mercredi 10 juin 2020

10 juin



Mercredi 10 juin 2020  15h35


Ce matin 6h40






Les cieux de ces derniers jours sont fantastiques d'indécisions, de perturbations tumultueuses et désagréables.
Il y a de tout, d'un moment à l'autre. Tout paraît possible, là, pour l'instant à venir, et son contraire le devient tout autant.
C'est assez déstabilisant.
Comme l'est cette période de déconfinement.
L'illusion de sécurité a volé en éclats. Le danger plane, invisible et latent.
Les relations s'en refroidissent. La distanciation sociale devient humaine, le geste barrière nous enferme et nous isole. L'autre n'est plus aventure mais danger potentiel, terre ennemie.
L'époque n'est pas à la joyeuseté, malgré les efforts des uns et des autres pour s'y accrocher.
Les conséquences de cet épisode coronavirus lècheront longtemps la grève de nos quotidiens perdus.

C'est le moment je pense de s'arrimer au présent, d'en profiter, sans s'appesantir sur l'hier, et sans trop se projeter vers un avenir suffisamment incertain pour faire le lit de nos plus mauvaises peurs.

J'ai regardé mon levant, en ai admiré les tons diaprés fondus dans cet or en puissance, les élans nacrés des nuages légers étirés vers l'est.
C'était bien joli, et, pour une fois, mon image en ramène assez fidèlement l'impression.

J'attends ma grande Katterin de Sare.
Elle s'est annoncée pour 17h. Ca me laisse le temps d'écriture, le temps de tondre la pelouse, de faire un tour de mes potées fleuries, et d'un bon coup de soufflette dans la cour.
Je me trouve bien de ces petits programmes allégés, suffisamment denses pour me donner l'impression d'une saine occupation, pas trop pour que je ne m'y essouffle pas.

J'irai en soirée, après le dîner, jusqu'au cimetière, repulper là bas aussi les compositions sûrement malmenées par les bourrasques.
J'y emmènerai les chiens : ils adorent fureter entre les tombes, débusquer un ou autre rat. Bullou s'y est fait mordre le museau, la dernière fois. Lola a un peu de mal maintenant à suivre le train quand nous promenons un peu loin. Elle s'y fatigue ses petites pattes, et récupère difficilement un mouvement fluide et sans douleurs, ensuite. La tournée cimetière lui va parfaitement : elle adore la voiture, et attend sagement dans les allées pendant que je fais les va-et-vient entre le robinet et la tombe.
Mes visites impies dans ce lieu de recueillement n'offusquent pas grand monde, à cette heure tardive.
J'en reviens le plus souvent pacifiée et alanguie d'une nostalgie douce et légère.

Ma belle Kattrin arrive pour une prophylaxie à contre-saison. Elle paraît un peu submergée dans ses dossiers. Elle travaille seule, et son "clinique vétérinaire Scheil" en annonce téléphonique est une manière d'esbrouffe.
Je l'ai connue à l'occasion de la si triste fin de ma toujours pleurée Bigoudi.
Dieu merci, cette fois, son intervention est moins tragique.
Les larmes de Neska Motz ne lui seront tout de même pas fatales !
Et mon agacement de voir mes deux noiraudes ennemies ne leur en coûtera pas tant...

Ma petite protégée à la robe d'ébène lustrée se porte mieux, de son œil quotidiennement nettoyé.
Elle continue de pleurer, mais ses humeurs se font plus claires.

Je pratique maintenant volontiers moi-même les bienfaits d'une bonne séance de larmes.
J'ai passé 52 années à les contenir, à présenter la face imperturbable d'un crocodile à l'affût, sans m'en autoriser les larmes suspectes.
Résultat de toutes ces années de contention : des vésicules auriculaires suffisamment congestionnées pour m'en faire exploser une ou autre membrane maîtresse. Bravo !

Alors, maintenant, un peu tard, peut-être, mais bon, mieux que jamais, je pleure.
Je pleure, pour un oui pour un non. Je pleure, comme on se libère, comme on se déleste.
Ces lâchers de lests, justement, j'en ai initié quelques uns, et je subis les autres.
Les premiers mouvements d'une vexation légitime dépassés, je tâche de faire fermer son vilain museau à mon orgueil, et de savourer une légèreté promise, qu'elle soit recherchée... ou imposée !
Toute chahutée que je suis par les augures du moment, j'ai du mal à maintenir mon cap, je tangue et vacille, mais tiens, encore.

Je préfère baisser les bras, oui, avant qu'ils ne m'en tombent.
Lever le pied, aussi, avant de le perdre, moi qui ne l'est pas trop marin.

M'amuser des mots, de leur musique et de leurs couleurs, comme on peint un tableau, en touches légères et chatoyantes.

Je préfère aller voir plus loin, plus haut, si l'herbe y est plus verte et l'air plus pur.
Chercher ma sacro-sainte sérénité, dans le silence éthéré de  l'azur.





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