lundi 22 juin 2020

19 au 21 juin



Vendredi 19 juin 2020 6h30








L'aube presque idéale d'un prémisse d'été. Enfin !

Quelques nuages encore sardoniques ne décrochent pas. Le  beau temps est annoncé : le foin sera coupé d'ici ce soir !



Dans la cour, mes châtaigniers en culture ont nouvelle allure.

J'ai mis en forme mes plants : choisi une tige maîtresse, coupé les autres, sectionné les gourmands à la base des feuilles.
Tuteuré cette tige élue, pour la diriger droit vers le ciel.
Dans la nature, ce tri sélectif se fait tout seul, se fait plus tard, ou ne se fait pas.
Au gré des aléa naturels, de la concurrence, du sort ami ou contraire, la plantule se développe, s'érige, ou se fourche. Quand elle vit, survit, ne meurt pas.
Mes choix ne sont que les miens.
En sous-bois ou au plein champ, mes châtaigniers en devenir n'auraient pas eu le même avenir.
C'est la raison d'être de mon intrusion. 

Mes sélections, de châtaignes, au départ, de plants, ensuite, de tiges et de bourgeons, maintenant, s'avéreront judicieuses ou pas, les années passant.
Choisir, c'est renoncer. Choisir, c'est s'immiscer, s'insérer entre des possibles écartés.
Les insertions, c'est comme les greffes, ça ne prend pas toujours, ou alors, la réussite en est bien moyenne.
Je cours ce risque de faire moins bien, de faire  carrément mal, peut-être.
Je saisis cette chance d'améliorer, de faire mieux.
L'enjeu n'est pas crucial : dix petites châtaignes mignonnes jetées en sort entre mes mains bienveillantes.
Il peut-être majeur, si ces dix châtaigniers deviennent un jour lointain de beaux arbres à la ramure large, à la frondaison drue et aux racines profondément ancrées loin dans notre terre d'Agorreta. 
Je ne les verrai pas. D'autres le feront pour moi. Ca suffira à ma satisfaction modeste et pleine.



Nos arbres parlent d'un temps long.
Ils parlent de la force des racines profondes et de l'élévation de leurs branches haut levées vers le ciel.
Ils parlent d'une vie perpétuelle au travers des cycles infinis.
Je les regarde, et ils me rassurent et me confortent.





Ce magnifique chêne du pays a bien été un tout petit plant vulnérable issu d'un tout petit gland mignon.
Il y a plusieurs centaines d'années.
Durant les toutes premières, il a du plus d'une fois risquer d'être coupé, piétiné, dévoré.
Plus tard encore, on a pu le trouver ombrageux, mal placé. 
Ses bois ont du susciter la convoitise.
Plus d'une fois, il a sûrement manqué d'être rabattu, abattu, coupé, scié en planches.
Sur tant de siècles, il a essuyé des tempêtes, des orages, la foudre et les vents hurlants.
Les prédateurs et les maladies ont du venir rôder dans ses racines et dans sa sève vive.

Pourtant, il est là.

Il est là d'avoir été ce tout petit gland tombé à terre, ce tout petit gland minuscule et entêté, décidé à pousser sous lui une minuscule radicelle pâle et ténue.
Il est là d'avoir été une frêle plantule invisible dans l'herbe et la broussaille.
Il est là d'avoir été épargné, protégé peut-être, par une ou autre bonne âme, ou par un hasard heureux.

Il est là, d'avoir démarré, un jour lointain.
Il est là, d'avoir tenu, tout ce temps.
A voir sa charpente solide et généreuse, ses branches maîtresses parfaitement équilibrées et largement évasées, sa frondaison dense et saine, ses racines tumultueuses qui soulèvent la terre autour de lui, s'enfoncent sûrement sur des dizaines de mètres en dessous, il pourra l'être pour des centaines d'années encore.
Si une ou autre mauvaise âme, ou le sort contraire, n'en décident pas autrement.

Aujourd'hui, il est là, il est majestueux, impressionnant et émouvant pour ceux à qui les arbres parlent.
Pour moi.

Il est là, pourvoyeur de beaux glands charnus.
De l'un deux naîtra son successeur, peut-être, pour d'autres millénaires.

A moins que Kutzutzu la kintoa ne les dévore tous...












En voilà quatre autres de pleinement satisfaites : mes génisses rassasiées et tranquilles.









Dimanche 21 juin 7h





Les perturbations menacent de nouveau mon troupeau : Buru-haundi est en chaleur.
Trois semaines ont passé. Ses hormones ont fait leur cycle.
Les jours qui viennent, mes génisses vont se humer, se chevaucher, se tracasser l'une l'autre.
Graziosita se tient à l'écart, sagement. 
Katto Pelato, aussi lourde maintenant que sa grosse aînée, se contente de la rabrouer quand elle la sent trop importune.
Neska Motz s'en tient enfin à une ligne de conduite plus sage : elle esquive, et se garde de se fatiguer en affrontement.

Mes génisses au pré s'organisent en troupeau de femelles. Leurs cycles se calquent sur une même semaine.
Cette synchronisation de femelles viendrait d'une recherche d'efficacité procréative.
Un mâle peut ainsi ensemencer plusieurs femelles en peu de temps, au gré de ses pérégrinations de troupeaux en troupeaux.
On a mis longtemps sur le compte de l'activité de chasse vivrière, cette absence des mâles auprès de leurs femelles.
Que dire de la lionne allant chasser pour nourrir ses petits, quand son grand mâle paresseux se prélasse à l'ombre d'un baobab ?

On a admis qu'un seul mâle suffit pour plusieurs femelles.
Et que sa contribution s'arrête à la saillie.
Seuls les humains policés s'offusquent et s'échinent à tordre cette conception dans un souci d'égalité et de fraternité. La liberté, même eux n'y croient plus, les pauvrets !
Ils s'y fatiguent et finissent par se résigner

Constitutionnellement, dans la plupart des espèces, animales et végétales, le volet procréation est instillé inéquitablement entre les deux genres. (quand il y en a deux !)
La mise en présence, la fécondation, la pollinisation ou autre premier volet de la procréation, sont brefs. 
C'est ensuite que vient le temps plus lent de la germination, du mûrissement, de la maturation, enfin.
Commencer serait facile.
Tenir jusqu'au bout, une toute autre histoire...
Le top départ serait mâle. La longue course derrière, femelle.
Seule la mort ne connaît pas de genre.

Je ne sais pas si c'est une vision biaisée : j'ai comme l'impression que la femelle, animale ou végétale, se cogne la plus grosse partie du travail.
Institutionnellement, ça ne paraît pas équitable,  non?
Et pourtant...

Je suis mal placée pour en parler, souche stérile que je suis !
Ca ne m'empêche pas de donner mon avis, non mais...

Notre règne animal est majoritairement régi par ces deux genres inégaux en droits.
Chez la plante, la partition est plus subtile, généralement.
Pour ce que j'en sais.
C'est pour ça que je m'y penche volontiers.

Mes génisses sont donc en chaleur sur une même période.
Ca nous fait une semaine de troubles.
Pour deux semaines de paix.
La moyenne est encore favorable.




16 h








Le foin coupé vendredi sèche au grand soleil.
La grande parcelles aux rebonds ronds ondule sous la pirouette agile.


En nous promenant dans le sous-bois proche avec Olivier, nous remarquons cette curiosité botanique.







Une liane de ronce est phagocytée par ce que nous prenons au départ pour une clématite sauvage.
A y regarder de plus près, la feuille de ce parasite vorace est plus dure, plus vernissée.
La bougresse accroche un filament autour de la ronce, s'y chantourne en volutes serrées, puis, nourrie de la sève de son hôte malgré lui, étire une première feuille isocèle et tendre, puis, une autre.
Elle tire à elle la sève volubile de la ronce vivace, aspire cette vitalité en plein essor, et se la restitue, en feuilles luisantes au vert éclatant.

Je me souviens avoir vu les haies de ronciers, un peu plus haut, submergées de cette plante dont je ne connais pas le nom. Je n'avais pas remarqué le mode procréatif de cette nouvelle liane.
Difficile de s'y retrouver là dedans entre genres, espèces, fonctionnements équitables et autres billevesées.
De la force de vie à l'état pur, de l'élan sauvage et sans foi ni loi.
Ainsi va la nature, qui, de nos tentatives raisonnées et de nos sensibleries déplacées, se fait des manteaux !



Le sous-bois frais, ombré en plateaux par les noisetiers et les fougères voluptueuses, nous accueille dans son silence protecteur.
Nous cheminons lentement, respectueux de cette douve de verdure.
Plusieurs merisiers aux longs fûts étroits se sont couchés dans le fossé embroussaillé. Les tempêtes hivernales sont passées ici aussi. La végétation colonise ces bois morts. Quelques branches sont reparties, poussant de leur essence originelle des feuilles rescapées. 

Nous remontons.
Les foins vont bon train.





























Réapprovisionnements en plein vol, comme aux longs cours.

Ce cours si long des arbres vénérables.



1 commentaire:

  1. c'est toujours aussi agréable de vous lire...
    de temps en temps je viens ici me délecter des histoire d'Agorreta !
    j'avoue j'ai beaucoup aimé le passage "On a admis qu'un seul mâle suffit pour plusieurs femelles." ça c'est mon coté insatiable ;-)

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