vendredi 13 février 2015

JEUNES PROMIS ?




Bonsoir à tous !

J'ai une petite demie-heure avant le dîner, je viens vers vous.

Quelques réflexions et remarques sur la jeunesse contemporaine animeront aujourd'hui ma chronique.

A l'occasion d'un remplacement pour maladie d'un de mes collègues de pépinière, nous avons eu la chance de faire la connaissance d'un petit jeune bien prometteur.

Un de ces petits jeunes, agréables et dynamiques, ton de voix vif mais pas péremptoire, allure râblée et tonique, geste volontaire et regard franc.

Un petit jeune comme je les aime, vous l'aurez compris.
Comme une aube riche de promesse.





Pas encore la maturité de la journée bien démarrée, mais des prémices très encourageants.

En plus de ce petit jeune si séduisant, nous avons eu aussi des petits stagiaires, ma foi, eux aussi, plutôt porteurs d'espoir.

J'ai maintenant cinquante ans. Cet âge où l'on regarde ses cadets d'un œil condescendant.
Pas forcément encore aigri de la jalousie pour ce qu'on a connu, et que, malheureusement, on a pour toujours perdu. 
Mais déjà entaché quand même de la nostalgie annonciatrice de la plus en plus proche vieillesse.

Malgré ce regard un peu biaisé, j'essaie de garder un avis mesuré, et, si possible, raisonnable.
Là, raisonnablement, il y a de quoi se réjouir.

Cette jeunesse que l'on a souvent tendance à dénigrer, trop molle, pas assez courageuse, vite lassée de tout, cette jeunesse, ne serait pas aussi mal engagée dans la vie. Alléluia !

Philippe, mon collègue et néanmoins presque ami,  a partagé totalement mes observations concernant ce jeune homme.
Philippe, je vous en parlerai sûrement plus tard, puisqu'il fait partie de mon quotidien professionnel.
Philippe est un homme droit et intègre. Dans ses vues, il est assez judicieux. Nous partageons souvent la même façon de voir.

Philippe dit juste, donc, souvent. (mais pas toujours bon, à entendre)...
Et là, il dit comme moi. 

Plus près d'Agorreta, l'occasion m'est donnée d'observer de la jeunesse au plein travail.
A portée d'yeux (et de mes pauvres oreilles), j'ai un descendant de cousinage très entreprenant.

Il démarre à sept-heures du matin, en pleine nuit hivernale, et je le vois rentrer de ses chantiers le soir, à presque vingt heures. Quand ce n'est pas plus tard !
Six jours sur sept, ce petit se démène.

On dit son domaine d'action en difficulté. Je ne sais pas. Ce que personne ne pourra nier, en revanche, c'est qu'il aura essayé, de toutes ses forces et de son courage, méritoire.
L'avenir parlera.  Je souhaite vraiment que tant d'efforts dispensés sans mesure soient récompensés. Sinon, c'est vrai que c'est à douter de tout !

Pour en revenir à ce petit jeune nouveau recruté, il se prénomme Jean-Michel, comme notre estimé directeur.
Tout s'expliquerait, donc...

A ce propos, je commis il y a quelques années, une petite ode à mon directeur. Pourquoi pas ?
Je ne résiste pas au plaisir de vous la faire partager. Je lui ai au préalable parlé de mon projet, bien-sûr, vous me connaissez.

Avec cette nouvelle éthique de "Je suis Charlie", c'est bien commode, on peut tout se permettre, sous couvert de la liberté d'expression.
A condition d'en accepter les retours de manivelle, évidemment.

Mais bon, de retour de manivelle à retour d’ascenseur... Il suffit d'éviter de se les prendre sur la tête au lieu de les prendre en main ou en marche !

Allez, je ne vous fais pas languir, plus longtemps. (Comment ça, vous ne vous languissiez-pas ?)

Voici le texte annoncé. 
J'avais égrené une panoplie de mes collègues. Les uns après les autres, ils se proposaient (enfin, je, les proposais !) à mon regard.




JEAN -MICHEL



      Allez, dans la foulée, nous allons appeler maintenant le suivant, roulements de tambours… Le Directeur !
      J’ai fait sa connaissance il y a peu.
      Et pourtant j’ai l’impression de le connaître aussi bien qu’un petit frère.
      Nous avons la même culture, à peu de choses près la même éducation.
      Nous sommes très différents aussi, suffisamment en tout cas pour être curieux l’un de l’autre.
      Nos rapports sont professionnels d’abord, mais nos conversations glissent le plus souvent vers nos vies privées.
      Nous parlons ensemble de choses personnelles, et pour ma part en tout cas, j’aime écouter ses avis.
      Le garçon est vite sur la défensive. Je prends garde de ne pas le brusquer, quand j’y pense…












      Je ne désigne jamais mon directeur par sa fonction. Personne dans l’équipe ne le fait, d’ailleurs.
      Il se prénomme Jean-Michel.
      Il est jeune encore, plus jeune qu’une partie des membres du petit troupeau qu’il dirige tant bien que mal.
      Le type basque, indéniablement.
      Sa silhouette est râblée, il est fort comme un bœuf et aime à le faire remarquer.
      Il porte les bras un peu longs près du corps et sa démarche danse sur les pointes de pieds.
      Invariablement, sa chemise glisse au fur et à mesure de l’avancement de la journée hors de son pantalon. Sa conformation est ainsi faite.
On peut très fiablement deviner au degré d’envol de ce pan de chemise-témoin, le degré physique de l’activité précédente.
Pour peu qu’un effort violent ait été sollicité dès la première heure, nous le voilà déjà alors aussi débraillé qu’à la toute fin d’une journée de bureau.
Ce petit négligé vestimentaire nuit à son image de directeur mais le rend tellement plus sympathique à l’abord !
      Il aurait une petite tendance à prospérer au niveau de la ceinture, une petite rondeur sans lourdeur encore.
            Ses mains sont remarquables. Ses doigts, plus particulièrement. Très longs, fins et déliés.
            Il tient ce qu’il prend curieusement. Le stylo, par exemple, est saisi au plus près de la mine, d’une façon qui paraît inconfortable. Il semble que la longueur incongrue de ses doigts le laisse aussi embarrassé qu’un appendice inutile.
            Sa préemption en est gênée, du moins on le dirait. A contrario, l’efficacité de la sus-citée préemption ne se peut pas nier ! Ce qu’il prend, il le tient bien, et ce qu’il tient, pour peu qu’il ait décidé de le garder, inutile d’essayer de le lui enlever…
      Son visage est avenant, il sourit facilement.
                  Mais se referme très vite.
            Les ouvertures de son visage sont étroites. Il conserve par devers lui son énergie. Et Dieu sait qu’il ne doit pas en manquer, pourtant !
                  Il écoute avec attention, mais méfiance. L’autre est laissé à la limite extérieure de la perception, en quarantaine, le temps d’être examiné, et peut-être admis, mais dans un temps second.
                  Jean-Michel est persuadé d’être un homme souple et ouvert.
            Il me l’a souvent dit, cherchant quand-même sans trop le dire mon approbation. C’est bien qu’il lui reste un doute… Et d’après moi, solidement fondé !
                  Il comprend vite et sélectionne rapidement les informations. Il est capable de digérer et de s’approprier les innovations en les améliorant judicieusement.
            Mais il veut d’abord les flairer à son aise. Tel le vieux matou échaudé, il laisse venir à lui en surveillant de biais. Son attitude face au monde est réservée, au mieux, quand elle n’est pas carrément défensive.
                  Il ne s’oppose pas, mais résiste. Il s’intéresse, son esprit est curieux, mais en restant sur ses gardes.
                   J’ai évoqué brièvement son parcours professionnel .
                   Jean-Michel a réussi une belle carrière. Il a travaillé pour, a su faire valoir ses mérites et continue de se montrer à la hauteur de ce qu’on lui demande.
                   Il est intelligent, vif et courageux. Il a le bon sens indéfectible des terriens et l’imagination enrichie de ceux qui ont su regarder autour d’eux. Et comprendre ce qu’ils voyaient.
                   Il ne manque pas d’énergie, je l’ai déjà dit. Il a la densité et le compact d’une boule de pétanque justement envoyée. Quand il est lancé, il fait mouche !
                   En dehors de sa méfiance bien enracinée, il cultive aussi un certain goût de l’inertie. Il est adepte du « laisser mûrir ». Que je rapproche du « laisser pourrir ».
                  Ce n’est pas de la passivité. Ni un manque d’audace. C’est la croyance ferme qu’il vaut souvent mieux laisser faire avant de se décider à intervenir.
                  L’exact contraire de ce que je suis…
                  Je ne dis pas qu’il ait tort et moi raison. Ce serait si simple ! Non, en certaines circonstances, sa devise a démontré sa justesse. Et en d’autres évidemment, ses limites.
                  Là où il est touchant, ou du moins là où moi je le trouve irrésistible, c’est quand il doute.
                  Le doute est preuve d’intelligence.
            On garde l’esprit ouvert à des raisonnements étrangers, on les respecte et on les admet. Simplement, avant d’en arriver à l’acceptation, puis à l’appropriation, il y a la phase de doute, celle de l’observation et de l’étude.
                  Là, Jean-Michel, sûrement sans le savoir, donne le plein de son charme. Et je suis certaine que non seulement il ne s’en rend pas compte, mais qu’en plus il n’aime pas cette étape d’indécision.
                  Je peux me tromper, mais je pense qu’il préfère ne pas décider spontanément non pas par goût ou par calcul, mais plutôt parce qu’il veut se donner toutes les chances de ne pas faire fausse route.
                  Sa réflexion est une garantie prise contre les risques d’une impulsion follette. Comme j’en suis moi coutumière !
                  Par contre, ce temps n’est pas vécu dans le confort.
            Ce n’est pas un mûrissement respectueux des rythmes des choses et des gens. Ce n’est pas l’attente réfléchie de déblocages et de décantements  nécessaires à un terme qu’il ne faut pas avancer.
            Non, ce temps du doute est un peu douloureux. La décision reste en suspens, un peu comme un danger qui menace. Il faut choisir, écarter des possibilités qu’il regrettera peut-être de n’avoir pas retenues.
            Un reste de sa méfiance atavique. Et là, c’est de lui-même qu’il se méfie, autant que de la tournure des choses et des gens.
            Jean-Michel n’est quand même un misanthrope doublé d’un pessimiste chronique. Loin de là !
            Il y a la foi dans l’avenir chez ce garçon, et la belle assurance de sa capacité à y prendre convenablement sa place. Sa curiosité le mène vers les autres et vers l’avant. Il ne se replie pas sur lui-même.
            Mais il garde en tête que les choses faciles sont suspectes, que ce qui le séduit trop pourrait le détruire.
            Nous le taquinons souvent sur son célibat.
            Oui, Jean-Michel, est jeune encore, d’accord, mais à son âge, la plupart sont déjà en ménage. Ou ne le sont déjà plus…
            Quelques clientes, visiblement très intéressées par le personnage, et pas seulement pour la valeur, certes inestimable mais tout de même, de ses conseils professionnels, s’en étonnent auprès de nous.
            Comment, me disent-elles, cet homme si plaisant et tellement serviable est célibataire ? Comment cela se fait-il ? s’écrient-elles, toutes prêtes à se pencher très sérieusement sur la question.
            Certes pour la plupart, ces dames ont un peu d’âge. Mais leur jugement n’en est que plus valable. Si leur candidature spontanée à peine déguisée reste moins tentante. Elles parlent d’expérience et leur regard est bien aguerri de tant de temps de fines observations.
            Je m’en amuse assez, et plus encore de rapporter ces propos orientés à notre Jean-Michel qui fait semblant d’en rougir, le coquet !
            Nous plaisantons, nous plaisantons, bien-sûr, mais tout de même, à bien y regarder, n’y a-t-il pas là un petit enseignement supplémentaire à tirer ?
            Matière de qualité à corroborer nos supputations précédentes sur sa nature humaine ?
            Je le crois, et je vous le dis, oui, mes frères, notre Jean-Michel bien-aimé est un garçon un petit peu renfermé sur ses peurs de l’autre et de la Femme en particulier.
            Il m’a un peu conté l’histoire de sa famille. C’est édifiant.
            Les femmes y tiennent un rôle un peu suranné difficile à faire coller avec nos contemporaines. Des mères et des épouses effacées, ombre des mâles qu’elles servent en silence.
            Ou alors matrones et patronnes castratrices, dévoreuses d’autorité et impossible à gérer.
            Au milieu de tout ça évidemment, le Jean-Michel petit garçon a du voir les choses d’un œil un peu effrayé. Les couples qu’il a connu fonctionnaient sur des schémas un peu extrêmes de domination ou de dépendance.
            Je n’ai pas relevé dans ses propos la restitution d’une relation de couple équilibrée et équilibrante.
            Sa mère est morte jeune encore, et la maladie a du transformer son rapport à son époux. Son père est je crois marqué encore par l’influence mauvaise de l’une de ses belles-sœurs dominatrice. Il en a souffert dans son histoire avec son épouse et a du faire partager à son fils ses rancœurs.
            Je ne suis pas spécialiste de ces choses là, et j’ai pu mal comprendre une histoire compliquée. Jean-Michel me parle de plusieurs de ses tantes, cousines et autres, et je mélange parfois tous ces prénoms.
            Là encore, j’affabule peut-être complètement. Taxez-moi d’avoir l’imagination trop galopante. J’ai toujours pris ça pour un compliment.
            Toujours est-il que rien n’explique le célibat de notre Jean-Michel, si tant est que ces choses là doivent s’expliquer.
            Chacun vit sa vie selon ses choix et ses priorités. Je pense d’ailleurs, et je le lui souhaite, que Jean-Michel n’est pas du tout à plaindre. Il paraît épanoui et ne donne pas de signes de tristesse.
            Ce garçon me plaît beaucoup. Il m’attendrit et je me sens proche de lui.
            Par moments aussi il me consterne. Son attentisme, ses arrêts brutaux-butés, ses suffocations de jeune fille outrée quand je le pousse dans ses retranchements, tout ça me le fait éviter certains jours.
            Mais notre pépinière est grande et propice aux isolements.
            Quand je le sens mauvais sous ses sourcils bas froncés, le front barré des trois rides d’avertissement, je m’éloigne, tout simplement.
            Des jours meilleurs nous viennent et nous reprenons gentiment nos échanges agréables.
            J’y ai pris goût et je me demande comment je faisais avant de le connaître…










Quel bienfait de travailler avec des gens de bonne qualité !

Je vous en parlerai, en détail, plus tard.

Mais là,  cette jeunesse (et un peu moins jeunesse), pleine de promesse, ça me fait du bien, tout simplement.

Comme ce grand soleil en plein hiver.

Trêve de mauvaise poésie.
A bientôt mes amis !

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