lundi 26 juin 2017

DES HOMMES ET DES DEMONS !




Bonjour !


Ce petit matin annonce tous les possibles...
La saison estivale se prête à ces foucades brutales. La même journée verra le soleil ardent, l'averse crépitante et la volée de vent puissant.
Entre deux, des plages paisibles, silencieuses et immobiles, où la nature absorbe voluptueusement toute cette humidité, riche et lourde.
C'est par des journées pareilles que ma grande fougère développe en quelques heures une hampe impérieuse.
Vous vous souvenez, (ou pas !,) ma fougère fétiche, entre le laurier sauce vieillot et poivré et la vache placide.
Laissez tomber, j'y reviendrai.

Je suis tellement persuadée maintenant de la congruence de mes à propos, que leur nébulosité d'apparence ne me laisse même pas perplexe.

Tous les excès de mon tempérament illustrés en météorologie !
Je ne sais pas comment vous le sentez, de votre côté, mais mon vieil organisme à moi accuse le coup de ces pressions oppressantes, justement.
Mes oreilles en bourdonnent et gémissent, douloureuses et compressées.
Ce Ménière, là encore, il va falloir que j'y revienne plus en profondeur, un de ces jours prochains.
Notre programme est vaste et varié, je vous le dis !

Pour ce matin, je me penche sur ces images d'Agorreta.
Ces images devenues il y a peu suspectes, d'être trop bucoliques et charmeuses.
Pourtant, je ne censure pas la laideur ambiante : le vilain câble, le tas de fumier, tout ça, je le montre aussi.
Mais je me demande si, quand on montre, ainsi, on ne s'arrange pas pour montrer le plus joli.
Si, dans mon image de ce matin, la belle lumière barrée ne fait pas sa coquette, encore.
Une idée, à moi, sans doute.
Une méfiance paysanne d'une apparence séductrice et parfois trompeuse.
Je sais pourtant aller chercher derrière les masques les vérités plus duelles.
Je suis bien placée maintenant pour dénicher les petits démons, en moi et au dehors.
Ces petits monstres, pas toujours gentils, nous montrent, aussi, ce que nous sommes.
Notre monde n'est pas un paradis, comme le chantait Casimir, ce monstre gentil au milieu d'enfants heureux...
Tel qu'il est, tels que nous sommes, il y a quand même moyen de s'y faire une jolie vie, une place juste et agréable.
Je veux y croire, du moins, et m'y attache fermement.

Nous sommes pour nous-mêmes notre meilleur ami, et notre pire ennemi, aussi, parfois.
Cette dualité nous divise et nous éloigne de la cohérence bien utile à la conquête de ma déesse sérénité.
Je suis toujours en quête de cette unité au dessus de nos différences intrinsèques, de cette réunification de nos facettes multiples et même, par moments, contraires.
Le monde est trouble, nous en sommes une infime partie, toute aussi trouble.
Il est plein de sens aussi, et nos vies se peuvent concevoir autrement que de pur hasard.

Je suis en marche, pas comme les politiques, encore que...
Sortir de la gangue des vieux systèmes rigides me paraît salutaire et bénéfique.
Le passé dépoussiéré nous enseigne et nous donne l'élan, si l'on ne le laisse pas nous figer, immobiles et prisonniers.
L'idée de ces "marcheurs" est belle, elle aussi, comme l'est mon projet 2122.
Il y faudra de l'énergie, du courage et de la constance.
L'inertie des vieillesses installées est puissante, et lourde à faire bouger.
Comme pour les cathédrales, il va falloir ne pas perdre de vue la vision aboutie, même si elle nous reste encore longtemps hors de portée.

Vous savez, les "un tien vaut mieux que deux tu auras", "ne lâche pas la proie pour l'ombre", et autres maximes prudentes et paysannes, ont la couenne solide et vont nous faire encore la vie dure !
Remarquez, il y a bien un fond de bon sens  là dedans. Il ne s'agit pas non plus de s'élever trop haut et de se lancer trop loin : le pas se mesure et la foulée emballée fait chuter.
Il faudrait se dégager des peurs anciennes et ancrées, mais garder l'humilité de ne pas lever le regard plus haut qu'il ne faut.
C'est quand on s'éloigne trop de ce chemin raisonnable, qu'on croise nos monstres aux dents pointues et carnassières, ces vilains rats sortis, assoiffés de sang, de leurs tanières obscures.

Mon frère Beñat les appelait "chacals".
Moi, il me font mieux penser à des hyènes, ricanantes et mauvaises, les yeux fous et le poil hérissé d'une colère impossible à calmer.
Ces charognards trop impatients et cruels. Ils viennent vous lacérer la peau et vous arracher les tripes chaudes et fumantes, encore vivantes, ils les mordent à pleines dents en grognant d'un contentement diabolique et terrifiant.

Mes hyènes sont sorties de leur tanière ce printemps.
Déjà, avant, je percevais parfois leurs ricanements de folles sanguinaires.
Je relis ces mots d'il y a près de dix ans, et je les reconnais là :


Pour le coup, on pourrait se demander comment il se fait qu’il s’en trouve autant pour penser, pour se poser des questions, pour ne pas se trouver de réponses satisfaisantes, tourner en rond douloureusement dans les têtes si mal employées, et finir par s’en rendre malades. Au point d’encombrer les salles d’attente de professionnels de l’écoute eux-mêmes résignés à reconnaître leur désarroi et leur incapacité à résoudre un problème qu’ils ne peuvent pas identifier.
       Le malaise diffus se fraye un chemin dans les têtes vacantes. Des têtes qui ne tiennent que par la pression des préoccupations quotidiennes.
Tant qu’on se bat, contre la montre, son patron, son amour perdu, tant qu’on court, tant qu’on bouge ou qu’on s’agite, la bête n’attaque pas. C’est un prédateur à l’affût, cet animal, pas un léopard lancé en pleine course. La bête attend. Sans perdre attention, ni patience, elle attend son heure.
Le mouvement lui déplaît. L’élan la dessert. Il lui faut une proie fatiguée, à l’arrêt. Une victime vannée qui reprend son souffle perdu dans la course. Une offrande innocente et rêveuse engluée dans un immobilisme vide.
Là, par contre, les choses vont vite. La bête sait bouger prestement comme elle sait attendre longtemps. Dès qu’elle flaire une opportunité, elle approche à pas sournois et tâte le terrain de chasse. Elle est experte et connaisseuse. On ne la trompe pas facilement. Elle repère à coup sûr et quand elle pose sa patte doucement comme on caresse, les jeux sont déjà faits.
La bête séduit, elle n’effraie pas. Elle sait se montrer rassurante et câline. Elle ne mord ni ne griffe. Elle étouffe. Elle enlace, envoûte et ensorcelle. Elle endort et apaise pour mieux emporter et dévorer dans son antre sa proie inerte et docile.
Vous pensez être juste fatigué, avoir besoin d’un peu de repos. Vous vous dites qu’après ça, vous repartirez mieux. Vous avez ralenti votre marche, déjà, vous voyez une pierre moussue sur le bord du chemin et vous avez l’envie de vous y assoir un peu.
Vous allez refaire vos forces et reprendre la route. Peut-être.
Une fois assis, vous serez étonné de voir le monde sous cet angle nouveau. Un peu inquiété par cette vision étrange. Vous arrêté et eux tous en marche. Un décalage pareil va vous donner le vertige, un peu.
Après, ce sera selon. Soit vous vous trouverez finalement bien, assis comme ça. Vous laisserez le poids des choses vous glisser sur les épaules et tomber en pans fracassés autour de vous ramassé là. Le premier bien-être deviendra l’ennui. Vous perdrez le goût, l’envie. Vous n’aurez plus de projets. Demain sera vide et loin.
Vous serez mûr pour la bête.
Elle s’assiera près de vous, amicalement, et vous ne sentirez aucune menace. Elle posera doucement sa main sur votre épaule arrondie. Vous n’aurez sûrement pas l’idée de vous dégager. Ca vous semblera même agréable.
Vous aurez lâché la corde. Cette corde raide et dure à maintenir. Vous vous sentirez soulagé de ne plus avoir à la serrer. Et vous coulerez, tout simplement, sans vous débattre. La glissade sera lente et longue, silencieuse.
Cette chute vous entrainera loin du monde vivant de ceux qui courent. Vous vous étonnerez de les voir tant s’agiter, puis, vous ne comprendrez plus pourquoi vous vous agitiez vous aussi de la même façon, avant. Avant d’oublier cet autre que vous étiez. Pour finir par oublier que vous êtes encore vivant, que vous pouvez encore vous mettre en mouvement.
Mais vous n’en avez plus envie. Vous restez là, lourd et étonné. Assis.
A ce moment, si la bête ne vous a pas saisi et emporté, la petite image peut encore venir vous visiter.
La mienne se tenait prête, elle écartait légèrement un pan de voile pour se faire entrapercevoir. Son ombre m’a effleurée, la longue silhouette a failli s’approcher suffisamment pour que je la distingue dans la brume.
Quand le courant m’a reprise dans son remous, ma petite image n’y avait plus sa place. Trop de mouvement pour elle. Ma petite image est un peu comme la bête, de ce côté-là. Il lui faut du calme pour se laisser apprivoiser.
J’étais repartie en marche trop tôt pour que l’une ou l’autre ait pu m’atteindre, cette fois là.




Bien avant, déjà, je l'avais sentie venir flairer autour de moi.
Là, elle m'a sentie plus vulnérable, mieux à portée.
Son vilain museau, elle l'a approché, jusqu'à me toucher.
Puis, enragée de toutes les tentatives précédentes où sa soif de sang ne s'est pas désaltérée, elle a mordu, un peu, d'abord, pour goûter, puis, rendue téméraire, plus fort, et, encore plus fort, jusqu'à me mettre à terre, ventre ouvert et cœur affolé.
Je me suis débattue, comme je l'ai pu.
Les forces me manquaient, elle mordait, encore et encore. Ses babines rougies de mon sang se relevaient sur ses crocs acérés. Elle était sauvage, cruelle et sauvage.
Des lambeaux de moi maculaient son poitrail.
Victorieuse et enragée, elle me déchiquetait.

Je hurlais de douleur, sans un cri. Je me tordais de terreur, et essayais encore de paraître brave.
Mon orgueil et mon innocence m'enfermaient, seule, dans cette prison dont les murs mouvants m'écrasaient un peu plus,  jour après jour.
Je me tordais, je me crispais en convulsions intenables et inutiles.
La bête était la plus forte. Toute à son orgie, elle me tuait avec une cruauté inouïe.

La bête était en moi, elle était moi.
Ma prison, ce piège dont les mâchoires resserraient inexorablement leur étau, je l'avais construite toute seule.

Pour en sortir, je ne voyais que la mort, je n'espérais plus qu'elle.
Seule, la peur, cette peur méprisée pourtant par cette bravache aveuglée que j'étais, m'a sauvée.
La peur de souffrir, pas de mourir, non, mourir me paraissait délivrance, la seule couardise d'avoir trop mal, pour franchir le pas vers la liberté, m'a retenue.
Ma faiblesse m'a sauvée.
Sans elle, j'aurais sauté à pieds joints dans l'abîme qui m'était seule issue pour fuir cette souffrance muette et insoutenable.

La peur,  l'amour et le  soutien des miens m'ont sauvée.
J'étais comme la proie pourchassée prête  à tout pour arrêter de souffrir.
Le salut m'est venu des autres, et de cette part humble de moi-même.
Cette part fragile et faible, cette part dont j'avais presque honte jusque là, cette part m'a ouvert la voie vers la lumière perdue.

La hyène s'est rassasiée, pour cette fois encore.
Sa faim assouvie l'a éloignée de moi.
J'espère avoir retenu son enseignement.
J'espère avoir gardé suffisamment l'image terrible de cette grande terreur pour ne pas en oublier le danger.

J'espère aussi garder cette belle joie de vivre retrouvée. La couver et la préserver, hors des excès indomptables et fougueux, qui m'ont menée si près de tout perdre.

Oh... ce n'aurait peut-être pas changé la face du monde, non.
Mais, tout de même, c'aurait été dommage, quand-même...

Je ne veux pas plus longtemps titiller la sale bête endormie.
Je ne veux pas risquer de réveiller ses instincts meurtriers.
Je veux juste vivre, au mieux.
La savoir là, mais la savoir apaisée, apprivoisée, peut-être ?

La joie et l'espoir nous sont donnés. Comme la peur et la méchanceté, cette souffrance qui mord.
Vivre bien, je le crois, c'est faire grandir les premiers, et se garder au mieux des autres.

Alléluia, et prenez garde aux orages !




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