mercredi 4 février 2015

LUNDI DE CARNAVAL




Bonsoir à tous !


La journée m'a passée comme une comète. 
J'ai tout juste eu le temps de faire le vœu d'en connaître beaucoup d'autres comme ça.

Matinée scintillante et pure, vent vif sur les contours ciselés.











Du givre pur sur les pentes ombrées.

Le soleil cueille les cristaux en lapant les bons versants.

C'est froid, et c'est sain.









Dans la maison, je fais ronronner tous les poêles.

Ca crépite gaiement, et, surtout, ça diffuse une belle chaleur dans les coins, en plus de la vive danse lumineuse des flammes ondoyantes.








A ce soir, il fait bon partout dans la vieille ferme.
Dehors, le vent s'est remis à souffler. Dès cet après-midi, les nuages ont réinvesti le ciel.

A Agorreta, nous avons eu de nombreuses visites aujourd'hui.
Ce matin, quelques familiers, agréables et divertis, l'un pour un café, l'autre pour une séance de kiné, ou encore de bavardage.

Dans l'après-midi, le vétérinaire était annoncé pour la prophylaxie annuelle. C'est-à-dire les prises de sang pour vérifier le bon état sanitaire de mon petit cheptel.

Mes vaches sont toutes jeunes. Elles ne connaissent que moi. Tout visiteur dans l'étable est accueilli avec méfiance.
Kattalin, la première, manifeste ses inquiétudes, et, les autres suivent si le motif d'alarme de la première de file s'avère confirmé.






Et là, en la personne de Bégonia, notre jeune et jolie vétérinaire, le motif était sérieux...

Les bêtes n'aiment pas plus les vétérinaires que les facteurs.

Elles sentent venir les ennuis...










Notre petite Bégonia est charmante. A l'origine, ce cabinet vétérinaire comptait moins de professionnels. Un seul, en fait, en la personne de Bertrand.
Bertrand s'est depuis entouré de collaboratrices, toutes plus jolies les unes que les autres.
Après tout, pourquoi ne pas joindre l'utile à l'agréable...

Bégonia, est jeune, jolie, je l'ai dit, mais surtout, Bégonia est un petit bout de femme, plein d'énergie, certes, mais, face à des bêtes de plusieurs centaines de kilos, elle paraît mal armée.
Et bien, dans les faits, Bégonia compense par son adresse et sa" lesteté", la puissance et l'autorité dont son gabarit la prive.

A toutes les deux, nous avons fait le tour de mon modeste cheptel, sautillant de ci de là pour suivre le mouvement, cherchant loin les amplitudes, pour éviter les coups de sabots vite lancés dans ces occasions.

Ma petite Oswitx particulièrement lance loin, haut, et vite son membre postérieur. Elle a la finesse, l'élégance et la vivacité des jeunes athlètes asiatiques.




Là, vous la voyez bien tranquille, couchée dans son paillage, avec sa belle robe noire et blanche.

Cette après-midi, je vous l'assure, elle avait une tout autre allure.

Une vraie petite sauterelle, envoyant les coups tous azimuts.

Mais bon, avec un peu de patience, nous sommes parvenues à la convaincre de se laisser faire.






Ainsi, toutes mes bêtes seront réglementairement contrôlées. Et moi, rassurée sur leur bonne santé.

A la fin de ces opérations, Bégonia est entrée boire une infusion bien chaude dans la cuisine, avec mon père.
Il y avait aussi un jeune collégien venu se rendre compte des joies du métier de vétérinaire.
Il se prénomme William.

Mon père, toujours urbain, et un peu curieux, veut en connaître un peu plus sur ce jeune homme taciturne.

Il lui demande son prénom. " William", répond le garçon, en levant tout juste les yeux. Un jeune timide, un peu dans ses petits souliers après avoir vu les sauts et lancers de sabots antérieurs.

- William comment ? insiste mon père.

Oui, il est un peu pesant parfois. Surtout, il aime à savoir s'il n'y pas moyen de faire un rapprochement, même lointain, avec une connaissance, quand un visiteur inconnu se présente à Agorreta.

Le jeune garçon ne pipe mot. Bégonia, voyant son malaise, répond pour lui :

- Shakespeare !

Nous éclatons de rire. Mon père, lui, ne comprend pas. Shakespeare, d'où sont-ils ces gens là ?
De quelle ferme locale descendent-ils ?

Je lui explique que c'est une manière de plaisanterie. 
Ca lui plaît moyennement. Les plaisanteries, il les aime quand c'est lui qui s'en amuse, pas quand on les fait à ses dépens !

Ca me rappelle une question posée à un voisin qui nous racontait qu'il avait été chercher des poulets vivants dans un élevage.

-Où ça ? lui demandai-je, intéressée.

Mon interrogation du lui paraître suspecte. Ou alors son fournisseur devait rester dans l'anonymat. Je ne sais pas. Toujours est-il qu'il me répondit, sans l'ombre d'un sourire et en croisant les bras :

- A Point P, chez Comaso.

Comaso, c'est le marchand de matériaux d'Urrugne.

Une élégante manière de me dire de me mêler de mes affaires !

Notre petite Bégonia si amusante était à peine partie,  mon père tout juste remis de sa vexation, qu'un minibus de la ville d'Hendaye se présente dans la cour.

Là, je vous la fait courte. L'heure tourne et le sommeil se pose sur mon épaule comme un petit lutin qui veut attirer mon attention.

Une troupe descend, des musiciens, des chanteurs, tous en costume traditionnel.
Ils se présentent en demi-cercle dans la cour, et chantent.
Un continuation d'une tradition ancienne, où, pour Carnaval, les enfants allaient de ferme en ferme, demander "Xingarra eta arraultzia". Du jambon et des œufs.

Nous écoutons les chants et les improvisations, debouts à la porte de l'étable.
Mon père apprécie énormément. J'aime bien aussi.
Un des arrivants prend des photos. 

A un moment, dans une improvisation, en basque, nous disons, "Bertxu", un chanteur dit, là, je vous traduis directement :

- A Agorreta maintenant, il y reste beaucoup de machines, des tracteurs et des charrues. Mais, à Hendaye, il n'y a plus de terre à cultiver, ni de vaches à soigner.

Je note évidemment une connotation politique dans ces propos. Hendaye est très urbanisée, il est vrai. Mais bon, quand on défend la tradition, on essaie de faire la part des choses. La contestation politique paraissait un peu incongrue dans le contexte. Bref.

Là où, immédiatement, le maître d'Agorreta et moi-même, avons tiqué d'un seul mouvement, c'est avec cette question de vaches disparues !
Alors là, après l'heure passée à tourner autour de mes petites belles, il ne fallait pas venir nous dire qu'il n'y avait plus de vaches à Agorreta !

Nous avons illico demandé rectification, et fait entrer quelques uns des présents dans l'étable.
La totalité du groupe risquait d'affoler les bêtes, à peine remises des tracas vétérinaires.

Prises de photos, admiration, contemplation, etc, etc...

- Comme ça, vous allez être vu par le monde entier, Joset ! Nous allons publier ces photos sur Internet.

Mon père, accompagnant ses paroles d'un haussement d'épaules et d'un coup d’œil hautain :


-Bah, sur ton Ternet, j'y suis déjà, avec mon bloc !

Son interlocuteur préfère ne pas relever. Encore un pauvre vieux déboussolé du ciboulot, doit-il penser.

Je laisse dire, et penser, et commenter.

Tout ce petit monde réintègre le minibus garé dans la cour. Et le convoi démarre, en grandes et chaleureuses salutations.

Nous retournons à l'intérieur. Dans la chaleur et la paix à retrouver très vite de la vieille ferme.
Maintenant, mon père dort, paisible et satisfait. Les vaches sont couchées. 
la vieille ferme tiède veille sur nous tous dans la nuit froide.

Je vais me coucher moi aussi.

Bonne nuit à tous. Et paix sur la terre.






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