samedi 5 décembre 2015

CHEMIN DES CRÊTES : UN PEU D'HISTOIRE




Bonjour à tous !

En ce dimanche matin, j'entends le vent souffler dehors, sans colère.
Je ne suis pas encore sortie. Il est tôt. J'ai une bonne heure devant moi avant l'heure d'aller soigner bêtes et gens résidents de la ferme.

J'aime ces tout petits matins calmes. Ce temps rien qu'à moi, chapardé sans mauvaise conscience.

Revenons à notre Chemin des Crêtes.




Ces fameux terrains du Chemin des Crêtes furent acquis dan les années 40 par mon oncle Nicolas Olaciregui, frère de ma défunte mère Carmen.




Vous vous doutiez bien que je n'allais pas vous en priver trop longtemps, de celle-ci !


Nicolas, ce grand gaillard fier et sec, bras de travailleur de force croisés serrés sur un torse puissant.










Nicolas est resté à Agorreta après que tous ses frères en soient partis, tragiquement pour d'eux d'entre eux, et exilé en Gironde pour le troisième.
Revenez si ce point vous intrigue aux débuts de ce "bloc"...


L'oncle Nicolas a cohabité un moment avec mon père, quand le Legorburu d'Errandonea est venu épouser la fille d'Agorreta, en 1951.

Je vous l'ai dit plus haut, (cherchez, là encore !), je ne sais pas dans quelles conditions s'est décidé son départ pour les Etats-Unis.
A cette époque, beaucoup de Basques s'expatriaient sur le nouveau continent, avec la perspective d'y faire bonne fortune. Le frère de mon père, Léon, a suivi cette trajectoire, et fondé au Nevada, une dynastie de Legorburus.







Nicolas, marié sur le tard à Lola, a eu un seul fils, Joe. Ce cousin a été plus productif. Il a engendré une petite demi-douzaine de descendants, que je ne connais pas.

Avant de partir s'installer aux Etats-Unis, Nicolas était un travailleur acharné, courageux et tenace. Le grand air du nouveau continent ne l'a pas vicié. Il est resté toute sa vie un travailleur acharné, courageux et tenace.
Il cumulait plusieurs emplois. A Agorreta, en plus du travail à la ferme où il assurait une bonne part, il était salarié à l'extérieur. Pas assez fatigué par ses deux journées de travail, il arrondissait les fins de mois en se livrant à un petit trafic de contrebande transfrontalier.
Là aussi, c'était monnaie courante, à l'époque.

Par les nuits sans lune, et même par celles avec, Nicolas arpentait les montagnes, de la marchandise sur le dos, en paquets de plusieurs dizaines de kilos.
Il était sec et sportif, taillé pour la performance physique, jamais fatigué, et toujours prêt à se donner de la peine, pour amasser un petit pécule.
Ce goût du gain a toujours été très prononcé du côté de ma mère. Elle mettait sur le plus haut barreau dans l'échelle des qualités le fait d'être travailleur, et économe. Une philosophie familiale, sans doute, chez les Olaciregui, un credo, une religion...
Un peu perdue de vue par nos jeunes générations, n'est-ce pas ? Enfin... les temps changent, sans doute !

Cette épargne constituée petit à petit, à la sueur de son front et à la force du poignet, assurait dans l'esprit familial une promesse de liberté. Mes grands-parents ne sont jamais devenus riches. Ils ont écarté la misère venue rôder autour d'eux pendant la guerre civile de 1936, en Espagne.
L'aspect illicite de l'activité de contrebande ne les a jamais trop dérangés. Ces lois, promulgués loin, qui attribuaient à la même marchandise des valeurs totalement différentes d'un côté à l'autre d'une frontière arbitraire, leur semblaient illisibles. Incompréhensibles et injustifiables.
Contourner de telles aberrations, en tirer un profit illégal, constituait une défense légitime contre les stupidités de gouvernants inconnus. Et une opportunité à saisir...

Evidemment, les modestes passeurs du type de mon oncle n'ont jamais fait fortune, en courant la montagne. D'autres savaient mieux qu'eux tirer parti de la manne, et les utilisaient en les récompensant à minima. 
Les Olaciregui étaient vaillants et un peu frondeurs, sans tourner à la délinquance organisée et au grand banditisme, quand-même !

A force de travail et d'épargne, Nicolas s'était constitué un pécule suffisant pour envisager l'achat de quelques terres. Il voulait prendre racine, graver dans le sol son nom et sa sueur, qu'il ne plaignait pas. 
C'est là que demeure un flou. Dans cette volonté de possession d'une terre, qu'il allait pourtant bientôt quitter. Je vous l'ai dit, ma mère ne m'a jamais éclairci ce point. Il restera dans les ombres de l'histoire familiale.
Peut-être Nicolas avait-il, dans ces années là, l'intention de revenir au Pays-Basque, fortune faite ?
Beaucoup l'on fait. Pas lui.

Lui, il a fait sa vie au Nevada. Une vie, toujours, de travail, et d'épargne. 
A sa mort, sa femme, Aunty Lolita, et son fils, cousin Joe, sont venus au vieux continent, régler les affaires.
Ils voulaient liquider leurs biens au Pays-Basque.

Lola hachait un basque chaotique et difficile à comprendre. Joe ne parlait qu'anglais.
Je fis les traductions de mon mieux.
Il fut décidé que mon frère Antton rachèterait ces terres.
Là encore, pour les détails, reportez-vous aux débuts de ce "bloc"...

Tout ceci se passait en fin des années 1990.
Les terrains du Chemin des Crêtes faisaient partie de l'exploitation agricole d'Agorreta, alors en fonction.
Nous les utilisions essentiellement en prairies. Une bonne partie était impraticable, trop pentue et dangereuse pour pouvoir être cultivée. 

Nous en tirions ce que nous pouvions.
Le site magnifique se prêtait bien aux travaux de grand air, et nous profitions du panorama, en chargeant nos remorques de foin et de fougères :







C'était là encore un temps où l'effort ne se comptait pas. Un temps où les bras vigoureux ne manquaient pas, et ne rechignaient pas à la tâche. Un autre temps, quoi...















A l'époque du rachat de ces terres à mon "cousin d'Amérique", mon frère aîné pratiquait déjà intensivement le terrassement.
La tradition ancestrale de la famille, la culture de la terre, avait muté chez lui en une variation cousine : le terrassement.
Ce terrassement, travail du sol en vue d'un réaménagement du site, procède d'une philosophie différente. On ne travaille plus la terre pour lui confier ses espérances et en retirer des récoltes.
Non, on la remue, on la tire et on la pousse, pour modifier un paysage et le modeler autrement.




Les engins utilisés sont totalement étrangers. Les méthodes opposées. 
Si l'activité agricole se met rarement au service de l'activité "terrassière", le contraire est plus courant. On aménage des parcelles en vue de les rendre cultivables, on défriche des landes à grands coups de pelleteuses puissantes, on aplanit des terrains accidentés.







Dans le même temps, tout terrassier est confronté au problème tout pratique de l'usage et de la destination de ces tonnes de terres remuées.
Sur certains chantiers, les excédents sont réutilisés sur place, ou ailleurs. On creuse ici pour surélever là. Ou plus loin. 
Sur d'autres, il faut évacuer des tonnes et des tonnes de terre, sans savoir quoi en faire.

De la terre devenue déchet, encombrante et inutile. Quelle désolation !

Notre système économique toujours prompt à flairer le profit à faire n'a pas traîné à s'emparer du filon. 
Des décharges à ciel ouvert se sont vues baptiser déchetteries. Le système s'est affûté. Nous sommes passés à "Centre d'Enfouissement Technique". Les dits "centres" classés en types, suivant les déchets collectés.
Les dit "déchets"  collectés en masses et volumes. Pour le coup, ces masses et volumes comptabilisés, et tarifés.

Evidemment, j'admets la nécessité d'organiser les choses. Il faut prévoir les débouchés, les issues et les recyclages de tout produit d'activité. Et intégrer le coût de cette démarche.
Tout de même, certains tarifs pratiqués laissent rêveurs. Certaines réglementations imposées creusent une plus profonde perplexité que les excavations des pelleteuses.
Nous rentrerons plus loin dans ces détails.

Pour revenir à notre Chemin des Crêtes, nous avions d'une part des terrains configurés en grand canyon du Colorado, toutes proportions gardées, et, en face, un terrassier en pleine activité, effaré par les coûts de mise en déchetterie d'un matériau dénigré.

Deux éléments propres à se rencontrer, se faire une conversation amicale, et plus si affinités.

Comme dit la fable, deux coqs vivaient en paix, une poule survint.
Je vous explicite tout ça plus loin. 

Pour ce matin, je me sens une envie de petit-déjeuner, à cette heure.

A bientôt, et profitez de ce dimanche à peine venté. Si la journée est aussi belle que celle d'hier, vous allez vous régaler !




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