samedi 11 avril 2020

9 avril




Mercredi 8 avril 2020 20h














Jeudi 9 avril 2020 6h30 à 7h30









Ce nuage joufflu de l'autre soir, immaculé, était impressionnant, derrière mon petit bois de l'anglais espagnol.
En cette saison, ils fleurissent ainsi dans les ciels, ces énormes flocons soufflés, denses comme d'un matériau lourd.
Les énormes joues blanches s'arrondissaient en volumes entremêlés sur la toile d'un bleu ciel encore lumineux.
Au retour de ma sortie légale, je suis restée un moment en contemplation, comme devant un de ces prodiges dont la nature est prodigue.
Passé le premier ravissement, m'est revenu ce cauchemar de mon enfance, où un bonhomme de neige géant marchait derrière ce même petit bois, justement.
J'y voyais une menace. Elle me terrorisait, cette silhouette énorme, marchant lentement, droit vers moi, toute petite fille sans défense.
J'étais encore incapable de marcher, dans mon rêve, et soumise aux caprices malveillants de cet ogre mangeur de petites filles.
J'étais à l'emplacement de notre ancien poulailler.
Là où j'ai fait mes premiers pas, vers les bras tendus de mon frère.
Etait-ce une bonne chose, de confier une toute petite enfant d'à peine deux ans à un adolescent ?
Etait-ce de là que me venait cette peur d'un monstre peut-être pas si gentil ?
Je ne sais pas.
La science psychanalistique va parfois chercher si loin...

Après une bonne nuit de sommeil, le lever du soleil, fascinant lui aussi, dans les pourpres ocrés d'une magnifique aurore printanière, m'a fait voir les choses sous un jour plus léger.
Depuis quelques temps, j'ai changé de point de vue sur mon horizon. Pas seulement d'étage dans la ferme.
J'ai cette chance d'avoir plusieurs perspectives à dispositions, toutes aussi belles les unes que les autres. Comme autant de positions de replis.
L'émotionnel est toujours chez moi à vif.
En cette période irréelle où le monde tourne au ralenti, j'absorbe ces mouvements déstabilisants et les assimile du mieux que je peux.
Autour de la table de notre foyer de confinement, je n'aime pas ces discussions stériles, trop vives, où chacun y va de sa théorie sur le virus, ses causes et ses conséquences.
On s'emballe facilement, on en tient pour un complot mondial, une stratégie économique, on instaure des priorités, la santé ? le maintien du tissu économique et social ?
Je n'ai pas d'avis très tranché, et encore moins autorisé, sur la question. Sur cette multitude de questions où nous a plongés ce fulgurant virus.
Les points de vue divergent et se heurtent, comme au temps d'une guerre civile, où au sein d'une même fratrie les idées s'opposent.
Je n'aime pas du tout ça, et tâche à chaque occasion d'éviter les montées en pression. Sans y arriver toujours.

Je me consacre, en cette période où je lui suis totalement disponible, à mon père, à sa reconquête de la marche.
Chaque matin, nous faisons nos exercices, et chaque matin, nous nous réjouissons d'un petit progrès, même de quelques tout petits pas.

Notre père, n'est pas encore au ciel. Il est bien ici, sur terre, et il a beaucoup de mal à dispenser une sagesse qu'il a fini par conquérir, là encore.
Quand il y sera, dans ce ciel aux nuages blancs, il l'aura bien gagné !
Nous l'appelons parfois "le vieux", entre nous, ses enfants irrespectueux.
Pour le moment, "le vieux" va bien, merci pour lui. 
Pour ceux que ça intéresse ou, au moins, que ça devraient intéresser...

Mon Gueguel n'est pas que mon coffre à trésors.
Il est aussi un bon médiateur.
Pour le meilleur, et le pire !



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