mercredi 21 juin 2017

DES CITROUILLES ET DES HOMMES...




Bonjour !





Hier matin, les roses du petit jour parlaient de pluie prochaine.









On regardait l'astre incendiaire flamboyer, en se disant que ses ardeurs seraient passagères.





Pourtant, pour le moment, pas de pluie à l'horizon. Et l'astre, toujours là, et bien là, écrasant et arrogant d'une force brutale.
Bon... puisqu'il faut attendre, attendons...
Pour mes pauvres oreilles oppressées, le poids de l'atmosphère est plus pénible encore.
Que faire ? Je me préserve de mon mieux, évitant de me trouver à portée du courroux de Bel astre. Autant que je le peux !

Nos organismes d'Europe tempérée ne nous ont pas aguerris à ces températures près des quarante degrés.  Ma foi, si ça ne dure pas trop, ça ira !





Zaldi lutte elle aussi. Les mouches exacerbées piquent tant et si bien qu'elle secoue ses oreilles mobiles et sa queue oscillante, levant une patte puis l'autre, sans arrêt harcelée.
mes vaches passent la journée à l'étable, et sortent la nuit, prendre un peu de frais.

Moi-même j'ai du dimanche subir l'attaque vrombissante d'une douzaine de guêpes affolées par mon approche bruyante.
Une bonne moitié m'a dardé son venin, tuméfiant en chou-fleur ma vieille peau enflammée.
Là, c'est mieux. Le venin s'est contenté de ce lot raisonnable, et ne m'a pas empoisonnée au delà. 

Ce matin, à la fraîche, j'ai entrepris le sarclage de mes rangs de citrouilles.
J'en avais fait un premier tour, au pied, espérant le renfort mécanique du motoculteur d'Olivier.
C'était prévu pour dimanche matin.
Dimanche advint, un petit jour amical, point trop chaud encore, des cieux clairs et un horizon dégagé.
Nous avons œuvré de concert, moi, indiquant les plants perdus dans l'herbe envahissante, lui, slalomant autour en retenant les sauts de la machine sur les pierres d'Agorreta.
Ici, nous sommes loin des sables landais, et le matériel est soumis à rude épreuve.
La fraise arrière émiettait bien les mottes, arrachant les adventices et les retournant cul par dessus tête. Les racines retournées séchaient au soleil haut. Les plants, eux, doucement gansés de terre poudreuse, étalaient en grande aise leurs larges feuilles.
C'était plaisant, un peu bruyant sans doute, mais, casquée  conventionnellement, j'avais grand plaisir à accompagner ce mouvement.
Pour le même résultat, il en aurait fallu, des coups et des coups de ma petite sarclette...

Olivier est très fier de ses machines. C'est un homme, quoi, qui met son orgueil dans la mécanique. Tel qu'il est, pourtant, il me plaît, allez !
Ce joli motoculteur, il l'adore.
Il rosissait de plaisir, ou d'effort, en voyant la belle ouvrage rendue par son jouet favori.
Nous terminions la première série de rangées, parcourant en longueur chaque intervalle.
Il nous fallait ensuite quadriller le terrain dans l'autre sens, pour aller chercher dans les lignes l'herbette restante.
Vous voyez, j'en suis sûre, le topo.

C'est là que la courroie sauta. Aïe ! La machine secouée avançait pourtant jusque là vaillamment. Olivier sautillait derrière elle, transpirant à grandes eaux, mais bien arrimé aux poignées.
Ce petit contretemps ne semblait pas trop gênant. Une courroie qui saute hors de la gorge de sa poulie, ça se remet en place, normalement, assez aisément.
Il fallait démonter un cache, et pour cela, regagner notre petit atelier maison.
Concédant au sort malin ce petit contretemps, nous regagnâmes la ferme, retenant la machine dans la descente entre le jardin et la cour.

Nous démontâmes le capot, sans mal, puis la roue, pour plus de commodité.
La courroie vrillée hurlait son désarroi, coincée entre l'arête de la poulie, et une tige filetée en dessous.
Olivier tirait, tournait, s'énervait gentiment, contre cette sale courroie qui lui résistait.
Je maintenais la machine penchée, essayant d'intervenir moi-même, sans  plus de succès.

- Appelons Antton, proposai-je.

Antton, mon frère, le mécanicien maison, si vous vous en souvenez.

Olivier ne voulait pas capituler.

 - Mais non, des courroies, je sais les changer ! Il me faut juste un outil.

Je voyais bien comment la moutarde lui montait au nez.
Des outils, à moins d'un mètre de lui, il y en avait toute une panoplie. Tournevis, pinces, clés, tout ce qui se peut trouver dans un atelier bien achalandé.
L'affaire commençait à durer.
Passant outre la fierté mâle de mon grand mari, je hélai mon frère, justement à portée.

Il s'approcha, se pencha, et extirpa, à mains nues, en trois secondes, la récalcitrante chiffonnée.
Tout aussi vite, il la remit en place, sagement engagée dans la gorge de la poulie.

Olivier marmonnait, vexé.
Je ne pus me contenir, effrontée que je suis :

 - Ah tiens, il l'avait, lui, l'outil !

Que voulez-vous, on ne se refait pas, et jamais je n'ai su résister à un bon mot, fût-il malheureux et déplacé.
Pour me punir, la malchance me grimaça son plus charmant sourire :
La courroie remise en place, nous nous aperçûmes, navrés, que le câble de traction avait lâché.
Il pendait, orphelin de son accroche à la poignée.
Mince ! un motoculteur à pousser, ce n'est plus la même histoire !
J'étais bien attrapée. Ma proposition de bidouiller une attache fut immédiatement et collégialement repoussée :
 - Ma machine est neuve, il faut commander le câble d'origine !




Allez... nous étions partis pour les grandes manœuvres, et je pouvais dire adieu à mes rangs de citrouilles parfaitement binées !

Je me retirai, bredouille, dans la cuisine fraîche, pour préparer le repas du dimanche.
La machine attend maintenant d'être réparée. Soit !

Ce matin, j'ai entrepris de finir ce travail :


















C'est plus long qu'avec la machine, évidemment, et bien plus fastidieux.
Mais bon, ça a son charme aussi, le sarclage au grand soleil.
On voit son travail, l'avant et l'après, n'est-ce pas ?
C'est calme et reposant.

Tout en soignant mes plantules, j'ai jeté un œil à côté de ma plate-bande.
Oui, en avant première de mon projet 2122, nous partageons déjà les terres d'Agorreta entre plusieurs jardiniers émérites.


A ma gauche,  Berra a semé ses citrouilles.
Mes méthodes d'éleveuse ont fait des adeptes.
La courge fourragère se propage et nourrit d'autres élevages.





Plus bas, celles du frérot le courroucé paraissent un tantinet chiffonnées.
Bah... elles pousseront et peut-être même leur départ différé les avantage-t-elles sous cette trop forte chaleur : moins de feuilles exposées, moins de pertes en eau.

Une petite émulation nous titille. Ces trois travées de citrouilles voisines ravivent nos fiertés légitimes à cultiver les plus belles.
Là encore, notre atavisme paysan nous tient, transposant nos orgueils dans nos talents de cultivateurs.




Sous le regard impassible et bienveillant de Mère-Rhune, nos vieux démons paysans de convoitise d'une terre à posséder sommeillent.
La terre d'Agorreta est dure et pierreuse.
Elle nous a nourris, pourtant, hommes et bêtes. Et continue encore.


Jusqu'au jour où elle nous couvera, celle-ci ou une autre, quand nous pourrirons dessous et la nourrirons en retour.
Nous serons alors rassasiés d'elle, tous, et nos démons s'assagiront peut-être.

Qui sait ?

Je vous retrouve plus tard. Je vais continuer mon ouvrage, le vent se lève et l'air est plus léger.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire