mercredi 25 janvier 2017

FROID ET VIEILLES MECANIQUES



Bonjour !




Les petits matins restent vifs. Purs, ciselés, et vifs.




Le givre blanchit les champs.
Zaldi secoue la crinière.






Le froid persistant met à mal les vieilles mécaniques.
A Agorreta,  les plus jeunes machines sont depuis bien longtemps des vieilles.
Pour les faire démarrer, par ces petits matins d'hiver givrés, il faut prendre quelques précautions.
Préchauffer... Ah ! 
S'installer sur le siège, vérifier les points morts, freins à main et autres constantes, puis, tourner la clef pour démarrer. Attention, pas, démarrer. Non, d'abord, préchauffer.
Sur vos voitures, vous connaissez aussi, sans doute.
L'environnement y est plus douillet, les leviers et manettes ronds et lisses. 
Le tracteur, enfin, le vieux tracteur, c'est un peu différent. 
Déjà, il y a beaucoup de métal, froid. Les embouts des leviers sont usés, quand ils y sont...
La tige du frein à main est récalcitrante, un peu coincée.
Les courses du levier d'embrayage sont floues, il faut louvoyer pour trouver le bon cran. On sent une mécanique brute et sans fioritures. Des engrenages rustiques et des pignons pas trop délicats.
Ça craque, ça s'enclenche, ou pas.
Dans vos voitures, le tableau de bord s'éclaire, sans agressivité, d'une jolie lueur orangée.
Des petits voyants sophistiqués vous indiquent le bon moment pour démarrer, quand la voiture ne s'en charge pas toute seule.

Dans nos vieux tracteurs, que nenni !
Les voyants, quand ils y sont, ne fonctionnent pas toujours. Ou alors, sous la poussière, à peine.
Ne soyons pas mauvais, les plus jeunes de nos vieux clignotent en vert et rouge, tout de même, quand vous faites un quart de tour de clef dans le contact.
Là, il faut être attentif. Les voyants s'allument, bien. Vous maintenez la clef dans cette position exacte, sans vouloir la tourner davantage. Les voyants s'éteignent, vous laissant seul à votre perplexité.  Là, le moteur préchauffe. Une histoire de bougies, je crois bien.
A partir de là, ça se corse, pour moi.
Vous vous souvenez de ma défaillance auditive. Dans mes oreilles, constamment, en bruit de fond, un ouin-ouin-ouin pulsatile occupe le terrain. Laissant moins de champ, forcément, aux bruits environnants.
Assise sur le tracteur, clef en main, respirant à peine pour maintenir cette position stratégique, j'écoute. Avec concentration et application, j'écoute.
Et n'entends pas...

C'est une affaire de secondes. Quand la, ou les, je ne sais pas, bougie ou bougies a ou ont préchauffé suffisamment, le moteur doit démarrer facilement. Il faut tourner la clef à fond dans le contact, pour enclencher le démarreur, à ce moment précis.
Trop tôt, la machine regimbe, whoua-whoua-whouan, fume en saccades claires ou foncées, et peut s'enliser dans des efforts de plus en plus poussifs. La batterie s'y épuise, le démarreur s'en fatigue, et le tracteur reste à quai.
Trop tard, alors là, je n'ai pas bien compris l'histoire, la bougie coule... ou s'enflamme, ou il ne se passe rien. Au choix, remarquez, rien dans ce cas vaut mieux qu'un incendie ou une noyade !

Toujours est-il que le moment est critique, et sa détermination précise importante.
Pas de voyant amical ici pour vous guider. Non, vous êtes seul, dans le silence.
C'est là que ma défaillance se fait cruelle : le seul indicateur du bon moment, de l'instant T, c'est un bruit, oui, un bruit. Un CHtouff étouffé, quelque part dans le moteur, qui signale l'étincelle fugace dont il faut profiter.
Le laps de temps entre l'introduction de la clef dans le contact, l'amorce de rotation de ladite clef, et ce Chtouff, est variable. Et oui... Sans ça, ce serait trop facile !
Suivant la température, le décalage entre deux démarrages, l'humidité de l'air et autres aléas divers et variés,  le Chtouff intervient au bout de trois secondes, ou de dix fois plus !
Impossible de déterminer avec certitude cet instant fatidique.
Vous comprenez la difficulté pour moi de la manœuvre.
Ces temps froids exigent un suivi méticuleux du protocole de démarrage. 
Et moi, ce protocole, je ne peux pas me l'approprier.
Pour le coup, je laisse le soin de rentrer les balles de foin au grenier à de meilleures oreilles que les miennes.
Pour le reste, rien ne presse. La nature attend des jours meilleurs, et nous avec.





Ttiki-Haundi la valeureuse est remisée sagement au fond du hangar. Je n'ai pas cette année de navets à aller chercher. Fondu qu'il a été !
Je  solliciterai ma valeureuse au moment de préparer les terres à ensemencer. Nous n'y sommes pas !



Dans l'étable, Karrarro est au chaud.
Celui-ci, le préchauffage, il ne connait pas.
Le froid insinué jusqu'ici le rend quand-même poussif.
Un petit poussoir de surcharge lui donne un coup de fouet au démarrage.
Le soubresaut du moteur ainsi aiguillonné m'inquiète un peu : on a l'impression de sentir la mécanique exploser sous le capot trépidant. Le Brraam ! de démarrage se fait fougueux, un peu trop nerveux pour un si vieux monsieur.

Bah, les froids s'assagiront, sans doute. Et nos vieilles machines tourneront rond sans incitations trop vives.

Je serrerai moins les dents en tâchant d'entendre ce que je n'entends pas...

Patience, encore un peu, et cet hiver aussi passera !

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