vendredi 18 août 2017

JOSE INAZIO ILDEFONSO OLACIREGUI



Bonjour !

Je vous ai relaté mon grand-père, tel que je m'en souviens, sur le peu d'années partagées avec lui.
S'invitent dans mes souvenirs ceux entendus de mes frères et de mes parents, évidemment.

Cet Iñazio a pu être un tout autre homme pour d'autres.
Cet homme qui allait jouer aux cartes, à la ferme Erreka, devait être bien différent du personnage resté dans ma mémoire.
Nous offrons un visage particulier à chacun des rôles composés dans une vie.
Notre personnalité est multiple, et le ciment liant l'ensemble de ces rôles bien méritant...

Aujourd'hui, je vais inventer le personnage de mon grand-père, puisque je n'en connais que peu de choses.
Les quelques dates retrouvées sur de vieux papiers épais, les deux ou trois évènements marquants de cette existence modeste, vont jalonner cette fiction.
Par moments, puisque j'imagine, je vais imaginer plusieurs voies possibles, et laisser les bifurcations de ces deltas me mener ici ou là.


Pour une fois, soyons un peu méthodique, et commençons par le commencement :





José Iñazio Ildefonso Olaciregui y Delpuerto est né en 1894, aux environs d'Oyartzun, au pied des Pyrénées venues se rendre à la mer.
J'ai été étonnée déjà de ces trois prénoms. Mon grand-père a toujours été appelé Iñazio.
Où est passé ce José ?
Deux de ses fils porteront bien ce pénom. Sans doute un ascendant peut-être trop encombrant ?
Ildefonso est moins courant, mais il faut se rappeler que nous remontons deux siècles en arrière !

Il était d'une famille paysanne. A cette époque dans la région, l'activité était à la polyculture, avec de petites fermes familiales, où quelques moutons, deux ou trois vaches  et quelques arpents de terre cultivée assuraient  la substistance.
Les paysans travaillaient dur, les journées étaient longues, et la vie saine.

Iñazio jeune homme devait être ni plus ni moins aventureux que ses contemporains.
Quand la première guerre mondiale éclata en 1914, il avait à peine 20 ans.

Ces périodes de guerre crispent toutes les ardeurs, bonnes ou mauvaises.
Iñazio n'échappa pas à ce sentiment d'urgence à vivre.
Jeune, habitué à travailler sans se plaindre, il avait soif de connaître la vie d'homme, de s'y frotter, sentant tout près cette menace.

Les jeunes paysans vivaient simplement, le constant contact avec  la nature les maintenait bien loin de nos sophistications contemporaines !
Quand les jeunes garçons commençaient à se sentir des ardeurs d'homme, ils faisaient tourner l'œil au plus près : les fermes voisines s'offraient à leur prospection, avec souvent un lot de jeunes filles tout aussi décidées à vivre, et à le faire vite.
Les mariages devaient s'arranger raisonnablement. Les familles ne devaient pas être bien riches, chez mes aïeux. Les enjeux économiques des alliances assez limités. Dans ces conditions, les jeunes gens étaient plus libres de leurs penchants, sans doute.
On ne plaisantait pas trop avec l'honneur, tout de même, et les codes étaient stricts.
Les dévergondages et batifolages devaient rester sans conséquences, ou alors être "réparés", au plus vite !

J'imagine que mon grand-père et ma grand-mère, s'ils n'étaient pas voisins, devaient quand-même être géographiquement proches.
Les familles étaient nombreuses, en ces temps-là : une fratrie moyenne alignait facilement une bonne dizaine de têtes blondes et brunes.
Cela donnait un large choix de possibilités à chacun. 
Filles et garçons se côtoyaient dans les travaux des champs où il fallait prêter main forte entre voisins. Il y avait besoin de bras, quand les machines n'existaient pas. 

On se recevait les uns chez les autres, après le dur labeur, autour de tables animées. Les sangs vigoureux fouettés par le grand air, la bonne fatigue, les chairs dévoilées sous le soleil haut, les peaux luisantes de sueur, tout y était.
Nos jeunes paysans n'y allaient sûrement pas par quatre chemins. Les prétendants se jaugeaient, s'aguichaient, et, sans trop de manières sans doute, se promettaient l'un à l'autre.
Les affaires se concluaient autour d'un verre d'amitié comme sur la place du marché.
Il fallait évaluer les potentialités de chacun, les aînés reprenant souvent la ferme derrière les parents, les autres s'établissant ailleurs.
Les jeunes d'alors tout comme ceux de maintenant échafaudaient leurs projets d'avenir,  des étoiles plein la tête.

Pour Iñazio, en 1915, à 21 ans, il avait jeté son dévolu sur Manuella. Elle en avait 19.
La guerre gronde, toute proche.
Iñazio va être enrôlé. Il doit partir.
J'imagine ces deux jeunes paysans, vigoureux, tenaillés par l'envie de vivre, et effrayés par cette rumeur de mort.
J'imagine des rencontres furtives quand la nuit tombe sur les campagnes parfumées.
Des promesses, des étreintes.

José Iñazio quitte sa ferme pour s'en aller loin, sous les drapeaux.
Il laisse derrière lui Manuella.
Enceinte, de José-Marie, qui naîtra en 1916.

Iñazio ne le sait pas. 
Il accomplit son temps militaire.
De cette période, paraît-il, il a gardé un excellent souvenir ! Il n'a pas eu à combattre, cantonné quelque part tout au sud de l'Espagne. Les années ont passé, au grand soleil de Méditerranée.
Iñazio découvre une vie moins laborieuse. Peut-être s'y initie-t-il à ces jeux de cartes qui le distrairont les dimanches après-midi, plus tard, à Erreka, avec son ami Pantxoa. La nourriture ne manque pas, il prends du poids.
Pour Iñazio, paradoxalement, ce temps de guerre est une période agréable.

Quand il revient, en 1919, après la fin de la guerre, il retrouve Manuella, et leur petit garçon d'alors trois ans.
Il faut revenir à la dure réalité de la vie paysanne, et endosser par là dessus le rôle de père et chef de famille. Un saut brutal dans une réalité tenue à distance pendant quatre ans...
Iñazio reprend le collier.
On peut imaginer la difficulté à reprendre ainsi le fil d'un temps si longuement coupé.
On peut imaginer le sentiment pesant d'obligations incontournables.
Je ne sais pas si Manuella et Iñazio échangeaient des lettres. Je ne sais pas si Iñazio s'attendait à trouver cet enfant à son retour.
Il devait y avoir la possibilité de prendre une permission, pour se marier, je pense. D'autres dans le même cas l'on fait.
Je ne peux qu'imaginer, là encore, et penser qu'Iñazio ignorait qu'il était père. Qu'il l'a découvert à son retour.
Et en a assumé la responsabilité, en épousant ma grand-mère, en 1920.

C'est ma version.
On pourrait aussi penser les amours d'Iñazio et Manuella furtives et moins romantiques.
Brutales et sans rêves.
On pourrait penser ce José-Marie né hors mariage fruit d'amours moins jolies.

On pourrait, mais je n'en ai pas envie !

Je vous retrouve semaine prochaine, sur cette lancée là.
Je regarderai du côté de Manuella, jeune femme à la situation bien difficile, en ces temps-là.

Bon dimanche à tous !









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