mercredi 18 janvier 2017

DES CAGOTS ET DES MOTS




Bonjour !

Il ne dégèlera pas, aujourd'hui.
Nous sommes peu accoutumés à de telles températures de journée, et, ce petit froid nous picote vivement la peau.
Ma foi, les obligations menées à bien, un joli temps pour rester au chaud, à gentiment méditer et s'épancher sur papier, par exemple.

Je continue sur ma lancée.
Kepa Arburua a pris pour point de départ de ses recherches un postulat.
Il ponctue de ses fameux "kitto", un genre de point-barre, sa démonstration linguistique.
Je la reprends pour vous faire suivre son raisonnement :

Agorreta est un nom basque. 
Vous le savez, l'origine de la langue basque est un mystère. Elle ne se rattache pas au latin, sa construction grammaticale est particulière, et sa forme écrite essentiellement phonétique.
Je ne suis pas spécialiste. Mon basque est hors académie. J'en ai l'usage familial, et l'enseignement paysan.
Je ne vous ferai certes pas un cours de linguistique !
Cependant, je connais tout de même quelques mots, puisque j'ai échangé sur la base de ces quelques mots depuis plus d'un demi-siècle maintenant.
Le point de départ du rapprochement des cagots et d'Agorreta se fonde sur ce mot : Agorreta.
J'ai toujours entendu, et cru, qu'Agorreta voulait dire endroit sec, aride. Je vous l'ai d'ailleurs vendu comme ça quelque part, au début de ce "bloc".
J'ai fait de mon côté un cousinage avec Legorburu, reprenant ce "gor" en commun.
Pour confirmer cette traduction, j'ai le mot Agorilla, signifiant le mois d'Août. Période sèche s'il en est. 
D'ailleurs, sec peut aussi s'entendre, comme aride, par rude, austère, pas forcément manquant d'eau, littéralement.
C'est cette dernière signification que Kepa conteste, arguant qu'il fait rarement sec au Pays Basque. Les Agorreta répertoriés sont verdoyants et n'inspireraient pas du tout l'idée de manque d'eau. Soit.
Sec se dit d'ailleurs idor, ce qui effectivement est assez éloigné d'agor.
Partant de là, Kepa habille mon Agorreta d'un sens tout particulier : Agorreta signifierait de chez les Agots. Et agot serait la dénomination basque de cagot.
D'où la conclusion que les Agorreta étaient les lieux habités par les cagots.

Je ne dis pas que c'est indéfendable. Je dis que c'est controversable, pour le moins.
Le basque étant phonétique, les mots se sont effectivement transformés, modifiés, écourtés ou biaisés. Entre entendre, comprendre et répéter, la déperdition est suffisante pour perdre une voyelle en route, escamoter une syllabe, ou arrondir une consonne en une autre. Voyez juste tous les iduzki, iguzki, ihuzki, pour ce seul soleil...
Pour remonter l'itinéraire d'un mot comme le voyage du saumon canadien, il faut louvoyer longtemps, je pense, et accepter de se perdre à quelques croisées.
Là encore, les possibles sont légions, et ce sont ces multiples dédales qui ouvrent des perspectives élargies, au lieu de confiner notre mot en une seule et triste définition stricte, découlant d'un parcours bien rectiligne. 
N'en déplaise aux scientifiques purs et durs, la linguistique est une anguille agile et visqueuse. On croit la tenir et elle vous glisse entre les mains, vous laissant pantois et imbéciles...

J'aime les mots, j'aime leur musique et leur danse quand ils se mettent ensemble.
J'aime les associer comme les images, sans toujours me cantonner à leur sens académique et réducteur. Leur rendre cette liberté d'être au delà de là où on les cloisonne.
Ce cagot ressemblait dans mon esprit au "cagouille" de mon cousin aujourd'hui défunt.
Ces cagouilles étaient les escargots qu'il nous cuisinait pour le réveillon de Noël.
Je le disais plus haut, ces escargots avec leur maison sur le dos, partout chez eux pour peu qu'ils s'y arrêtent.
Les cagots, bohémiens, réfugiés ou misérables en errance, eux aussi, n'avaient plus de maison et cherchaient à se poser quelque part, quand on les chassait de partout.

Mon analogie n'a sans doute linguistiquement aucune pertinence, et pourtant...

Ces mots parlent au delà de ce pour quoi on les a créés, dirait-on.
La langue est un petit diable qui s'amuse aux dépends de ceux qui la maîtrisent. Elle a une vie propre, vire et volte, échappée libre des académies où on voudrait l'enfermer.
Ces mots perdus en route comme des cailloux noyés sous les mousses sont une tristesse.
La langue bouge et vit, oui. De nouveaux mots lui viennent et d'autres s'en vont.

Regardez ce "velle" désignant mon Agatte.
Velle est le féminin de veau. Comme agnelle est celui d'agneau.
Pourtant, velle n'est plus dans tous les dictionnaires. Il y a été, et s'est perdu en route. Pourquoi ? Il y a pourtant toujours autant de veaux femelles que de mâles, ou pas ?
Je ne sais pas. Je vous l'ai dit, je ne suis pas spécialiste. Je continue d'utiliser mon "velle", parce-qu'il me plaît.
Une liberté comme une autre...

J'arrête ici pour aujourd'hui.
Cette quête autour d'Agorreta m'a parue démarrée sur un indice bien mince.
Pourtant, si la linguistique est contestable, l'histoire, elle, est de poids.
Et cette affaire de léproserie m'a résonné en mémoire bien plus juste et plus fondée.
Je vais regarder de ce côté, à l'occasion.

Tenez-vous au chaud, si vous le pouvez, et préservez-vous au mieux du froid mordant, si vous devez vous y frotter !




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