dimanche 3 janvier 2016

CHEMIN DES CRÊTES : Mme et Mr M.



Suiveurs des nouvelles d'Agorreta, bonjour !

En ce début janvier, la pluie fait promesse mais ne tient pas, pour le moment.



Les jours prochains, peut-être ?
La matinée est grisette, avec un petit air vif de noroît. J'ai allumé le grand poêle, en bas, la vieille ferme ronronne d'aise.

L'étable est calme. Rubita et Galzerdi prennent leur parti de l'arrêt du lait dans leur alimentation.





Retournons Chemin des Crêtes.





Et visitons un par un nos couples de voisins de cet été 2003, torride, au propre et au figuré...



Pour aujourd'hui, nous allons à la rencontre de Mme et Mr M.
Ils ont construit leur maison autour de l'année 2002. Vite après les premiers arrivés, Mme et Mr B.


Je commence par eux, par ordre décroissant de sympathie.
Ils sont les seuls, je vous l'ai dit, à nous avoir reçus chez eux. Ils sont les seuls, aussi, à avoir essayé de nourrir un semblant de relations de voisinage amicales avec nous.
Mr M. est sorti plusieurs fois de sa propriété, en entendant arriver notre vieux tracteur, avec mon père au volant.
Mon père aimait bien faire des virées, ici et là. Pour véhicule de prédilection, il choisissait son vénérable et fidèle Ttiki-Haundi.


Tout le monde entendait, puis voyait, cet équipage sympathique, paradant royalement par les routes et chemins des environs.
Je me demande comment nous avons évité drames et accidents, avec cette mécanique sans freins ni éclairage, et son chauffeur un peu avancé en âge pour pouvoir compter sur une vigilance depuis longtemps émoussée.
Dieu merci, jamais, nous n'avons eu à déplorer un quelconque accrochage. Le tracteur allait doucement, fièrement, au plein milieu de la voie. Les voitures faisaient autour, comme elles le pouvaient, patientant, ou ne patientant pas...

Mr M. devisait volontiers avec mon père, devant sa villa. Ils échangeaient quelques mots, neutres mais bienvenus, comme il se doit entre voisins de bonne compagnie.

Au début, de notre entreprise de remblaiement, Mr M. ne manifesta pas grande réaction.
Sa maison est bien en retrait de la route, entourée d'un bon mur, et, derrière son haut portail de bois sombre, les bruits de circulation doivent parvenir bien feutrés et peu dérangeants.

J'imagine qu'il entra dans la danse, poussé par ses voisins plus belliqueux. Et sans doute un peu inquiété lui aussi par le dense trafic généré par le chantier espagnol du début d'été 2002.
Je l'ai reconnu plus haut, et je le redis encore ici, cet épisode est à porter à notre charge, dans l'affaire Legorburus contre voisins, au Chemin des Crêtes.

A la réunion en mairie d'Urrugne, en juillet 2002, il se montra paraît-il pondéré.
Il permit à mon frère aîné d'acquérir un nouveau mot de vocabulaire : parlant des effluves pestilentielles dégagées par les amas d'ordures ménagères traitées à Bittola, juste en dessous de cette zone, (décidément, une décharge au sud, une décharge à l'est, et un remblai au nord, quel environnement déplaisant !), Mr M. avança l'adjectif "nauséabond".
Mon frère retint phonétiquement ce terme qu'il ne connaissait pas. Il me le rapporta, le moulant voluptueusement en bouche, comme une patate chaude : "nôse et abonde".
Je ne compris pas tout de suite, tant il prononçait avec application, en séparant exagérément les syllabes. Nous rîmes de bon cœur, ensuite, et le terme revint dans nos conversations, où il se sentait comme une paon dans un poulailler : encombré de son trop grand panache.

Mr M. profitait donc de cette réunion pour mettre dans le même panier tout ce qui l'incommodait : nos camions, les ordures ménagères, les caravanes stationnées devant sa villa, et tutti-quantti. Voilà un homme efficace. Il s'était déplacé, avait parlé, et mis à plat tout ce qui le gênait dans la conjoncture.
Mon frère lui déposa de grosses pierres, à l'extérieur de son mur d'enceinte, au bord de la route, pour empêcher les longues caravanes de s'installer là :


Elles y sont toujours..

Mr M. parle d'une voix douce et posée. Son élocution est lente. Ses mouvements le sont aussi.
Sous ses épais sourcils blancs, son regard peut sembler débonnaire. Il a pourtant quelque chose d'un fauve aux aguets. Ses gestes ne se départissent jamais de leur cadence ralentie. Mais dans ses yeux, on perçoit des fibrillations neuronales rapides, et efficaces, toujours.
Je ne sais pas ce que faisait Mr M., dans la vie. C'est maintenant un vieux monsieur, auréolé d'épais cheveux blancs, un peu bossu, à la démarche penchée. Je l'imagine dense comme un minéral des profondeurs. Difficile à entamer. 
Nos tourments, il les écouta. Pas par intérêt pour nos affaires, je crois. Plutôt pour se préserver d'une animosité qu'il semblait craindre. 
Mme et Mr M. ont eu à déplorer un mini-attentat, contre leur villa. Un matin, leur immense porte d'entrée en fer forgé a été soufflée par une explosion.
La construction de leur maison est remarquable :



La villa semble tapie en contrebas. Seule, une émergence affleure, histoire de profiter quand même de la vue sur la mer, sans doute, en se protégeant au maximum d'attaques éventuelles, dirait-on.
Toute l'attitude de Mr M. est similaire. Il observe, parle peu, et toujours à bon escient. Se questions sont rarement gratuites.
Ses interrogations lors de notre entretien chez lui ciblèrent rapidement une éventuelle faille dans notre système. "Votre activité est commerciale, elle n'est pas agricole, n'est-ce pas ?", glissa-t-il en faisant patte de velours. Telle l'araignée séduisant la mouche venue se poser innocemment sur sa toile fatale.
Nous étions suffisamment sur la défensive pour ne pas nous laisser endormir, vous pensez bien !
Mais vous avez là le mode opératoire de l'homme, de ce grand félin aux idées lestes et fulgurantes.

J'ai revu Mme et Mr M. depuis. Ils sont clients de la jardinerie.
Mme M. est une charmante dame, aux yeux clairs très rapprochés, dans un visage largement ouvert et souriant.
Ils se montrent agréables, et nos échanges sont légers et divertis.
Je garde ma défiance envers ces gens. Je n'irais pas je pense leur faire confidence d'une histoire pouvant se retourner contre moi. Je les crois capables de faire feu de tout bois, en cas de besoin, tant je les sens sur la défensive, tout en donnant tous les signes extérieurs du contraire.

Là encore, mon imagination s'emballe, sûrement, comme vous l'avez déjà vue faire !

Tout de même, ce Mr M. et moi, nous partageons je crois un instinct un peu animal. Et ce que nous sentons l'un de l'autre nous est suffisamment familier, pour ne pas trop nous tromper.

Arrêtons là pour ce dimanche.
Il se met à pleuvoir, un peu. La jardinerie est fermée. Après une longue sieste, nous avons projeté avec mon père et un ou autre frérot, d'aller visiter des étables.
Une sortie comme une autre...

A plus tard !

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