mercredi 30 mars 2016

ENFIN !



Bonjour à tous !





Magnifique début de journée. Stries laiteuses sur mère-Rhune bleutée.




Le soleil levant pointe à droite de la pinède. Nous allons vers les journées longues et claires.


Ça y est, nous y sommes enfin :  Pollita a vêlé !

Hier soir, autour des huit heures :






En rentrant de la jardinerie, je descends à l'étable vide pour garnir les mangeoires. Les vaches connaissent l'heure, et ne sont jamais bien loin, à ce moment  là. Elles se pressent contre la barrière, contentes de retrouver leurs places.

Polllita semble inconfortable. Hésitante et incommodée. Tiens, c'est donc le moment !

Je me dépêche d'installer tout le monde pour pouvoir l'isoler dans ma stalle dédiée, au fond de l'étable. Elle mange sa ration et se laisse parquer sans difficultés. L'affaire paraît imminente.
L'an dernier, Pollita avait donné naissance à Rubita en deux temps trois mouvements, me laissant à peine le temps de passer les cordes aux boulets de la presque-née à peine apparents.

Je présente à ma grande deux grands seaux d'eau tiède sucrée, qu'elle aspire sans façons. Cet apport énergétique va l'aider.
Sitôt désaltérée, Polllita se couche dans la litière fraîche et épaisse.




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Et, sitôt couchée, le travail avance rondement : poche des eaux, apparition des sabots antérieurs. J'observe attentivement la taille et la disposition de ces sabots. Ils m'indiquent le bon positionnement du veau,  tête en avant couchée sur les pattes, et sa taille approximative. Ici, une petite bête, un gabarit facile à faire passer, si tout va bien.

Par précaution, j'alerte mon dispositif gros bras, à savoir Olivier et mes frères, au cas où il faudrait aider la nature. Parfois, le petit hésite à se montrer, tant et si bien que la mère se fatigue,  et ne pousse plus assez pour accompagner la naissance. Il faut alors aider, tirer, au moyen d'une corde bien nouée autour des fameux boulets apparus. Respecter le bon angle, la bonne cadence, le rythme idoine. Surtout, ne jamais laisser le veau bloqué aux épaules, ou aux hanches. De vigoureuses tractions sont parfois nécessaires. Vigoureuses mais dosées, si l'on ne veut pas endommager l'une ou l'autre bête.





A Agorreta, bien avant moi, mon père, mon grand-père, ont assisté des vaches au vêlage. C'est toujours un moment un peu prenant, ce rendez-vous de la naissance. Une joie mêlée d'inquiétude, toujours. Parce-que tout ne se passe pas toujours bien.







Pour Pollita et son petit, tout s'est parfaitement déroulé, hier soir. Comme l'an dernier avec Rubita, celui-ci était au pis moins d'une heure après être venu au jour :




Le petit de Pollita, pour cette année, est un mâle. Il vivra quelques mois à Agorreta. Son destin sera bref, mais je le lui ferai agréable.






Dans le petit matin sombre, notre petit veau va déjà courir la campagne, aux côtés de sa mère.
Lumineux de son front immaculé, ce petit de quelques heures cherche déjà les limites de son périmètre.
Pollita le veille. Encore une fois, elle se montre parfaite.
Ma Pollita est une vraie reine. Si le destin programmé de son petit est implacablement borné dans le temps et l'espace, le sien sera long, je l'espère à Agorreta.
Une vache peut vivre jusqu'à vingt ans.
Mon avenir d'éleveuse ne pourra raisonnablement pas aller au delà.
Nous vieillirons ensemble, et finirons nos carrières de même, elle et moi...

Une naissance de plus à Agorreta, idéalement déroulée.

J'aime ces moments, j'aime cette tension positive. 
La vue et l'odeur de ce sang, de ces chairs distendues, de ces amas bistres et lourds d'effluves primaires ne me rebutent pas. Ce si joli petit veau tout propre ce matin, attendrissant, est né de ce sang et de ces glaires épaisses. Parce-que la vie vient de là, de ce grouillement mou et fétide.
Le spectacle est peu ragoutant, sans doute, cru et incommodant, presque. Une vache mangeant les longs lambeaux de son placenta sanguinolent soulèverait facilement la nausée.

Et bien j'en suis, moi, pour ne pas tourner les yeux ou tordre le nez à ces images et à ces odeurs. J'en suis pour s'y familiariser. 
Pour y reconnaître nos origines et y trouver la trace de notre commencement. Nous venons de là. Nous venons de ces mondes sombres et sous terrains. 
Les ventres de nos mères sont gluants et visqueux comme l'est la tripe chaude et encore mouvante. Nos corps sont constitués de ces amas là, de ce matériau gargouillant et puant. 
Le sang chaud, épais et vivant, n'est pas eau cristalline. Nos exsudations ne sont pas parfums légers et raffinés. Il faut s'y conformer. 
Se détourner avec dégoût de cette réalité là ne mène à rien. On peut ne pas aimer, sûrement. Préférer se croire pur esprit et détaché de l'organique matière. Un jour ou l'autre dans une vie d'homme, cette réalité là nous rattrape.  Et ce qui se confronte par surprise est bien plus difficile à appréhender que ce à quoi l'on sait devoir se frotter.

Je me demande si l'on ne devrait pas initier des ateliers d'immersion dans ces scènes de vie brute et crue. Comme les séjours en pays étrangers pour s'imprégner d'une langue...
Inclure dans les cours scolaires de nos enfants quelques séances de vie primitive et sans fard. 
Je ne suis pas sûre d'être très suivie sur cet axe là !

Enfin, ailleurs, les gens font comme ils le peuvent. A Agorreta, la vie ne se farde pas. 




Et nos destins nous mènent quand même vers des horizons lumineux, mêlés d'ombres incontournables...

La prochaine fois, peut-être vous montrerai-je  Fauvette dans ce même pas. Souhaitons-lui la même réussite !



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