dimanche 22 mars 2015

AUTANT EN EMPORTE LE TEMPS




En ce dimanche matin, je fais comme vous, sans doute : je regarde tomber la pluie.
Lancinante, têtue, indifférente à notre impatience de voir briller le grand soleil de printemps.

Le temps qui prend son temps, nous nargue, et ignore nos envies pour satisfaire pleinement à son besoin de prépondérance.
Le temps ne se décide pas. Le temps s'accepte, s'admet, et se respecte.

Agorreta n'est pas hors du temps, heureusement !
Le mouvement des choses y est moins fébrile qu'ailleurs, peut-être. L'éloignement tout relatif du cœur de ville suffit quand même à nous préserver de ce cloisonnement insidieux qui fait oublier à ceux qui vivent "hors sol", loin de la nature-mère, que le temps n'est pas seulement une donnée chiffrée sur un cadran d'horloge.






D'ailleurs, à Agorreta, les horloges n'ont pas d'aiguilles !
Le temps n'aurait pas de prise ici ? Pourtant, si, tout de même !


Le temps s'inscrit dans des cycles. Les recommencements, les saisons, les temps de maturation incompressible, marquent un infini porteur de sérénité.
J'essaie de ne pas me débattre pour "gagner du temps", de ne pas m'agiter inutilement.
Je voudrais savourer chaque moment, en retirer l'essentiel sans me laisser polluer par les scories inutiles.
Je n'y arrive pas toujours. Mais cette seule recherche m'épanouit suffisamment pour que j'y sente une justification en soi.

J'aime observer les signes du temps qui passe. J'aime en conserver des traces. Ce "bloc", c'est un peu aussi ma manière de donner corps au temps sans véritable matière. Tout ce temps où rien de particulier ne vient le fixer dans la mémoire. Ces journées fluides et blanches où pas grand chose ne se passe. Et qui pourtant marquent en nous des signes qui nous transforment sans qu'on le sache toujours.

Les moments importants, ne sont pas toujours décisifs. Ils ne sont pas non plus denses ou remarquables.
Les moments importants, pour moi, sont ceux où j'ai l'impression d'avoir avancé vers cette sérénité à laquelle je tends.
J'ai eu ce sentiment, parfois, sans rien pour l'expliquer, raisonnablement.
La sensation de m'être délestée d'un poids encombrant, inutile. L'idée d'avoir aperçu un chemin ignoré jusque là, et amical.
La plénitude de vivre un moment banal et pourtant rempli de sens, d'un sens limpide mais impossible à organiser en mots.

C'est confus à expliquer, mais tellement clair à vivre !
Je m'attache aux choses simples, à la nature, aux saisons, à mes bêtes.
Et dans ce microcosme étroit, je trouve une matière riche et profonde. Je m'en nourris, je m'en repais. Je ne manque de rien quand je ne possède pas grand chose.

La chance nous est offerte de suivre la marche du temps sans nous y heurter. En en respectant le rythme et les nécessités.
Les maturations sont incontournables.

Mon plant de navet surgi au bout du balcon va l'apprendre à ses dépens. 






On démarre à contretemps. On se croit bien parti, et, vlan, on se ramasse, on s'en prend plein les dents...


Mon navet croit former une tête quand il est temps de monter en fleur et graines.













La prochaine chaleur, elle surviendra bien un de ces jours !, va lui démontrer son erreur.

Il se videra avant même d'être plein de chair, et se flétrira lamentablement en essayant de nourrir une hampe sans avoir eu l'occasion de construire sa ressource.

Petit navet follet, ton expérience malheureuse ne servira pourtant pas à d'autres. Il s'en trouvera toujours pour démarrer avant l'heure, s'impatienter et tenter le saut, au lieu de s'en remettre au bon sens.

Bah ! ainsi vont nos civilisations, qui ignorent la raison quand elles se sentent trois forces.
Ca aussi, ce doit être inscrit dans le temps. Ce manque de sagesse.
Et de ne pas en comprendre la finalité ne nous préservera pas de retomber encore et toujours dans le piège !

Un jour viendra, peut-être, ou l'acceptation se fera sans dommages.
Où nous, vivants, hommes, bêtes et navets, sauront prendre le courant de la vie au bon moment, et ne pas nous laisser berner par des signes trompeurs et séduisants.

En attendant, tâchons juste d'occuper sainement notre temps d'attente.
Moi, je vais vaquer à la jardinerie. Vous, ce sera peut-être une sieste réparatrice et une petite promenade sous parapluie ?

Profitez bien de votre dimanche, c'est celui là qui vous est donné...

A un de ces jours, meilleurs ou pas !

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