mardi 24 novembre 2015

DANS DIX ANS,COMMENT SERA-T-ELLE?



Bonsoir tout le monde !

Mon titre se réfère à une publicité un peu ancienne pour une marque de savonnette. Une jeune femme à la peau parfaite, regardait le reflet de son visage sur une surface d'eau, troublée par un remous, et se demandait comment le temps agirait sur sa jeunesse.

Je me demande moi aussi non pas comment sera ma peau, déjà bien imparfaite, mais ce qu'il adviendra d'Agorreta.
Ce "bloc" marque le fil des jours autour de la ferme. Comme le sculpteur révèle les facettes de la pierre qu'il cisèle, révélant un grain différent ici, buttant sur une ligne de faille là, je regarde, j'observe et j'examine.
Le sujet de mon exploration attentive et respectueuse  paraît bien ordinaire. J'y trouve pourtant des choses inattendues, des renvois intrigants. Partie d'un quotidien étriqué, je suis un cheminement plein de clairières emplies d'une lumière douce, et de zones moins limpides.

Je marque ce temps en apparence plat. J'y effleure des reliefs imperceptibles et pourtant bien là.

Je veux graver ces moments, je veux pouvoir revenir dessus, me remémorer qu'ils ont existé, le faire savoir aussi.

Le temps évidemment infléchira la courbe vers un horizon différent.
Dans trente ans, nous ne vivrons plus à Agorreta comme nous vivons maintenant.
Je ne tiens pas à m'accrocher à un mode de vie particulier. Je suis capable de m'adapter aux changements, et même, je trouve dans ces changements l'occasion de me découvrir autrement. J'aime la révélation de cette diversité.

Je suis pourtant telle que mon histoire familiale m'a façonnée. Je me suis nourrie et abreuvée à cette philosophie là.
Je transmettrai forcément quelque chose de ce passé, à ceux qui me côtoient, et me côtoieront à l'avenir.
Parce-que je suis de là d'où je viens,  je garderai la trace de ce que les miens auront gravé en moi.

Ce "bloc" est mon témoignage, modeste et précis. Il est la veine inaperçue dans la pierre massive, révélée à petits coups, précautionneux, par l'artisan minutieux et curieux.
J'y ai trouvé mon fil. Je m'y suis fondée, mettant en mots, même imparfaits, des sensations diffuses, mais plus tangibles d'avoir été explorées.

Je vais en terminer cette première partie ici. 
Une année sera passée, avec sa trajectoire presque quotidienne, après l'évocation d'un passé familial un peu ancien, déjà.






Ça faisait longtemps, non ?


Ensuite, entre deux trois pièces, encore (!), à rénover  dans la vieille ferme, je m'amuserai de cette affaire du remblai du Chemin des Crêtes. Elle remonte aux débuts des années 2000, pour sa partie "crise".
J'en ai le projet en tête depuis la survenue de ces "événements". Et l'envie de réaliser ce projet remonte maintenant à la surface lissée des remous du moment.

En transition avec ces changements inévitables évoqués plus haut.

Le paysage immédiat d'Agorreta est en évolution.
Cette dernière année, mon point de vue sur la Rhune-mère a changé :


























Les terrains d'Agorreta, travaillés par mes parents et mes grands-parents, ont été transformés. Remblayés.
D'un vallonnement prononcé, nous aboutissons à une surface plus plane, moins accidentée.
Mon frère aîné travaille à cette mutation, depuis dix années bientôt.










C'est lui, cette taupe géante, soulevant et déplaçant des tonnes et des tonnes de notre vieille terre d'Agorreta.
Moi, j'aime à façonner les phrases. Lui, c'est la terre...
Chacun ses passions !

Ce remblai d'Agorreta, cette "décharge" disent les esprits chagrins, est le deuxième de cette envergure réalisé par ce terrassier-né.

Avant celui-là, il a eu  l'occasion de se faire la main à Urrugne, sur les terrains originellement propriétés de mon oncle Nicolas, frère de ma mère. L'homme fier et sec aux bras puissants, à droite de notre défunte "Karmen".
Sur ce fameux Chemin des Crêtes, historiquement siège de résistance révolutionnaire sous Napoléon.
Je reviendrai sur tout ça très prochainement. Et nous revivrons ensemble ces épisodes savoureux et passionnés. 

Ce passé récent, ou plus ancien, construit mon présent et prépare cet avenir sur lequel je m'interroge.
Mes interrogations trouvent des échos nombreux dans mon entourage.


Il me revient une discussion, avec l'une de mes collègues,  ce matin.

Elle est originaire du Pays-Basque intérieur, profond et authentique.
Ce pays-Basque aux paysages montagneux, puissants et sages de sentir cette force venue de loin.






Chaque visite dans sa contrée natale nous la ramène un peu nostalgique. Pas seulement de son enfance et de cette innocence perdue, forcément.
Elle regrette aussi, je le crois, de s'être éloignée de cette terre. Elle s'y ressource, et envisage sans doute d'y revenir un jour.

Evidemment, son parcours de vie loin de ces terres isolées et nichées entre deux flancs de montagnes, lui a permis de découvrir, connaître, et vivre une vie toute différente de celle qu'elle aurait eu en restant là.
Je suis certaine qu'elle ne regrette absolument pas d'avoir saisi l'opportunité d'embrasser cette vie là.
Seulement, ces paysages la pincent toujours au cœur. Et quand elle évoque son enfance chez ses grands-parents basques, son sourire franc se voile d'une nostalgie authentique et profonde.

Je suis sensible à ce sentiment. Je ne suis jamais partie d'Agorreta. Rien ne m'en a durablement éloignée.
J'espère y finir mes jours.

Evidemment, la ferme ne perdurera pas. Agorreta n'est déjà plus depuis plusieurs années une exploitation agricole. Nos quelques vaches sont les vestiges d'un passé révolu.
Personne dans la jeune génération ne semble avoir envie de perpétuer cette tradition.
C'est ainsi. On peut le regretter, mais on ne peut pas aller contre la nature profonde des gens. Les miens ne sont plus des paysans dans l'âme...
Les derniers-nés, peut-être ? Il est trop tôt pour le savoir !

Ma collègue est revenue cette dernière fin de semaine sur les terres de son enfance. Elle a revu cette vieille "borde", cette bergerie maintenant presque mangée par une végétation sauvage.





Les quelques vieilles pierres encore empilées ne résisteront pas longtemps aux violences d'une nature exacerbée dans cette contrée encaissée.








La foudre frappe souvent, ici.
Les silhouettes noircies des vieux chênes brûlés en témoignent.

La nature n'y est pas toujours aussi bienveillante et indulgente que ce que l'on en voit par ces magnifiques journées automnales.
L'hiver y est rude, sombre, la brume épaisse, et la vie tapie dans des intérieurs obscurs.
Là comme ailleurs, la réalité n'est pas pierre taillée d'une seule roche. 










Comme à Agorreta, les paysages sont beaux, aussi, du côté de Baïgorry. Plus grandioses, plus silencieux et impressionnants.

La neige tombée ces derniers jours, sur les crêtes des montagnes encore rousses des journées précédentes, si belles, illumine les reliefs placides.





Personne ne s'abrite plus dans la bergerie abandonnée. Elle a été réinvestie par une nature sauvage. Délaissée par les hommes. Oubliée, presque, et pourtant ces vieilles pierres émeuvent ma collègue. 
Des échos de la vie menée là résonnent en elle et la troublent, comme l'onde trouble la surface plane de l'eau.

Avoir devant soi une nature aussi généreuse, des ondoiements lents et voluptueux, est presque poignant, quand on sait que l'on vient de là . Et qu'on n'y est plus.
C'est ainsi que je l'imagine, du moins. 



Quitter Agorreta, ses paysages et son atmosphère, serait pour moi une souffrance.

Je sais qu'Agorreta changera, que les paysages ne seront pas identiques, dans des années.
Je veux juste vivre ce changement, tout le temps qu'il me sera donné de vivre. Inscrire mon temps dans celui d'ici, en harmonie.

Je constate autour de moi et je peux concevoir les désirs d'ailleurs, les envies d'un horizon élargi, et le bienfait d'ouvrir ses perspectives.
Je n'en éprouve pas pour moi le besoin.
Quand je me sens viscéralement à ma place, là où je suis.

Je vous laisse tous les voyages et les ailleurs. 
Moi, mon large est au dedans de moi.

Il se fait tard. Je vais dormir. M'assoupir sur les beautés de cette terre, mon monde.


Je me suis prise au jeu de ce "bloc", je vous l'ai dit.

Si mon plaisir nourrit un peu le vôtre, vous ajoutez par votre intérêt à mon contentement, et je vous en remercie.

A très bientôt, pour de nouvelles pages de ces chroniques d'Agorreta.

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