lundi 5 juin 2017

DES CITROUILLES ET DES HOMMES



Bonjour !



Avec tout ça, je ne vous ai pas parlé de mon semis de citrouille, lundi soir.

Souvenez-vous, lundi matin, la semaine dernière, sur Hendaye, il a plu.
Une pluie légère, têtue et persévérante. Un véritable bienfait pour les terres asséchées.

Vous vous rappelez aussi comment j'étais sur la ligne de départ, genou plié et jarret tendu, prête à bondir au premier signe favorable, pour semer mes citrouilles.
Ces citrouilles, fourrage un peu inusité pour mes vaches en hiver.
Je ne suis pas l'innovatrice de cette idée peu courue. Avant moi, Ttote de Telleri, un autre Ttote (Joseph), de valeur aussi, avait initié le concept : un champ de courges, cultivées en fourragères pour nourrir les bêtes l'hiver.

La culture de la citrouille a ceci de bien commode qu'elle ne demande pas grand suivi.
Elle se ramasse sans trop de peine, et se conserve honorablement jusqu'en février.
Elle amène au grenier sa belle couleur chaude orangée, et sa chair ferme et fruitée nourrit parfaitement mes vaches.
Elle s'offre bien, s'apprécie et se partage.

Loin des heures de sarclage exigées par la betterave, notre citrouille fourragère se jette hors de terre dans un élan si vif, que ses larges feuilles vites déployées couvrent le terrain avant que la mauvaise herbe ne l'étouffe. C'est une course de vitesse, une affaire de survie de l'espèce, tramée sous yeux dans nos jardins, à qui sait les regarder.
La plantule cultivée lutte contre l'adventice, la première à capter la lumière a gagné !

La courge est rapide, au démarrage, si les conditions météorologiques lui sont favorables.
Elle demande pour germer chaleur et humidité.
Là, avec la pluie de lundi dernier, les ensoleillements ardents des jours avant, nous y étions, exactement.
C'était le moment !
Attendre, et nous risquions avec d'autres pluies l'amollissement de la terre. On ne sème pas dans la boue, on ne travaille pas des mottes lourdes et collantes.
La saison avançant, il ne fallait pas non plus trop tarder.
Je vous le dis, ces semailles, tous ces travaux paysans, c'est affaire de bon moment, souvent.

Lundi, mes deux frères préposés aux tâches mécaniques dans le potager travaillaient.
Quand ils rentrent, le soir, ils aiment s'attabler, apaiser une faim légitime, et se détendre en bavardages légers après le dîner.
Pas se jeter sur les tracteurs, pour préparer la terre, au soleil couchant...

De mon côté, avec mes oreilles trop sensibles, les vrombissements tonitruants de nos petits moteurs agricoles m'indisposent.
En plus, même si j'ai grande foi en mon adresse mécanique, mes compétences en la matière sont controversées. Dans ma nouvelle optique, attentive aux appréciations de mes semblables, je tiens compte de tous les avis, même, et surtout !, contraires aux miens propres.

J'avais besoin d'eux. Ils avaient envie de repos.
Une petite controverse se dessinait autour de la table d'Agorreta.

Forte de mes récentes observations et résolutions, je décidai (oui, quand même, je peux encore, pour moi, décider !), de ne pas imposer.
Imposer, c'est risquer de ne pas voir adhérer, et même, parfois, braquer. Totalement improductif et contre efficace. Quand un projet joliment amené et bien porté a les meilleures chances de dépasser ses initiateurs !

Je parlai de cette pluie si bienvenue, de la terre toute prête à ce moment précis à être ensemencée, de ce créneau unique et peut-être perdu à jamais si on n'en saisissait pas à l'instant même l'opportunité. Le paysan travaille avec la nature,  et la nature peut se montrer capricieuse...
Elle est comme mon tempérament, elle passe vite de la douceur bienveillante à l'agressivité piquante.

Beñat, lui aussi très sensible à ces variations d'humeur, se méfie de mes "impulsions", comme il les appelle. Il n'aime pas être bousculé dans ses plans, et ses plans, pour ce soir là, c'était un petit tour en ville, puis, sûrement, un peu de télé, et la bonne nuit par derrière.
Pas tellement l'attelage de notre "trois rangs" à son Karraro, puis le traçage des dits rangs, derrière le "rotovatorage" d'Antton, au volant du Ttiki-Haundi maison.
La préparation du sol pour mon semis de citrouille demande tout ça, et oui...

Antton, lui, plus conciliant, décida derechef, de prendre les choses en main. Oui, lui, il décide, il n'a pas pris mon tournant, pour le moment.
"On va faire ça ce soir", résolut-il, en gobant sa part de gruyère tel l'oie avalant la limace entière.

Pour le coup, tout le monde suivit, mon vieux père le premier, et nous sortîmes dans l'air paisible du soir.
Sur les hauts d'Agorreta, les tracteurs se suivaient en une chorégraphie gracieuse et bruyante.
Je "chaussai" mon casque anti-bruit, déposai religieusement les graines dans les sillons accueillants.
Les garçons avaient fini leur ouvrage.
Beñat, emporté par l'élan, se proposa même pour recouvrir mes semences, avant la pluie promise par les nuages chevauchant le Jaïzkibel. Quelle abnégation !

Finalement, il ne plût pas, ce soir là.
Je pus dans le crépuscule paisible garnir tous les rangs, confiant à la terre mes graines et leurs espérances.

Déjà, ce matin, les rangs de maïs pointent leurs cornets impertinents.
Les citrouilles viendront vite aussi, en principe, étaler leurs cotylédons au ras du sol.

J'ai la foi. La foi en la nature amie. La foi en cette fraternité où nos forces unies mènent au dessus de nos paresses et de nos hésitations.

Je vous montrerai évidemment les images de mes semailles, quand elles seront suffisamment levées pour être regardées.
Là, nous en sommes encore à les espérer...

Il faut commencer par là, n'est-ce pas ?

A plus tard...



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