pas pour la semence, 
en d'autres termes, tu mourras !

Quelle délicate perspective à rappeler, n'est-il pas ?

Elle était comme ça, ma mère.
Elle offrait volontiers ses aigreurs.
Elle avait honte de ses gestes tendres. 
Je me souviens d'une fois, où, petite fille malade et alitée, je l'avais sentie poser sa main sur mon ventre, et prier, me croyant endormie.
Jamais elle n'aurait eu ce geste de tendresse inquiète, si quelqu'un l'avait regardée.

Seules, la vieillesse et la maladie conjuguées lui ont fait baisser sa garde revêche.
Quel dommage, tout de même, tous ces élans affectueux retenus. Et pourquoi ?

Je ne suis moi-même pas très à l'aise dans les effusions affectives.
Je manie beaucoup mieux l'ironie et la rudesse.

Mais bon, pour ceux qui suivent, vous le savez, j'essaie de changer, pour mon bien et celui des autres.






Histoire de ne pas finir desséchée comme ces bois morts tombés sur le sable...






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