lundi 2 mars 2015

TRAVAUX PRATIQUES





Bonjour à vous tous !

La chronique d'hier était toute en théories (plus ou moins fumeuses), nébuleuses et allégories troubles.


Aujourd'hui, le concept de transition va trouver une base des plus pratiques.



Mon "méfiance et redéploiement", telle la chrysalide dissimulée dans l'obscurité opaque de son cocon, va conquérir la matérialité limpide du papillon venu au jour.

Comme une explication claire en conclusion d'une démonstration confuse.


Je vais vous parler des rations alimentaires de mes vaches...

Là, au moins, pas matière à se poser trop de questions philosophales !


Ce matin, montée sur mon fidèle destrier Karraro, j'allai quérir un peu de navets frais pour mes vaches.


Au passage, saluons ici la mémoire de notre si ingénieux et regretté Mizel.
Mizel, vous vous souvenez de Mizel, de la ferme voisine, dans le temps ?


Regardez le, avec sa sœur, dans sa jeunesse :








Là, c'était au mariage de mes parents, en 1951.


Mizel est mort il y a quelques années maintenant.
Et son valeureux tracteur à lui, l'équivalent du Ttiki-Haundi pour mon père, est maintenant rendu chez nous, pour une nouvelle existence à Agorreta, pendant que son premier maître repose en paix.





Karraro se plaît à Agorreta.

Il n'est pas dépaysé.


Le travail lui est familier, et il a toujours aimé la cohabitation avec les vaches.

Une chance...














Il aurait pu finir dans une casse, oublié de tous, rouillé, dans un vieux roncier hostile.

Quelle triste fin après une vie de labeur...

Là, il vieillit (encore plus ?) paisiblement, sans offenser les susceptibilités du maître de maison, lui, ancien et usé aussi.






Ce matin, pour la première fois de la saison, j'allais donc cueillir le navet.
A cette fin, j'équipais mon Karraro d'une coquette faucille, presque aussi vieille que lui, et au moins tout aussi usée :




Vous voyez, ou plutôt, non, vous ne la voyez pas ?

C'est qu'elle s'intègre parfaitement dans ce nouvel habitat, ma vieille faucille. 
A gauche, ce petit manche de bois mité, juste sous le feux de recul, un peu trop jeune, lui, dans cet environnement.
Ces petites fixations rajoutées, si pratiques, ces petites boîtes de rangement, elles aussi fondues dans la masse maintenant.

C'est toute l'ingéniosité de Mizel.


Cet homme adorait bricoler. Il récupérait un peu partout des débris de ferrailles, des planches, des tôles, vraiment, de tout.
Il entreposait tout ça le long d'une murette près de la maison de sa sœur où il habitait depuis sa prise de retraite. Avant ça, vous l'aurez compris, il était paysan, lui aussi.

Il n'avait pas de permis de conduire. Il se déplaçait à motocyclette, avec une jolie petite carriole, là aussi fabrication maison, attelée derrière lui.
Un sacré équipage !
Il vaquait, de ci de là, faisant tourner l’œil, et le bon... 
Mizel était le roi du recyclage. D'un monceau de choses hétéroclites, il créait une petite merveille, toute en subtilité et délicatesse.

Tous ces petits aménagements apportés à son Karraro, il les avait soigneusement pensés, élaborés, et matérialisés, dans son petit cabanon.
La lumière bleutée restait allumée tard les nuits d'hiver. Il était là, tout seul, il bricolait, heureux, j'en suis sûre.
Ce passage un peu critique, cette transition entre deux périodes, dont je parlais hier, il l'avait franchie, lui, haut la main.
Il avait, toute sa vie, travaillé à la ferme, avec des vaches.
Au moment de prendre sa retraite, il avait dû quitter ce petit monde, et se tourner vers autre chose. Beaucoup dans ce cas là sombrent, ou alors cultivent une nostalgie pesante qui finit par éteindre toute flamme en eux.

Mizel, non, pas du tout. 
Ses vaches vendues et sa ferme transformée en résidence, il les laissa de côté.
Et se tourna ailleurs, profitant de ce temps libéré pour se donner corps et âme à sa passion, à son génie, à la lumière de ses vieux jours.

Karraro est un exemple de son talent. 
Chaque vis, chaque fixation, témoignent de sa patience, de sa méticulosité. On l'imagine, meulant, soudant, essayant et recommençant, jusqu'à ajuster parfaitement la petite pièce rajoutée à l'ensemble. 
Dans un souci d'efficacité, bien-sûr, mais aussi d'harmonie et de justesse. Et le sourire épanoui de l'homme fier de son modeste mais néanmoins parfait assemblage.

Mizel n'était pas un grand bavard. Ni sûrement très porté sur les méditations philosophiques. Encore que, je n'en sais rien, en fait.
Mais ces traces de lui restées derrière parlent de contentement, de satisfaction saine.
Elles dessinent un parcours loin des aigreurs et proche d'une plénitude simple et profonde.

Je crois que Mizel a vieilli heureux, lui aussi, comme mon père, ici. Quand d'autres tournent au vinaigre, dans des circonstances similaires...

Par respect pour sa mémoire, quand il faut pallier à une défaillance mécanique de notre vieux Karraro, nous choisissons des matériaux nobles et suffisamment en harmonie avec leur hôte de destination pour ne pas offusquer cet esprit encore présent parmi nous.





Notez ce petit bouchon de liège pour bloquer la manette d'accélération. 
Oui, Karraro a tendance à vouloir s'arrêter à peine démarré.
Une petite fatigue de vieille mécanique, bien pardonnable, mais à combattre, évidemment.

Ou cette cordelette (merci la jardinerie) échevelée juste ce qu'il faut pour ne pas offenser la vue d'ensemble.
Tiens, vous la voyez mieux, ici, ma faucille années cinquante !




Pour en revenir à mon navet, à nos travaux pratiques, j'ai donc ce matin initié la nouvelle période transitoire entre l'hiver et le printemps dans les rations de mes vaches.
Vous vous souvenez, en décembre, la citrouille, puis la betterave :








Tiens, je n'avais pas remarqué alors ce gracieux pas de danseuse légère de mon père, vous ne trouvez pas ?

C'est que nous faisons des séances de kiné personnalisées à Agorreta.
En rythme et posture.

Ca porte ses fruits, vous en voyez le résultat !





Ce matin, pour préparer la mise à l'herbe prochaine de mes demoiselles, j'ai ramené le navet frais et le choux-navet, attention, deux espèces voisines, proches cousines, mais différentes, regardez :










En haut, le navet



Ici, comme indiqué, le choux-navet, encore dénommé, rutabaga.

Deux fourrages très appréciés des vaches, un peu de végétation fraîche avant l'herbe promise.
La petite patte blanche, sur la cuisse de mon père, c'est Txief, le coquet aux gants blancs. 
Intéressé par notre cours de botanique, lui aussi.


Encore une histoire de transition à faire, dans la douceur, pour ne pas choquer ces organismes délicats en passant brutalement du sec et demi-sec, au frais. Vous comprenez, le raccourci ?

Bien, je ne me souviens plus bien des apports en unités fourragères, l'équivalent de nos kilos-calories, mais je peux vous assurer qu'une belle tête de choux-navet comme celle-ci, ça nous vaut un bon steak !

Nous attendons maintenant les beaux jours, pour la pousse de l'herbette, et mes vaches iront au pré, pâturer leur pitance.

D'ici là, prenons encore patience. Parce-que, le saut à faire, après l'heure, certes, c'est trop tard, mais avant, ça n'est pas bon non plus !

Allez mes amis, à une prochaine fois !
Je vais prendre l'air, la pluie, le frais, moi aussi.





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