lundi 8 juin 2020

08 juin



Lundi 8 juin 15h30


Mes siestes à rallonge vont finir par m'amener jusqu'en début de soirée !
Ce temps de repos m'est parfaitement bienfaisant.
Puisque rien ne me l'interdit maintenant, je ne vais sûrement pas m'en priver !

A midi, un très gros abat d'eau a "pleuré des rivières" en tumultes dans toutes les combes.
Les ruisselets d'eau chevauchés en losanges dodus ont couru vers la mer, bousculés entre les herbes hautes et dans les ornières.
Mon artisan en menuiseries alu s'est matérialisé derrière la porte vitrée, pendant notre déjeuner, en sympathique démon rieur.
Toujours rubicond et dense, sa grosse tête de bouledogue gentil posé sur ses épaules puissantes, je l'ai vu en repartant traverser la cour à petits sauts gracieux, écartant à leur amplitude maximale ses bras et jambes, qu'il a forts, mais courts.
Il s'est un peu attardé sur les difficultés du trafic transfrontalier en période de coronavirus. En a déploré les paperasseries, et la mort d'un sien beau-frère, terrassé en huit jours. Dans la même phrase, et sans trop d'articulations bienséantes entre les deux.

- Tenia dibabitis.

Le tour du problème était fait.

- hacia contrabanda de tabaco y de butano !
 hasta dos paquetes por dia, te vienen 300 euros al mes, y aqui, el doble !

- Je faisais du trafic de tabac et de butane !
jusqu'à 2 paquets par jour, ça te fait 300 euros pour le mois. Et, ici, (en france), le double !

L'homme est définitivement arrimé à ses contingences économiques.
Ses yeux aux paupières fripées sous l'abondance des chairs s'allument d'étincelles malicieuses.

Il venait récupérer un barcalon d'échelle oublié dans le grenier.

Ces artisans espagnols sont bonhommes, joviaux et attachants.
Cela tient-il à la chaleur du sud, à un système économique plus léger pour les entreprises, peut-être ?
Ou alors à une philosophie de vie, différente de chaque côté d'une frontière pourtant arbitraire.
Ces temps de coronavirus ont vidé les rues. 
Tout le monde se souvient pourtant avoir été saisi par le silence des rues hendayaises désertées, dès après 21H, quand à Irùn l'animation y est effervescente jusque tard dans la nuit.

La culture nationale imprègne loin jusqu'à la marge, dirait-on.



Mon petit troupeau reprend son calme.



Buru Haundi a passé cette période de chaleurs.
Elle retrouve sa placidité légendaire.







Graziosita et Katto Pelato ont connu elles aussi le coup de fouet des élans amoureux, sur les deux derniers jours.
Ces deux là sont autonomes, et referment sur elles la boucle.
Elles se flairent et se hument, tête-bêche, en une danse où chacune tour à tour pose le museau sur le flanc de l'autre, tête finement dressée, oreilles levées et croupe cambrée.
Je les ai séparées dans les stalles. Leur complicité les rassemble dans le pré.
Elles sont plus fines, plus élancées que les deux noires.
Elles resserrent autour d'elles leur groupe social, et gardent le reste à la périphérie.
Ce sont les deux seules que je voulais prendre au départ.
Les deux seules peut-être qui me resteront à la fin, si les deux autres n'apprennent pas à vivre ensemble. 
Là, je vais un peu vite en besogne : Antton, mon éleveur associé, ne serait sûrement pas de mon avis !
Mes impatiences fulgurantes me poussent souvent ainsi à des agissements excessifs.
Un brin de tempérance me vient. Je réagis moins vite, et moins fort. Du moins, j'essaie.
Mes deux noiraudes ne sont pas, et, je l'espère, ne seront jamais, poussées dans les parcours galvanisés d'un abattoir où les meuglements déchirants résonnent en échos poignants entre les murs froidement carrelés.
Mon idée est de les mener jusqu'au bout, ici même, comme je l'ai fait pour ma si gentille Bigoudi.
Mes vaches ne sont pas des bêtes à viande. Elles sont des êtres de chair, dont la placidité enseigne la mienne.




La soyeuse Neska Motz se repose des derniers assauts de Buru Haundi.
Elle s'en éloigne, et s'en trouve mieux.
Pour preuve de la sensibilité évidente de mes bêtes, je prends cette grosse larme venue au coin de l'œil de ma petite protégée en souffrance :




Elle aussi, elle a "pleuré des rivières".
Et, a reconnu, résignée : "à quoi ça sert ?..."

Je vais la soigner en tamponnant ce petit œil blessé d'une décoction tiédie de camomille séchée.
La réconforter comme je réconforte chacune des mes bêtes, dès que je la sens troublée.

Nettoyer ces vilaines humeurs et lui rendre le brillant de son pelage rutilant.

M'en tenir à "l'écume des jours", plutôt que d'aller me perdre "jusqu'au bout de la nuit".

C'est bien plus léger, et sacrément moins risqué !

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