jeudi 20 avril 2017

NE PAS PENSER



Dans la continuité de mes simples d'esprits, les esprits simples, sains, me revient une réflexion de ma pauvre mère défunte, paix à son âme :
"Je vais aller travailler au jardin, ça va m'empêcher de penser".

Penser était pour elle quelque chose à éviter. Il fallait occuper son esprit à autre chose qu'à "penser". Penser était néfaste.
Je trouvais ça curieux.
Aujourd'hui, je comprends bien mieux.
Moi, jusqu'ici, penser, j'aimais bien.
J'ai toujours eu l'imagination fertile. Dès que je le pouvais, des historiettes me trottaient dans la tête. Ca me semblait agréable, divertissant. Je prenais l'air, sans bouger de place. Mes petits voyages étaient à l'intérieur de moi, je pouvais m'évader, même coincée en vase clos.
Les têtes à têtes avec moi-même, je les recherchais. Je me trouvais de bonne compagnie.
Sans être jamais une grande méditatrice ou une contemplatrice éperdue, mes moments solitaires me paraissaient enviables.

Je continue de croire que l'on devrait pouvoir être le meilleur ami de soi-même. Se regarder avec bienveillance, et lucidité cependant.
Tous ces rôles que nous endossons tout au long de nos vies laissent des traces en nous. Je me demande même s'ils ne nous égarent pas, au point de nous masquer notre véritable identité.
Nous existons plus par ce que nous faisons, par ce que nous paraissons, avant de nous sentir être.
Lors d'un échange banal de civilités entre deux personnes qui viennent de se rencontrer, le "que fais-tu dans la vie ?" remplace bien souvent le "qui es-tu dans ta vie ?" Réducteur, et tellement incomplet !

Je ne suis pas seulement la pépiniériste, la bonne fille qui s'est occupée avec dévouement de sa mère, qui voudrait continuer de le faire pour son père.
Je ne suis pas que cette tracassière qui se mêle de tout et veut mettre son grain de sel partout.
Je ne suis pas non plus uniquement cette frustrée noircissant du papier sans jamais intéresser personne.

Non, en ce moment, je suis une femme mâture, en recherche d'elle-même.
Désorientée de sentir tous ces rôles s'effriter et de ne pas reconnaître ce qui reste, quand les faux-semblants sont tombés.
Cette recherche se fait dans la douleur et la fatigue. L'énergie des adolescents m'a depuis bien longtemps quittée, et j'ai dilapidé mes réserves sans y prendre garde, les croyant inépuisables.

Et bien, cela demandera des efforts et de l'aide.
Mais cela en vaut la peine, j'en suis persuadée.

J'ai l'impression de vivre dans un monde malade de faux-semblants. Où paraître prime sur être. Je sais l'humain adaptable, et je souhaite sincèrement à nos jeunes générations de trouver le moyen de s'épanouir dans toute cette agitation frénétique et bruyante.

Moi, j'ai envie de calme. Je me sens capable de participer encore à la marche du monde, d'y apporter une contribution utile et bénéfique.  Mais mon rythme m'est propre, mes envies et mes besoins me sont personnels, et je dois les respecter, ne plus prendre le risque de me perdre de vue.

Les positions trop longtemps tenues déforment les postures. Redresser tout ça ne se fait pas facilement.
C'est pourtant essentiel, je le crois, de se tenir debout en s'appuyant sur soi-même, et non sur un avatar...


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