mercredi 28 octobre 2015

ADIEU René




Bonjour à tous.






Notre cousin s'est pendu dimanche soir, après être venu nous rendre visite dans la journée.
Nous l'avons appris lundi.

Nous ne pouvons pas comprendre un tel geste, nous qui, pour la plupart, connaissons une peur viscérale de cette mort qu'il est allé volontairement chercher.
Ce geste terrible est en dehors de notre entendement, et doit rester en dehors de tout jugement.
Ses tout proches, sa femme, notre cousine, ses amis, sont sidérés, évidemment, et anéantis.

Sans doute nourriront-ils en plus d'un chagrin brutal et terrible, une part de colère bien légitime, contre celui-là qui leur inflige une telle épreuve.
Cette colère est juste, autant que stérile, bien-sûr.

Cet homme savait l'horreur d'une perte aussi saisissante. Il l'a connue. 
Mes cousins bordelais ont perdu leur fils dans un accident de la route.

Un tout jeune homme, beau et doux comme un ange. Tout le monde s'étonnait de la grâce de cet enfant. Il était beau, son visage était parfait, pur et clair.
Il paraissait incongru dans notre famille. Nous ne sommes pas franchement laids, mais plutôt communs. Et lui, cet enfant, ce jeune homme ensuite, sortait extraordinairement du lot.

Cet enfant angélique est mort avant de devenir un homme, dans la plénitude de sa grâce.
Ses parents ont vécu cette perte effroyable. Elle marque leur vie pour toujours.

Ils ont connu l'immense bonheur d'avoir conçu cet enfant incroyable. 
Ils ont vécu l’incommensurable chagrin de se le voir si brutalement enlevé.

L'homme a lutté longtemps avec le poids de cette peine. Il a essayé vaillamment de poursuivre sa route.
Il se montrait dimanche encore truculent et jovial. 

Nous ne savons pas les cheminements intérieurs qui tramaient leurs arabesques en lui. Lui-même les démêlait sans doute mal.

René est mort maintenant. Je ne sais pas si dans son projet il y avait l'idée de rejoindre son fils. Sûrement y avait-il une profonde lassitude, la tentation de lâcher prise, de ne plus lutter contre un sort injuste et incompréhensible.

Nous ne saurons pas, et lui ne pourra pas nous en dire davantage.

Nous pouvons tous nous sentir responsables de ne pas avoir su lever ce poids. Coupables de continuer de vivre encore, et de refuser la mort qu'il s'est, lui, donnée.

Pourtant, là où l'étincelle n'est plus, personne ne fera repartir l'envie de vivre.

René a choisi de mourir. Nous ne pouvons que nous incliner.
Garder de lui, quand l'image trop violente de son geste se sera atténuée, le souvenir de l'homme énergique, de ses éclats de voix tonitruants, de ce courage de continuer de vivre, quand-même, et de décider sa mort, enfin.


Que son acte désespéré le libère à jamais, et lui apporte la paix. 
Que lui soit pardonné la souffrance des autres, quand la sienne n'a pas pu s'apaiser.

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