samedi 15 août 2015

BONNE FÊTE LES MARIES !



Bonjour tout le monde !

Ce quinze Août ressemble à un quinze novembre maussade, pour le moment...






Ce cliché, c'était dimanche.  Ce matin, ce serait le même, sans plus de couleur.
Je ne me plains pas de ces nuages et des averses drues. Cette pluie est une bénédiction pour mon semis de navet :




Après une très sérieuse attaque d'altises sur le rutabaga, j'ai du remettre ça pour compenser les manquants.

Mercredi, j'ai réensemencé, avec un mélange un peu hétéroclite, de navet-raves, de choux-navets encore, et d'une autre espèce locale, le navet d'Antxo.






Celui-ci, vous ne le trouverez sur aucun catalogue de grainetier, ne vous fatiguez pas à le chercher.
Antxo est un vieux monsieur du voisinage d'Agorreta. C'est le maître des lieux de Goyara, une ancienne ferme hendayaise.
Il doit avoir à peu de choses près l'âge de mon père. Il tient encore une bonne forme, et s'accroche de toutes ses forces au monde agricole, à son univers de toujours, et pour tous les jours qui lui restent, tant qu'il aura la force de résister à la pression immobilière dans les environs.

Goyara est une enclave rurale, cernée de toutes parts par des lotissements drus et en recherche d'expansion.
Autour du vieux bâtiment, il y a moins d'hectares de terres que de doigts dans une main. Mais, situés ainsi, ces quelques arpents de terrain font bien des envieux.
Le vieil homme ne lâche pas prise. On lui a imposé une voie de circulation plutôt fréquentée au ras de la porte de l'ancienne étable. La municipalité le tracasse régulièrement pour un motif ou un autre, dans l'espoir de récupérer du terrain à bâtir.

Antxo fait de la résistance active. Il n'a plus de vaches à lui, maintenant. Mais il prête une cabane au neveu de son vieil ami de toujours, pour qu'il y mette deux ou trois bêtes.
Ses terres, il les fait cultiver, pour les garder en classement agricole. Lui même jardine encore, et élève quelques poules et des lapins.
Il pratique les méthodes ancestrales, et perpétue des traditions culturales depuis longtemps oubliées ailleurs.

Antxo se méfie de la modernité. Son tracteur est plus vieux encore que le nôtre !
Il se méfie des marchands de toutes sortes, et ne veut dépendre de personne. Quand il ne peut vraiment pas faire autrement, il prend beaucoup de précautions et émet des réserves sérieuses sur la fiabilité de ce qui vient "de dehors".

C'est pour cette raison qu'Antxo sélectionne ses propres semences, depuis des décennies. Il ne veut pas entendre parler des grands groupes d'obtenteurs de graines ou de tubercules, et ne supporterait pas de confier à sa sainte terre une semence impie et polluée.
Antxo, en grand prêtre, officie dans le secret. Il pratique religieusement les cueillettes, fait tout manuellement. Il respecte les saisons, les lunes, et les marées, aussi, je crois bien.
Dans son cabanon, chaque outil, digne de figurer dans un musée rural, a sa place. Chaque lame d'acier est huilée, en fin de saison, les machines à roues posées sur des cales en bois.
Antxo est un véritable artisan paysan, respectueux et mystique.

Il perdure dans un monde dont il a depuis longtemps refusé la marche. Et refuse que ce monde ne vienne bousculer son temps à lui, décalé et précieux.

Le "navet d'Antxo" est pour le coup une espèce introuvable, unique et particulière.
C'est bien un navet :





Vous vous souvenez, cette crucifère protéagineuse...
Sa pousse est rapide, sa végétation, robuste et érigée fièrement. Il supporte d'être semé jusqu'en début septembre, tant il est rustique aux petits matins frais et aux journées raccourcies.
Mon choux-navet-rutabaga, lui, préfère se lancer plus tôt, autour de la mi-juillet.
Le navet-rave, s'accommode bien  de la mi -Août.

Evidemment, ce navet d'Antxo, résistant aux maladies et aux gelées, a quand même un inconvénient. Tant de qualités me le rendait suspect...
Mes vaches ne le consomment pas de grand cœur. Et non ! C'est ennuyeux, pour un fourrage...
Elles mâchonnent sans entrain les feuilles dures, et dédaignent carrément les têtes, aussi denses que des pierres. Elles sont un peu difficiles, sans doute, et, si elles n'avaient pas le choix, elles s'y feraient sûrement, à ce navet local. Sans doute...

Mais, moi, ce que je recherche, c'est le contentement de mes vaches. Aussi, ce navet d'Antxo, je le réserve en dernière extrémité, au cas où tout le reste rate, ce qu'à Dieu ne plaise !
Quitte à avoir un carré de choux hétéroclites, j'essaie de concilier les papilles délicates de mes belles, et un semblant de résultat botanique.

Ainsi, mon semis en pot-pourri risque de donner une culture assez disparate. Mais bon, vous le savez, Agorreta, c'est tout sauf académique. On y fait un peu comme on le sent, sans se soucier de protocoles rigides et étroits.

Antxo ne jure que par son navet. Juché sur sa bicyclette d'époque, elle aussi, il fait le tour des parcelles où il le sait cultivé, et le couve partout, comme un artiste aime à suivre ses créations.

Je ne vais pas l'offenser en lui montrant mon champ hybride, il en bégaierait de contrariété...

En parlant de comportements peu orthodoxes, vous avez peut-être encore en tête mes jeunes hirondelles et leur construction de nid tardive :




Le projet a démarré de façon fulgurante, tel le navet d'Antxo.
Puis, l'avancée a été très ralentie, jusqu'à la cessation complète, cette semaine.

Bah, ce sera du travail en moins pour l'année prochaine...

Le temps presse maintenant.
Le dernier nid habité était celui au dessus de mon projecteur d'éclairage, dans le grenier :






Si vous arrivez à le distinguer...

La seconde couvée était nombreuse. Et tardive, elle aussi.
Sentant le temps leur manquer, les parents ont pris une décision sûrement douloureuse, mais efficace : ils ont jeté par dessus bord, sans autre forme de procès, quatre oisillons, déjà plumés, mais loin d'être tirés d'affaire encore.

Bullou les a croqués sitôt tombés, presque déçue d'une manne aussi facile.

Les deux rescapés grossissent maintenant à vue d’œil, abondamment nourris.

Ah ça ! chez les hirondelles non plus, la vie n'est pas toujours facile !

Ainsi va le monde, à Agorreta comme ailleurs. Les réalités nous rattrapent toujours, et il faut savoir parfois faire taire les sensibleries pour préserver ce qui doit l'être.

Bonne fête à toutes les Maries. Lumière et douceur incarnées, angéliquement.
Puis mâtinées de Pierre, Hélène, Louise, Paule ou Laurence. Et là, tout devient différent...

Je vous le disais dernièrement, les Maries, si humaines et d'autant ambivalentes. Attachantes et déconcertantes.

Le soleil ne paraît pas loin. La journée sera belle.
Longue vie à mes petites hirondelles tardives, et aux anciens paysans résistants !







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