lundi 4 avril 2016

UNE AUTRE FIN...




Bonjour, suiveurs des nouvelles d'Agorreta !

Je vous parlais dans mon dernier article de certains vêlages où les choses tournent mal.
Cette chronique d'aujourd'hui vient malheureusement illustrer cette remarque.

Fauvette a vêlé jeudi soir. Le temps était mauvais, jeudi, souvenez-vous. J'avais laissé les vaches à l'étable, avec le tout petit de Pollita,  et ma Fauvette grosse de celui à naître.
La future mère était isolée dans l'aire de stabulation libre. Elle pouvait aller et venir, de façon à se dérouiller les articulations au mieux avant l'épreuve du vêlage, qui paraissait très proche.
En rentrant de la jardinerie, le soir, comme l'avant-veille avec Pollita, je constatai les signes du commencement du travail. La vache va et vient, semble agitée et incommodée.
Je me dépêchai de soigner les autres et de vaquer à mes quotidiens du soir, pour me consacrer à la parturiente.





Fauvette semblait en bonne forme. Méditative, comme souvent dans cette posture.



Je vous parlais dernièrement de ces choses un peu crues, de ces images et odeurs limite violentes et répugnantes. Je vous disais ne pas en être dérangée, et considérer cet aspect comme une réalité primitive et incontournable, à ne surtout pas chercher à éviter ou masquer.
Pour le coup, jeudi soir, j'ai eu ma dose. 
Cet amas mi aqueux mi sanguinolent, arrivé juste après la crevaison de la poche des eaux, m'alerta. Il y avait là quelque chose d'anormal. Beaucoup de sang. Trop, à mon avis.




Fauvette ne paraissait pourtant pas mal. Elle prenait ses aises, s'allongeait de tout son long, se relevait pour se recoucher. Rien d'inquiétant dans ce manège.
J'avais appelé Olivier en renfort, comme je le fais à chaque vêlage. Pour Pollita, il n'avait pas eu le temps de faire le trajet depuis ses Landes avant la naissance du petit.
Là, Fauvette semblait partie pour prendre son temps. Entre huit heures et minuit, nous la surveillâmes, ne voulant pas manquer l’événement. Tous les vêlages sont à surveiller, je vous l'ai dit. Si tout va bien, il n'y a pas besoin d'intervenir. Si quelque chose se présente mal, il faut pouvoir le faire rapidement.

Un délai de trois à six heures entre la poche des eaux et la sortie du veau est tout à fait normal. Nous étions dans les temps. L'attente semblait longuette,  dans la vieille étable sombre où les autres bêtes s'agitaient de sentir cette ambiance inhabituelle. Nous faisions comme Fauvette, nous asseyant ici, faisant quelques pas par là, espérant une issue rapide pour pouvoir monter nous coucher après.

A minuit passé, une paire de sabots clairs faisait son apparition. Fauvette était couchée contre la barrière, poussait très mollement. Je la sentais fatiguée, sans qu'elle ait fait trop d'efforts.

Je décidai de ne pas trop attendre, pour éviter qu'elle ne s'épuise, et le petit avec. Je passai les lacets aux pattes dès que je le pus. Le veau se présentait tout à fait normalement, je sentais sa langue et son mufle juste au dessus des sabots apparents.
Avec Olivier, quand Fauvette se mit à pousser plus fort, nous extirpâmes le veau. Seule, je n'aurais jamais eu assez de force pour y arriver. Le petit animal roux glissa de tout son long sur le sol. Nous y étions arrivé !
Il était de bonne taille, roux, je l'ai dit, avec des tâches blanches sur le front et le ventre. Un petit mâle, là encore.

Très vite, je me rendis compte qu'il ne s'animait pas comme il le devait. Je mis cette apathie sur le compte de la fatigue au vêlage. Avec Olivier, nous lui remuâmes vigoureusement les pattes. Je vérifiai qu'il n'ait pas la trachée encombrée de débris placentaires. Le petit veau restait amorphe. 
Nous essayâmes quelques minutes encore de le ramener sur la bonne rive, lui, si près d'y prendre pied. Rien n'y fit. Il resta lourd et mou, sans vie.
Quelle déception... Fauvette relevait péniblement la tête, essayant de voir ce qui se passait. Nous lui présentâmes son veau. Elle le lécha avec des petits grognements satisfaits, puis, inquiets. Elle sentait bien que quelque chose n'allait pas.

Ce moment aurait du être plein de joie. Il devenait triste et poignant.
Cela arrive parfois. Les choses tournent mal. Cela fait partie du lot...

Fauvette ne se relevait pas comme elle aurait du le faire. Elle restait couchée de tout son long, la tête posée sur le sol de nouveau, son gros ventre arrondi contre la barrière.
Elle saignait beaucoup. Une large flaque sombre et épaisse s'agrandissait sous elle. Elle gardait cette posture tragique. Nous ne pouvions rien faire.

Nous écartâmes le veau mort-né. Il serait temps au petit matin de l'enlever. 
J'étais persuadée que Fauvette se mourait d'une hémorragie interne. J'ai déjà eu l'occasion de perdre des vaches dans ces tristes mêmes circonstances.
Là encore, ça fait partie du lot. Une grosse bête, si belle et si brave, allongée tragiquement dans l'étable sombre, est un spectacle toujours difficile. 
Même si l'on n'est pas particulièrement attaché à la bête en question. 
Pour moi bien-sûr, c'est ce que je crains le plus à chaque vêlage, pour l'avoir déjà connu. Mais bon, il  semblerait qu'il faille payer un tribu au mauvais sort, une manière de sacrifice, de temps à autres. Rarement, heureusement !

Nous ne pouvions pas faire grand chose. Un vétérinaire appelé en urgence n'aurait de toute façon pas pu enrayer l'hémorragie à ce stade. Je me résignai.

Nous ne nous parlions pas beaucoup. Il n'y avait pas grand chose à dire. Pas plus qu'à faire. Un silence, une vacuité résignée, à donner en offrande à ce sort mauvais.

La danse étroitement enlacée de la vie et de la mort.
Le veau était mort. La vache n'en avait plus pour longtemps, sûrement.
Nous la laissâmes là, perdant son sang, immobile maintenant.

Une fin différente pour la même histoire de départ.
Une arabesque tournée vers le noir...

Ces incontournables noirceurs ombrant l'aube claire où Pollita et son petit marchaient vers le jour avaient rattrapé Fauvette et le sien.

Ainsi va le destin des vaches, comme celui des hommes.

Je vous raconte plus tard la suite. 





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