mercredi 15 juin 2016

PSYCHANALISTIC



Bonjour !






La lumière de ces jours-ci est comme ma recherche du moment : nébuleuse...

Les lueurs se laissent entrapercevoir, et disparaissent derrière les amas opaques.
Les trouées sont bien là, mouvantes et fugaces.
Elles promettent mais ont du mal à tenir.

Comme mes investigations patientes et par moment découragées.

Je remets pourtant mon métier sur l'ouvrage, patiemment, bien décidée à poursuivre.
Quel intérêt, me direz-vous ? 
A part celui de flatter ton ego démesuré ?
Crois-tu donc que tes petits tourments intérieurs méritent que l'on s'y attarde ?
Soit ! Vous, sans doute avez-vous mieux à faire, et je ne vous en veux pas de détourner votre attention ailleurs.
Moi, par ces jours mouillés où le terrain détrempé prohibe mes travaux extérieurs, je suis disponible pour ces amusements.
Je comprends qu'ils puissent paraître insipides. Je suis d'ailleurs moi-même parfois lectrice ennuyée de moi-même, c'est pour dire !
Pourtant, cet étalage de mots vidés comme des billes d'un sac retourné, je reste persuadée de la valeur de sa spontanéité désordonnée.
J'écris ces mots comme ils me viennent, sans y chercher une logique particulière ou un sens précis.. 
Je ne trouve pas toujours le bon, mot, et mes idées transcrites sur le papier ne ressemblent pas à ce qu'elles promettaient.
Elles restent ombrées comme la lueur solaire du matin. 
Pourtant, dans le tas, quelques éclats se détachent, semblent plus justes et pertinents.
En plus du plaisir tout simple d'aligner des mots en cadence agréable, je retrouve à la relecture l'impression gratifiante d'avoir saisi comme il faut l'impalpable et fugace lueur.
Une petite satisfaction, dont je ne veux pas me priver. Même si ma tentative peut faire hausser les épaules, y compris les miennes.
Mon seul plaisir d'écrire est suffisant à mes yeux. Si en plus, j'en retire un ou autre éclaircissement profitable, et bien, tant mieux ! n'est-ce pas ?

A la limite, puisque vous et moi nous sommes faits du même bois, puisque vos joies et vos tourments sont sûrement cousins des miens, peut-être trouverez-vous dans ce fatras de quoi éclairer une ou autre ombre ?
Notre ego, nos affects, voyez comme je m'approprie sans vergogne ces termes à la mode, sont ces petits diables effrontés si difficiles à dompter.
Ils nous racontent des salades et nous mènent en bateau. Ils nous représentent des tableaux tronqués et maquillés. 
C'est ceux-là que je voudrais écarter, pour mieux voir ce qu'il y a derrière. Cette vérité personnelle qui ouvre le seul chemin vers ma sérénité tant recherchée, et ces temps-ci malmenée.

L'ordonnancement de tous ces matériaux livrés en désordre prendra du temps, sans doute : j'en ai !
Surtout, cet inconfort pressenti depuis deux ans, en phase ascendante et aiguë sur ce printemps, je voudrais tenter de le lever. 
Ca paraît naturel de vouloir écarter ce qui gêne, n'est-ce pas ? Légitime d'essayer de comprendre le mécanisme qui vous a mené là. De déverrouiller les blocages, dégripper les engrenages.
Je veux retrouver une fluidité. Et pour ça, je dois localiser et défaire les nœuds qui me crispent.
Cette tentative toute personnelle, intime, je la livre ici, sans réserve. Un temps, j'aurais dit sans décence. Quand le petit démon orgueilleux et sournois vous commandant de vous méfier du regard des autres sur vous me muselait mieux qu'il ne le fait maintenant.
Quand cet autre diable vous assurait qu'il faut corseter son personnage, ne pas en laisser voir les failles, pour que personne n'y vienne y faire son nid, et vous enlever cet espace.
J'ai quand même appris depuis que les autres ne sont pas ennemis. Que ce qui vous tourmente les atteint aussi, différemment ou pas.
Qu'il ne sert à rien de faire taire ses émotions. Que les doutes tus dévastent bien davantage que l'aveu d'une faiblesse sincère.
Je n'ai pas le sentiment de me mettre en danger quand je me livre. J'ai au contraire la sensation de m'alléger, de faire de la place pour mieux avancer.
Je dois mettre de l'ordre dans mon petit grenier intérieur.
Le moment est arrivé, je le sens. Ce temps du bilan, où les pièces posées à plat en désordre, dessineront un puzzle cohérent, si l'on prend la peine de les assembler avec bienveillance.

Les désordres physiques parlent d'autre chose.
Outre les éléments matériels purs et durs, ils signifient dans la perception que l'on en a, davantage qu'ils ne montrent au premier coup d’œil.
Ma petite affection d'oreille s'est manifestée clairement il y a deux ans maintenant.
Je l'ai sentie pointer le bout de son nez bien avant, au moment de la maladie de mon père.
Nous sommes génétiquement affligés dans la famille de cette tare. Notre mécanisme acoustique laisse à désirer. Entre cristaux anarchiques et vésicules asynchrones, notre oreille sinistrée défaille complètement, et nous envoie des signaux contraires au maintien du bon équilibre et de la perception adéquate.
Cette maudite oreille tinte, sonne et vrombit, troublant notre perception du monde sonore.
Elle compromet tant et si bien la chose que nous en avons des vertiges, vacillons, et tombons, même, parfois, lamentablement. Quelques heures et vomissements plus tard, le monde nous redevient accessible, jusqu'à la prochaine crise.
C'est bien pénible, au demeurant, mais pas insurmontable.
Le phénomène est bien mécanique, et ce dysfonctionnement relève de l'organique.

Pourtant, moi, je me suis sentie aussi vaciller dans mes certitudes. J'y ai perdu ma belle assurance passée. Le dysfonctionnement m'a touchée en mon être profond.
Tout est chimie nous dit-on. Ce que l'on croit être notre création propre, notre libre pensée et propre ressenti, ne serait qu'affaires de molécules. Notre esprit ne serait que petite fiole où il suffit de rectifier un ou autre dosage pour que le mélange ne monte pas en température, ni ne refroidisse trop en gelée molle.
Je veux bien entendre que beaucoup de choses relèvent de la science pure. Que nous sommes gouvernés par de la matière dure, ou fluide. Pourquoi pas ?
J'admets, fort bien, j'admets, s'il le faut. Mais garde un doute, un espoir ? d'être autre chose que cette seule matière. De la présomption et de l'orgueil peut-être. Une croyance, quoi...

Je ne manque pas je l'espère de bon sens. Et me plie raisonnablement aux diktats de mon corps physique.
J'ai dépassé la cinquantaine, je n'ai plus vingt ans.
Tout comme, je suis petite, solidement charpentée et génétiquement programmée.
A ce propos, un peu hors de champ mais pas trop, il me revient la remarque cinglante d'un énergumène énervé invectivant mon frère aîné. Lui aussi, ramassé sur une silhouette râblée :

   - Por qué nos haces tu un metro oxenta, hé ?
   - Pourquoi ne mesures-tu pas un mètre quatre-vingt, toi ?

Il savait où appuyer, le bougre ! Ces petites remarques blessantes qui pincent l'amour-propre viennent souvent fleurir les disputes stériles. Ca ne fait sûrement pas avancer le débat, mais bon, ça permet une respiration...
Il était là question de la fatalité de l'existence, des aléas contre lesquels il serait inutile de se rebeller.

Ceci comme illustration d'une réalité à admettre, sans chercher midi à quatorze heures.
Certains basiques ne se dématérialisent pas. Il faut les prendre comme ils vous viennent, et disserter autour du mieux que l'on peut.

Pourtant, sur cette base là, tout notre ressenti peut s'ébattre largement.
Le même dysfonctionnement de l'oreille interne, est perçu de façon bien différente, suivant l'individu, le moment, le cas.
Mes vésicules défaillantes l'étaient déjà avant. Elles se sont fait remarquer au moment où j'y devenais vulnérable. Et elles continuent de scander les épisodes moins positifs, depuis.
Cette virose mauvaise n'a pas attaqué au débotté. Elle a attendu son heure, ce créneau où mes défenses battaient de l'aile, la sournoise !

Au delà de l'organique, de la logique et du mathématique, tout un faisceau sensitif et émotionnel intervient.
Dans mon ressenti, les petits diables se font la part belle.

Je suis comme vous. Je n'aime pas me sentir inconfortable. Je me souviens bien de ma forme d'avant, de cette énergie et de cet allant. C'est la comparaison avec mon atonie de maintenant qui me rend cette apathie plus pénible encore.
Le temps estompe sûrement ce souvenir d'une époque glorieuse. On se souvient moins bien au fur et à mesure que l'on s'éloigne.
On vieillit et on avance vers sa fin en déclinant gentiment. La courbe est sans heurt, marque l'ascension, l'apogée et la descente. Histoire d'amener la chute finale en douceur, ou presque...
On quitte plus facilement sans doute une vie moins éclatante, moins séduisante, un peu ternie. Cela paraît juste, presque bien.

Sans vouloir m'épuiser à une lutte perdue d'avance, sans prétendre remonter le cours du temps à l'envers vers ma jeunesse et sa fougue perdues, je veux tout de même essayer de limiter les dégâts !
Tenter de rendre les choses plus fluides et plus faciles.
Mes malaises, physiques et psychiques, m'incommodent.
Je veux en identifier au mieux la cause, y remédier dans la mesure du possible.
Pour la partie "organique", mon mode de vie raisonnable ne me permet pas d'espérer améliorer beaucoup les choses.
C'est le volet en arrière-plan que je dois travailler mieux.

Comprendre où ça grippe, et pourquoi.
Décrypter dans mes réactions les voies de progrès. 
J'ai remarqué souvent combien les "sur-réactions" sont révélatrices. On répond bien plus haut que la question posée. Le stimulus concerné paraît difficilement expliquer la réaction soulevée. Il y a là souvent matière à éclairer une zone d'ombre. J'y suis attentive, comme à un indice important.
Une espèce d'enquête à mener.

Je m'y penche. J'entrevois. Je flaire.

Quand un veau mort-né,  une vache menée à l'abattoir, remuent une sensibilité pourtant à peine ébranlée en entendant que dans le monde on abat des hommes comme on fait tomber des quilles, il y a là quelque chose d'étrange, je crois. D'irraisonnable. 
C'est une réaction bien répandue de s'émouvoir d'une infime souffrance dans son cercle intime, et de rester quasiment de marbre quand l'horreur frappe loin.
Là, je perçois en dehors de cet égoïsme incontestable, une résonance intéressante :
je perçois une passerelle entre cette façon de décider de la vie et de la mort d'une bête, cette appréhension exagérée au moment des naissances, et mon parcours de femme.
Quel raccourci grossier et stupide, peut-être !
Et peut-être pas tant que ça...

Comme toutes les femmes sans enfant, j'ai plus d'une fois perçu le blanc après ma réponse négative à la question : vous avez des enfants ?
Non, je n'ai pas eu d'enfant. Rares sont ceux qui demandent : pourquoi ? Et pourtant, dans  ce silence, on entend cette interrogation là. Du moins, moi, elle me parait naturelle. Et le fait de la museler rend ma situation suspecte.
Une femme, naturellement, doit donner la vie, la porter et la transmettre. La stérilité, voulue, choisie ou subie, assumée ou pas, n'est pas la norme.
Comme elle la reçoit, une femme est en charge de donner la vie. Un rôle à tenir, un relais à assurer, pour la survivance de l'espèce. 
Dans une famille, le maillon de la chaîne brisée pend en souffrance. Laisse un vide, une place béante.
Au terme de sa phase "reproductive" la femme épanouie en mère se sent acquittée. Elle a participé, elle a transmis. Je l'imagine ainsi, sans savoir, évidemment...
Moi, je n'ai pas donné vie, et je distribue plutôt la mort, ces temps-ci

Sans être spécialement tourmentée, j'imagine que cette stérilité, même choisie, consciemment du moins, ne se tient pas sagement à sa place en se laissant museler.
La culpabilité, justifiée ou pas, montre le vilain bout de son nez, à un moment ou à un autre. Et je me demande si ce moment là, pour moi, n'est pas arrivé.
Soit, s'il le faut, je veux bien me pencher sur la question, et admettre que le rôle de mère ne m'a jamais trop tentée. Et alors ? Il y a de par le monde suffisamment d'élan reproducteur pour qu'on puisse se passer de ma contribution, non ?
Même, en grossissant le trait, on peut même regretter certaines  naissances, puisque ailleurs, on sanctionne encore de mort certains criminels. Eux aussi sont nés, un jour, d'une mère, sans doute !  
Non, je ne me sens pas coupable de ne pas avoir rendu la vie reçue. Redevable ?  Peut-être ?  
Ai-je eu le sentiment de m'exonérer de cette dette en me mettant au service de mes vieux parents malades ? 
Mon père maintenant n'a plus besoin de soins particuliers. Me prive-t-il de ce sentiment ?
Est-ce le vide pressenti derrière moi qui me donne ce vertige et cette nausée ?
Derrière cette absence d'élan maternel, y-a-t-il quelque chose à creuser ? Ouh là, là, ça va loin, tout ça...

Je ne sais pas trop. Toute cette bouillie me paraît opaque. 
J'explore, simplement, j'explore. J'examine sans comprendre encore.

Tu n'as donc rien de mieux à faire, pauvre fille ?
Non, rien de bien pressant, je vous l'ai dit, pas ces jours mouillés...

Si la grâce m'est donnée de vivre de vieux jours apaisés, je relirais ces pages avec gratitude, je crois. Me disant : Boudiou ! comme j'étais bête en ce temps là, à me triturer le neurone pour rien !
Au moins, s'il n'en sort rien de plus, y aura-t-il ce bénéfice là...

Je ne pense pas poursuivre longtemps avec assiduité dans la voie de cette recherche. Sans meilleur résultat ! Elle m'ennuie un peu déjà. 
Par désœuvrement,  j'ai  soulevé des vieux tas de poussière. Pensant qu'elle pouvait recouvrir quelque chose.
Comme dans ces livres où une patiente investigation lève en deux déclics les pans du voile.
Ne serait-ce que littérature, là encore ?

Bah ! Ma mise en oeuvre n'est pas une grande affaire. Et, pour ce que j'y mets, le peu que j'en retiens n'est déjà pas si mal...
Quand ça me reprendra, je m'y remettrai encore. A ma psychanalyse de bazar...

A une autre fois, pour ces chroniques plus terre à terre où je retrouve pied ferme !










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