jeudi 15 juin 2017

AGORRETA : UNE VIEILLE HISTOIRE




Bonjour !


Hier jeudi et ce matin encore, il chuinte une bruine ouatée.
C'est tout à fait reposant, et tellement bienvenu quand les foins sont gentiment remisés dans la grange, les plants de citrouilles proprement sarclés.
Maintenant, la pluie peut tomber.

J'ai tout dernièrement lu un livre de Jeanne Benameur, canadienne me semble-t-il : Profanes.
La dernière phrase en était : le vent peut souffler.
Le titre paraissait hermétique, et le contenu m'a saisie de justesse et de profondeur, en ce moment, pour moi.
Il y a de ces coïncidences,  ainsi, un livre, un moment, un lecteur. J'ai dégusté, et chaque phrase sonnait bien à mes propres pensées.
Il y était question d'un vieil homme retrouvant la sérénité au crépuscule de sa vie, en rassemblant ses morceaux douloureusement épars.
Ce que j'essaie de faire au mitan de la mienne. S'il m'est donné de vivre encore longtemps, qui sait ?
J'y reviendrai, là encore...
Nous avons beaucoup de choses à explorer, dans l'avenir !

Pour revenir tout prosaïquement à ma vieille grange à foin, je dois réviser cette toiture maintenant défaillante.
Ici, le vent ne pourrait pas souffler trop fort, sans dommages. Ni la pluie tomber trop drue !

Ce joli bâtiment, coquet et parfaitement intégré dans le paysage (!) date de 1967.

A l'époque une équipe de deux ouvriers, je crois, j'avais alors deux ans, et mes souvenirs restent un peu flous, logeait chez nous, le temps de la construction de notre "Barbot".
Ce devait être le nom de l'entreprise, et une petite plaque se pavanait longtemps en étendard à la proue de ce bateau de terre.
L'un de ces deux ouvriers avait essuyé une averse de plomb de chasse, et me faisait tâter les grumeaux durs sous la peau de son poitrail, riant de ma surprise inquiète de toute petite fille.
C'est du moins mon souvenir gardé, à moins d'une confusion, toujours possible.
Mon père n'a pas pu éclairer ma lanterne, et je lance avis de recherche à ceux qui en sauraient plus...

Ce "Barbot", vieilli et fatigué laisse maintenant de ci de là entrer des gouttelettes d'eau. Ennuyeux, pour une grange à foin !
J'ai entrepris d'arranger le souci.
Les plaques de couverture, en 1967, étaient amiantées.
De cette amiante aujourd'hui diabolisée à outrance, pour laquelle il faut prendre des mesures semblables à l'approche de la centrale atomique de Tchernobyl, juste après son explosion.
Nos gouvernants s'alarment sans limites, mettant dans le même sac l'amiante inerte d'une bonne vieille plaque d'Everite, et la poussière insidieuse, et, là, pour le coup, sûrement dangereuse, des usines de fabrication où le même matériau affolé en particules libres s'insinue dans les poumons des ouvriers exposés sans protection.

Une bonne intention de départ, je n'en doute pas. Une application outrée et rédhibitoire, puisque les coûts de ce fameux "désamiantage" dissuadent beaucoup de propriétaires de remplacer les vieilles couvertures incriminées, laissant plutôt les bâtiments à l'abandon, dans les campagnes désertées.
Les plaques abîmées finissent de se casser en morceaux, les granges investies de ronces engloutissent cette pollution laissée libre, et la terre innocente absorbe la particule et la rend à l'eau qui la propagera à son tour, victime collatérale et complice involontaire.
Voilà pour la petite analyse environnementale...

Ici, à Agorreta, je n'ai pas l'intention d'abandonner quoi que ce soit.
Le Barbot est vieux, mais il vivra, encore.
Je ferai au mieux.

Le petit hic de l'histoire, nous vient des approximations anciennes.
A l'époque, quand on implantait une grange, une ferme, une maison, même, on faisait ça à la bonne franquette.
Etudiant la courbe du terrain, les barradeaux (je ne sais pas au juste comment ça s'écrit, cette affaire, il faudrait le demander à mon frère, il en est fan !) et les fossés délimitaient soi-disant les parcelles.
Pourquoi pas ?
Et bien, à l'examen, les barrrradeaux ! ( rouler longuement les R en bouche), et les fossés ne collent pas tout à fait au cadastre... Ooh... pas grand chose, quelques mètres, ici ou là, une dizaine, ou plusieurs, parfois ! Mince alors !!

Là encore, on pourrait déplorer les outrances d'un plan cadastral sec et sans appel, du couperet glacé d'une limite sans compassion pour nos  errements passés.
Regretter la rondeur et le bon sens passés, où l'on suivait la courbe naturelle des terres pour en décider les limites.
Aujourd'hui, tout ça se fait depuis un bureau, derrière un écran. Alors, évidemment, la courbe naturelle, elle se fait bousculer ! Pas sûr que ce soit réellement un progrès, d'ailleurs...

A Agorreta, ici ou là, nous avons un peu débordé : notre appétit d'expansion nous a menés hors de nous, comme une aspiration vous élève, et vous fait quitter la terre.
Ramenés au sol par le tout puissant cadastre souverain, nous devons maintenant rattraper ces erreurs.

Bah! Là encore, beaucoup de bonne volonté, pas mal de temps et de patience, et tout se fait.
Je me demande parfois s'il faut plusieurs vies pour ramener à la surface le poids de notre histoire et ses entraves.
Si j'aurai du moins assez de la mienne pour en libérer ce petit coin, au moins.
Et combien de temps il faudra pour réparer les miennes, erreurs, celles-là même que nous faisons tous, sans nous en rendre compte la plupart du temps !

Je ne désespère pas, non. J'ai ma vision.




Je vois Agorreta reconstituée, comme Cousinou voyait ses champs réunifiés.
Tiens, ce pourrait en être l'occasion : le bon vieux chemin rural d'Agorreta pourrait reprendre du service, un jour, et refermer ainsi la cicatrice ouverte encore de cet accès de maintenant.
C'est opaque pour vous, sans doute, ou pas. Par ici, j'en suis sûre, on me comprend...

Un jour, peut-être. Même si, d'ici là, le vent soufflera, et la pluie tombera... Et alors !

D'ici là,  et en attendant, portez-vous bien !













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