vendredi 19 août 2016

TOUT EST PARDONNE ?



Bonjour à tous !






Ce matin,  au moment où le soleil se lève, de flamboyantes nuées roses allongent leur splendeur.
Elles annoncent les turbulences à venir, et préviennent de la fragilité d'une pureté cristalline.
Elle est bien agréable, pourtant, cette pureté, et tellement légère, dans le petit matin frais.
La lune ronde s'apprête, elle, au coucher, imperturbable derrière les feuillages sombres des carolins à peine tirés de la nuit.

Nous les connaissons, les changements d'un ciel vivant. Nous n'ignorons pas les alternances de limpidité et de noirceur. 
Alors, moi, je prends le parti de m'emplir l'âme de cette légèreté bienfaisante, aussi longtemps qu'elle se présente. 
De me préserver des orages, puisqu'ils adviennent, ceux-là aussi, et participent à l'harmonie du tout.

C'est tellement plus agréable de regarder au loin la Rhune-mère tranquille. De ne pas se laisser polluer ce plaisir simple et essentiel par ce vilain tas de fumier en premier plan. 


Il nous le faut aussi, ce fumier. Il nourrira la terre en se décomposant sainement. Sa noirceur et cette puanteur du moment deviendront promesse de richesse, plus tard...






La baie s'illumine. Elle tend le flanc paisible du long Jaïzkibel  pour nous protéger des assauts de l'océan puissant et parfois colérique, là derrière.








Un matin calme et serein.
Deux hommes bavardent sur le chemin.
Ca ressemble à un monde parfait.

Et ce pourrait l'être...






Mon joli liseron bleu fraîchement poussé s'accroche.  Il enroule ses lianes encore fragiles autour de l'arceau protecteur que j'ai tendu sur  lui.





Il est bien fragile, encore, ce liseron.  Vulnérable et délicat. Et pourtant, déjà, il fleurit.
Beaucoup de dangers le menacent. Un qui ne le verrait pas, si petit qu'il est, aurait vite fait de lui couper la tête. La mauvaise herbe autour rampe et envie cet espace clair et dégagé.
Il faut le préserver, le couver, et l'accompagner.
J'y veille, je vous l'ai dit.







Mes quelques vaches, elles, profitent pleinement de leur villégiature. Elles s'y sentent parfaitement bien, maintenant, et j'ai grand plaisir à les y regarder :

- Alors ? me disent-elles, te sens-tu bien, comme nous mêmes ? Vois comme il est simple de se satisfaire. Nous avons suffisamment de nourriture, nous vivons en bonne entente, et nous avons cette chance et cette joie immenses de voir grandir notre belle petite Agatte.  Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, tu ne trouves pas ?

Oui,... oui, oui, je trouve ! Et qui que ce soit d'un peu sensé trouverait aussi...

Je me sens apaisée maintenant. Lavée de ces turbulences printanières.
Le monde n'est pas parfait, je le sais. Ma sérénité retrouvée est fragile, comme mon liseron bleu.
Je suis bien décidée à protéger ce bienfait précieux.

Je n'ignore pas les nuées sombres et les turpitudes méchantes. J'en suis bien capable, moi la première.
La méchanceté, c'est une souffrance qui mord. 
Comme l'ironie, c'est du mauvais humour douloureusement raidi. De cette raideur dont j'essaie de me débarrasser, comme la sale bête qu'elle est.

J'ai entendu dernièrement autour de la table familiale, l'évocation de l'avocat d'un de ces terroristes dernièrement arrêté. 
Vous savez, ce terrorisme qui nous tombe dessus comme une injustice effroyable. La mort semée sans rime ni raison, fauchant des enfants innocents et semant l'horreur et la terreur.
Le triste outil de mort de cette violence aveugle dont nous pouvons tous être les victimes innocentes un jour, survivants ou morts. 
Cet avocat expliquait paraît-il qu'il défendait non pas l'acte, évidemment indéfendable, mais l'homme derrière cet acte. Il cherchait à comprendre les raisons qui rendent un homme, fou furieux semeur de mort.
Je me demande si cet avocat était animé de pure philanthropie; ou alors si les gages avancés par d'occultes organisations derrière ces pauvres fous manipulés le rendaient curieux de la nature humaine.
Un reste de méfiance me revient, tiens. Parce-que même si je m'astreins à devenir confiante, je ne voudrais pas virer tout à fait béate !
C'est un joli marché bien monnayé, cette affaire de manipulation de nos peurs et de nos démons. D'habiles robes noires l'ont compris depuis longtemps, au détriment des pauvres bougres qui les paient. Quand ils ne sont pas, payeurs et payés, sombres complices d'une sarabande diabolique où ils se feront sans doute un jour emporter...

Cette mort qui nous frappe ou nous frappera tous, un jour. 
Quand elle survient au bout d'un long chemin de vie, nous l'admettons, avec la grande peur du vide, bien-sûr, mais comme une fatalité presque admissible.
Quand elle fauche de jeunes gens, comme elle a fauché mes oncles adolescents, ou d'autres, ici comme ailleurs, quand elle reprend la vie qu'elle a à peine consenti, cette même mort devient intolérable et insupportable, bien-sûr.
Elle marque et blesse, bien au delà de ceux là qu'elle happe.

Elle inflige de ces blessures boursouflées en hargne et en défiance maladive.

La mort injuste n'est pas seule chienne enragée. Elle entraîne derrière elle une meute aux dents pointues et empoisonnées.
Ces démons dont je vous parle. Ces démons qui nous agitent et nous égarent. Ces démons mauvais qui manient avec adresse tous les leviers de nos sensibilités vulnérables : la peur, l'envie, l'orgueil, la colère et d'autres sales bêtes du même acabit.

Il faut du temps pour démêler le bon grain de l'ivraie. Du temps pour reconnaître ses propres peurs et les apaiser. Cerner ses démons et leur couper les canines.
J'y ai mis plus de cinquante années. Et je suis bien sûre de ne pas être à l'abri de nouvelles morsures. Parce-qu'on ne l'est jamais tout à fait, dans une vie.

Les démons se tiennent toujours prêts à vous fondre dessus. Il en faut bien peu pour rallumer ces vilaines braises rougeoyantes.

J'ai entendu parler, comme vous, sans doute, d'un homme capable de pardonner à ceux qui le mettaient en croix.
Imaginez, les clous enfoncés, la chair lacérée. Les coups, les injures et les insultes.
Et cet homme, paraît-il, disait :

- Seigneur, pardonne-leur, parce-qu'ils ne savent pas ce qu'ils font...

La sublimation suprême des peurs, l'abnégation totale. Surmonter l'effroi, la douleur et la haine. Etre capable de compassion envers ceux là qui vous crucifient.
Loin de toute considération religieuse, il y a là de quoi s'interroger, non ?
Cet homme proférait donc des paroles de paix. Pourtant, son visage représenté dans nos églises est souvent marqué de souffrance vive. Parce-que c'est difficile et parfois douloureux de surpasser ses ombres. Evidemment...

Remarquez, n'est pas Christ qui veut !
Moi, à ma modeste échelle, je vais me contenter d'être moi-même, apaisée et plus douce. Sereine, si je le peux.

Mais bon, je vais avoir du mal à atteindre ces sommets, c'est sûr...

Parce-que moi, à celui qui veut me planter un clou dans la paume, si je le peux du moins, je lui arrache le marteau des mains, et lui fracasse la tête avec ! Non, mais...

Notez que des crucifixions, il s'en pratique moins, maintenant. Et n'allons pas nous en plaindre !

Quelques sales paroles, quelques grognements mauvais, je devrais pouvoir surmonter.  Comprendre, compatir et apaiser.
Histoire d'essayer de vivre en paix, comme mes quelques vaches.

A bientôt, lecteurs de ces nouvelles d'Agorreta.
Que pour vous aussi, la belle lumière baigne agréablement cette journée.


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