mercredi 18 mars 2015

KATTALIN ET FAUVETTE




Bonjour à vous tous !
Et bienvenus chez nous...

Aujourd'hui, dans la série présentation de mes vaches, je vous appelle les deux premières de l'étable, Kattalin et Fauvette :












Le temps est tranquille, ce matin.

Un voile léger atténue les rayons solaires.




















La bordure du champ s'égaie d'une tirée de primevères drues.


























































Le maître de maison a jeté un œil sur les vaches à la pâture, a fait sa promenade rituelle sur le chemin de cailloux.

Après un petit café pris ensemble, le voilà installé sur le banc, attendant le soleil pâle mais bien amical.

Il est tranquille, lui aussi, ce matin.

Tout va bien !








Lola, Pittibul et Txief, s'en donnent à cœur-joie.
La mini meute est, elle aussi, en forme aujourd'hui...



Et moi, ma foi, au milieu de mon petit monde d'Agorreta, je ne suis pas mal non plus.

Je vous parlais de mes vaches.
Mon activité d'élevage n'est pas mon gagne-pain. Elle est mon plaisir, mon loisir, mes racines et ma satisfaction quotidienne.

J'aime m'occuper de mes bêtes, assurer leur bien-être. Et j'aime contempler en les regardant le résultat de ce travail de tous les jours, sur plusieurs années.
Un élevage, aussi modeste soit-il tel que le mien, ne se bâtit pas en une saison.
Il y faut du temps. De l'observation, de la patience et de la persévérance.
On ne s'improvise pas éleveur, ni cultivateur. Le monde paysan demande qu'on y entre en montrant patte blanche. 
On y naît, et alors, si on s'y sent bien, on connaît, et on sait les limites d'une connaissance empirique. La nécessité d'un travail admis et accepté dans le plaisir d'un mode de vie bien particulier.
Quand on y vient par goût, par envie, sans y être intronisé, l'apprentissage se fait dans l'humilité et le respect des ordres naturels incontournables.
J'ai connu des fils de paysans si peu intéressés par le monde dont ils étaient issus qu'ils s'en détournaient à la première occasion. Et faisaient leur vie ailleurs, tout à fait bien.
J'ai connu aussi des gens venus de la ville, amenés à l'élevage par un besoin authentique de travailler avec l'animal, respectueux des rythmes et des exigences de ce monde, et qui s'en sortaient très bien, eux aussi.
Des rêveurs, cherchant un idéal impossible post-soixante-hui-tard, bien vite dépassés par une réalité rude.
Des calculateurs, cherchant dans l'animal l'outil de production qui travaille à leur place et les rend riches, vite rattrapés par les créances à rembourser et les écueils mal évités.

Dans le monde de l'élevage, comme dans les autres sûrement, la sanction est sans appel.
On n'élève pas des bêtes, si on n'aime pas un minimum ces mêmes bêtes.

Vous me parlerez des fermes-usines. Je vous dirais que, dans cette industrie, l'animal n'est plus un être vivant. Il devient une machine.
Ce ne sont plus des fermes, des élevages, mais bien, et seulement, des usines. Avec le risque à plus ou moins long terme, de récolter les fruits empoisonnés de cette entreprise malsaine où l'on traite du vivant comme un outil inanimé. 
Parce-qu'alors, ces gens qui considèrent la bête ainsi, finiront par oublier la part d'humanité qu'il y a en eux. On a beau se barricader dans un bureau, loin des stalles et des salles de traites galvanisées où tout est mécanisé, on n'est pas à l'abri, au moins par accident, de croiser un regard vivant, là où on ne l'attendait plus, et de perdre dans ce regard éteint son propre sens de la vie.
Et là, je ne donne pas cher de l'avenir psychologique de nos agriculteurs déjà assez compromis aux vues des statistiques concernant le pourcentage des suicides dans ce milieu trop solitaire déjà.

A Agorreta, Dieu merci, nous sommes bien loin de tout ça !
Mes vaches sont au pré,  et je les traite avec tous les respects dus à leur rang.




Les innocentes, imaginez leur saisissement, si elles se retrouvaient d'un coup robotisées !
Bah, avec leurs performances, elles ne courent pas grand risque d'intéresser ces agriculteurs transgéniques...

Pour en revenir à mes vaches, mon activité d'élevage est pour moi un loisir.
Je prête attention aux coûts engagés et aux recettes dégagées de mon troupeau, évidemment. Mon budget n'est pas sans limites et je dois veiller à ne pas me ruiner à soigner mes bêtes.

En plus de cet objectif économique raisonnable, j'ai aussi la prétention de bien connaître ce métier. D'y avoir acquis un savoir-faire suffisant pour éviter les erreurs de débutants.
Et de posséder l'instinct de l'éleveur-né, sa faculté d'observation, bien meilleurs garants de réussite que tous les manuels et enseignements académiques.

J'aime voir l’œil des connaisseurs apprécier la bonne forme de mes bêtes. Et quêter dans leur regard la récompense de mon travail. Un petit besoin de reconnaissance bien humain...

Mon petit cheptel est à ce jour en bonne santé. J'y veille.
Une vache en forme, c'est beaucoup ce qu'on lui donne à manger, et les soins qu'on lui prodigue.
Il y a évidemment un facteur chance, ou plutôt malchance, dans la survenue d'une maladie virale, d'un accident de parcours. Tout ne s'évite pas, même avec la meilleure des bonnes volontés, ici comme ailleurs.

J'ai connu des succès, et aussi des déboires.
Je vous raconterai, vous le savez.

Pour aujourd'hui, je vais juste vous présenter les deux petites génisses follettes au premier rang de mon étable : Fauvette et Kattalin.








 En haut, Fauvette la jolie rousse, et ici, Kattalin, la favorite de mon père, effigie de ce "bloc" :






Fauvette est venue chez nous en remplacement du frère de lait de Pintta-Mona. Vous savez, ma gourmande Pintta-Mona, la croqueuse de citrouille ?





Je vous en parlerai la prochaine fois.
Pintta-Mona est la demi-sœur du fils de la Louloutte, elle même fille adoptive de Toiny-toinette, évoquée lors de mon inventaire d'il y a sept ans.
Demi-sœur, s'entendant par sœur de lait. Louloutte, une magnifique Montbéliarde trop tôt disparue, suite à un accident, justement, donna naissance à un robuste veau mâle, croisé de Limousin. Sa robe était fauve brillant, la même que celle de notre Fauvette d'aujourd'hui.

Mais, à la ferme, les veaux mâles ne connaissent pas un destin très heureux. Je n'ai pas besoin de taureaux pour mes quelques six vaches. Alors, les mâles, je les vends, à quelques mois, pour payer justement la nourriture des autres... Pas trop de sensiblerie dans l'élevage, ça aussi, ça fait partie du métier.

La Louloutte, en bonne Montbéliarde, donnait beaucoup de lait. Elle pouvait nourrir deux veaux en même temps, sans problème.
J'attribuais à ce petit Limousin ma jolie Pintta-Mona, en manière de petite sœur.
Tout se passait à merveille, et les deux ventres gonflaient à vue d’œil quand Louloutte allaitait ses petits, naturel et adoptée.

Malheureusement, Louloutte trébucha un jour dans le champ, assez sévèrement. Elle avait déjà les sabots délicats, je devais les lui curer régulièrement pour faciliter sa marche.
Elle se laissait faire, couchée sur le flanc, les yeux à demi fermés. Un joli moment, là encore.

A la suite de cette chute, elle dut s'abîmer quelque chose, elle ne se releva pas. C'était un désastre, de la voir se traîner, son pis gonflé sous elle, essayant de se relever sans y arriver. Je faisais téter les deux petits alternativement,  pour la soulager au moins de ce lait, et les nourrir, eux, qui n'avaient que cinq semaines, à ce moment là.

La bête ne se relevait pas. Je dus me résoudre à l'euthanasier. Là encore, ça fait partie du métier. Tout n'y est pas facile, mais bon, c'est ainsi.

Les deux petits veaux, orphelins, demandaient à être nourris. L'affliction ne leur coupait pas l'appétit !
Je pris l'usage, matin et soir, de leur donner à boire, au seau. Après quelques refus, quelques jets de biberons et quelques coups de tête, ils consentirent à accepter cette pitance moins savoureuse que leur lait maternel, mais bon, eux aussi savaient s'adapter aux circonstances.
Ils grandissaient, et l'opération devenait tumultueuse. Ils me bousculaient quand je présentais mes seaux de lait bien remplis, et j'avais du mal à les contenir.

Tout de même, en cinq ou six mois, j'en fis deux jolies bêtes.
Le mâle vendu, Pintta-Mona s'ennuyait un peu. Je lui cherchai une compagne de jeu.
Je ne bouge pas trop de ma ferme. Mais certains des habitués d'Agorreta le font pour moi.
Très vite, Beñat, d'Urrugne, me trouva la perle rare, à Souraïde.

Nous partîmes un soir, en expédition, avec son fourgon, quérir la Fauvette, destinée à la boucherie, pauvrette...
Je la vis, elle me plût, nous la ramenâmes à Agorreta.
Fauvette n'était pas habituée à l'attache. Elle était déjà vive et robuste. Elle bondit du fourgon ouvert tel le missile et fendit la longueur de l'étable au trot, à peine ralentie par le pourtant imposant Beñat accroché à la corde qu'elle avait au cou.
Il courut avec elle, et l'équipage s’arrêtât, enfin, avant de butter dans la caisse de Ttiki-Haundi.
Fauvette arriva chez nous en Octobre. Je l'apprivoisais doucement tout l'hiver.
Elle crût et embellit sans heurts. Jusqu'à devenir aujourd'hui cette belle génisse, élégante, haute et puissante, musculeuse mais fine. Admirez la finesse de sa tête, l'intelligence de ses yeux ciliés de blanc.






Fauvette était amoureuse, avant hier. De ça aussi, je vous parlerai, des amours des vaches, ça vous intéressera, j'en suis sûre...

- "Tu es trop jeune encore" lui ai-je dit. "Nous en reparlerons cet été, ma fille, sois patiente, allons !"

Je ne suis pas sûre qu'elle ait tout compris. Mais Fauvette est aussi raisonnable qu'elle est belle.
Elle ne fait jamais d'histoire, et sait tenir sa place, dignement.


La seconde de ma paire, c'est Kattalin :





Celle ci aussi me vient de Beñat. De chez lui, exactement. 
J'avais été au quinze Août 2013 visiter son étable. Pour y revoir Txipie, une jeune génisse suisse sortie de chez moi.
Là, je tombe en arrêt sur mon actuelle Kattalin. Une jeune vêle de trois mois à peine.
Charmée par sa robe gourmande et ses formes généreuses, je décide de la prendre pour moi.

Ni une ni deux, nous topons là l'affaire. Kattalin n'est pas encore sevrée. J'attendrai un peu pour la faire amener à Agorreta.
Là encore, petit transfert en fourgon, et notre Kattalin investit son nouvel espace. 
Quand Fauvette arriva, un mois plus tard, Kattalin était déjà en place. Elle acceuillit la nouvelle et l'adopta aussitôt.
Kattalin avait connu et aimé le petit Limousin que Fauvette remplaçait. C'est lui qui l'avait intronisée dans le troupeau à son arrivée.
En sa mémoire, elle adopta Fauvette, et les deux sont devenues inséparables maintenant.

Kattalin est plus petite et plus trapue que Fauvette. Elle est plus brutale, aussi, et vite inquiète.
Ce genre de caractère est parfois difficile à canaliser. Mais, le temps passant, Kattalin s’assagira peut-être, nous verrons.

Là encore, tout ne se décide pas. Et le tempérament d'une vache, s'il se modère, ne se commande pas.

Bien, j'ai été un peu longue, encore une fois !
Vous le savez maintenant, ce sujet m'inspire tellement...


Allez, je vous laisse ici. La prochaine fois, promis, je vous fais le topo de la vie amoureuse bovine. 
Et de sa prochaine consécration chez nous, avec Pollita et Bigoudi dans leurs dernières semaines de gestation.






Elles en parlent beaucoup entre elles, évidemment !

- Et toi, comment tu t-en tires ? T'en as pas marre ?
- Oui, répond Bigoudi, mais fais comme moi, étire-toi, tu verras, ça fais du bien !


Moi aussi, tiens, je vais m'étirer, et bouger dans la douceur de ce mercredi tout tranquille.

A bientôt, mes amis, et portez-vous bien !

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