lundi 12 octobre 2015

LA NOIX DE JEAN-MICHEL




Bonjour à tous !

Ce lundi sombre, pluvieux, tout en douceur, feutre le monde dans un silence ouaté.
Il ne manque plus qu'un banc de brume pour s'imaginer au cœur de l'hiver, le froid en moins.

Pas d'image du jour, elle serait grise, uniforme, sans relief ni contours.


Je repensais à notre étape de samedi soir en l'église de Guéthary, avec Olivier.
En plus de ce moment doux, là aussi, mais lumineux, doré et riche, il a été pour nous l'occasion de résoudre une énigme vieille d'il y a trois ans. Et oui, tout de même...

Il relève de Bigoudi, Bigoudi ma vache, dont il était question dans mon article précédent. Comme quoi, sans qu'il n'y paraisse, et même pourrait-on dire avec toutes les apparences de l'opposé complet, tout se tient, dans ce "bloc". 
Cette construction d'allure disparate révélerait finalement une logique de maçonnerie solide. De "bloc" à parpaing, vous suivez ? Oui, bon, c'est un peu tiré par les cheveux, mais les choses s'imbriquent parfois bizarrement, dans la vie, n'est-ce pas ?

Ainsi donc, il y a trois ans, par un dimanche après-midi gris comme aujourd'hui, nous avions avec Olivier rendez-vous devant l'église d'Ahetze.
Il était question d'aller chez le maquignon, vous savez, Marcel. Vous ne savez pas? Allez lire plus haut, vous tomberez dessus, peut-être, dans une histoire avec Madonna, par là.
Le maquignon d'Agorreta, Marcel de son petit nom, réside à Ahetze. 
Il y a trois ans, il me téléphona, pour me dire qu'il avait chez lui une petite génisse adorable, mignonne, douce et gentille. Tous arguments de nature à me faire fondre, comme il le sait parfaitement, le bougre...
Incapable de résister, je décidai d'aller voir cette beauté sur place. Et demandai à Olivier de me rejoindre, lui, depuis ses Landes.
Entre époux, nous convînmes de nous retrouver à Ahetze, à mi-chemin de nos domiciles respectifs. Vous le savez aussi, ou peut-être pas, d'ailleurs, nous sommes un couple moderne, mariés mais vivant à 80kms l'un de l'autre. 

Pour ne pas nous manquer, je proposai comme lieu de rencontre facile à repérer, l'église. 
Et, nous nous manquâmes, lui m'appelant en me jurant qu'il était devant l'église d'Ahetze, et moi, vociférant que ça n'était pas possible, puisque j'y étais, moi, et que je n'y voyais personne !
Le ton monta, et nous nous raccrochâmes au nez, très fâchés l'un comme l'autre.
J'allai voir ma vache, la trouvai effectivement mignonne, gentille et adorable. Le soir même, Marcel me l'amenait, manquant pour se faire le début d'une partie de pelote. Fallait-il que sa fibre commerciale soit tendue... ou l'affaire inespérée.

Bigoudi devint la vache dont je vous parle. J'en suis entièrement satisfaite.
Notre dispute de ce jour là se dilua. Je mis la méprise sur le compte de l'énervement de mon mari, capable quand ses nerfs le prennent, de confondre une église et un cagibi technique d'EDF. Référence à notre premier rendez-vous, pas manqué, lui...

Nous nous en sommes amusés plusieurs fois depuis, à chaque fois qu'il s'est agi de se retrouver quelque part.
Samedi soir, en m'approchant de l'église où je devais récupérer mes plantes, la lumière se fît, enfin.
L'église que je croyais d'Ahetze, est en fait celle de Guéthary... Tiens donc ! Ça alors...
Mon maquignon habite tout près de là, pourtant. La limite entre les deux communes doit être dans les parages.
Olivier comprit évidemment comme moi mon erreur, et se rappela aussi notre dispute de trois années en arrière.
En bon mari, décidé à ne pas gâcher l'ambiance amour et paix de la soirée, il ne revint pas là-dessus, le saint-homme.
Je ne suis pas sûre d'être aussi magnanime. Je ravalai ma honte rétrospective assez facilement, et me sentis un peu allégée de cette énigme enfin résolue.

Il y a ainsi des éclaircissements qui viennent sans qu'on s'y attende. Des histoires floues qui se dénouent quand on n'en cherche plus le fil.

Dans le même registre, cette dernière semaine encore, Jean-Michel, mon patron, (oui, celui-ci je vous en ai  parlé, aussi, déjà), a fait resurgir de ma petite enfance une histoire enfouie au point que je ne la savais même plus là.

Il s'est agi d'une noix. Une simple noix qu'il m'a tendue, à la jardinerie, jeudi dernier.

Il m'a expliqué que dans l'imaginaire traditionnel basque, la noix porte bonheur. Et il m'a fait présent d'une coque tombée d'un fruitier près de nous.
Prenant dans la main la noix, je fis la remarque que les noyers attirent souvent la foudre. Sans savoir si cela tient à leur charpente, leur enracinement dans le sol, ou le sort, pourquoi pas...
Nous en avions deux beaux, à l'ancien poulailler sur la hauteur, à Agorreta.
Et les deux ont été séchés par la foudre.

J'énonçai mes théories, quand me revint l'image d'une boule de feu traversant l'étable. Une fulgurante résurgence, un déclic.

Je vous ai parlé il y a peu d'un rêve récurrent qui m'a tourmentée longtemps.
Un terrible danger menace ma famille, j'essaie de la mettre en garde, de la préserver de cette catastrophe imminente. Et personne ne me prend au sérieux. Je ne sais comment les convaincre, ils ne prennent aucune mesure de sauvegarde. Je ne pourrai pas les sauver, s'ils ne me croient pas.

Je vous ai dit que ce rêve s'était finalement résolu, quand j'en avais eu l'aboutissement, un jour, ou plutôt une nuit : à savoir le danger n'était pas si grand, et personne n'en mourait.

Jeudi dernier, ma noix dans la main, je me suis revue, toute petite fille.
Je suis dans l'étable, près de la grande porte. Le volet en est ouvert, mais je suis trop petite pour voir la cour à l'extérieur. Il pleut, très fort, le tonnerre gronde. Je regarde le ciel, sombre et menaçant.
Soudain, un claquement terrible me fait porter les mains à mes oreilles. (Mes oreilles, déjà...)
Je ferme les yeux et me recroqueville. Une lueur formidable transperce mes paupières, une lumière bleue condensée en une boule de feu.
La foudre traverse notre étable, et ressort par l'une des trappes menant au grenier, juste au dessus des vaches attachées à leurs chaînes.
Le mouvement a été fulgurant. Je n'ai rien compris, rien fait. La peur n'a même pas eu le temps de se manifester.
Je reste sidérée.

Une vache meugle de terreur, elle sort de sa place en reculant, la chaîne coupée pendant à son cou. Elle court vers le fond, ses sabots heurtent le sol en désordre.
Je ne me souviens pas qui l'a rattrapée et remise à sa place, mon père, sans doute.
A peine revenue de mon saisissement, je tente d'expliquer à mes grands-parents sortis de la cuisine ce que j'ai vu.
Affairés par le remue-ménage dans l'étable où toutes les vaches s'agitent, on me pousse dans un coin, en me faisant taire.
La vache deviendra folle. Il faudra l'abattre.
Bien plus tard, quand l'incident est oublié de tous, et même de moi, mon grand-père s'étonne un jour de cette chaîne à vache cassée et bleuie. Elle est restée accrochée au mur, sur un piton, parmi d'autres, attendant d'être réparées.

  - Hau xutan ibillia duk ero zer ? s'étonne-t-il.
  - Elle est passée dans le feu ou quoi ?

Il l'écarte et en prend une autre, pour en rafistoler une troisième. Nous sommes à Agorreta, déjà, en ce temps-là...

Toute cette histoire m'était sortie de la tête. Je me souviens avoir entendu parler de la vache devenue folle à cause de l'orage. Mais jamais je n'avais fait le rapprochement avec cette boule de feu bleue, cette foudre entrée et ressortie de l'étable à travers une chaîne en acier. Jamais non plus la petite fille terrorisée qu'on n'avait pas voulu écouter n'était revenue à ma mémoire.

Une petite noix tendue a ouvert une vanne fermée. Une coque dure dans ma main a déverrouillé un souvenir enfoui.

Je suis très attentive à ces déclics, et très intéressée , par ces phénomènes où un détail révèle la solution d'une énigme.
Rien ne s'oublie tout à fait. Les émotions, les peurs, les joies tissent une trame dont les mailles se mêlent.
Un bout de fil mène à une source lointaine, parfois. 
Il ne faudrait rien négliger, rester disponible et vigilant.

Les signes sont là. Là où on ne les attend souvent pas.

Je vous partage ces petites choses, comme je vous partage mes moments simples et banals.
De tout ça sortira quelque chose, je le crois.
Quelque chose, attendu ou pas. 
J'ai pris ce chemin en novembre dernier. Je me laisse conduire, je m'y promène, et vous emmène avec moi.

Nous verrons bien où tout cela nous mènera, n'est-ce pas ?
A bientôt, amis de ce "bloc" construit sans règles ni lois. Ayez comme moi la foi, la foi en ce qu'il adviendra.






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