mercredi 19 août 2015

ADIEU VEAUX, VACHES ET COCHONS !



Bonjour !

Matinée fraîche et radieuse, idéalement automnale, déjà :




Bel astre s'élance maintenant résolument à droite du bosquet de résineux, sur le coup des 7 heures bien sonnées...


















Mère-Rhune, en l'attendant, s'ourle de floculations nuageuses, étirées en langueurs dolentes.

















Le maître d'Agorreta suit les rais de soleil pour s'y réchauffer ses vieux os.









La journée avance calmement, sans surprises, et pourtant toujours accueillie avec reconnaissance.


Je surveille la pousse de mon navet seconde couvée :







Huit jours après le semis, il est bien sorti.

Je vais traquer l'altise dévoreuse.
Elle aurait vite fait d'anéantir ces délicates et fragiles espérances.












Les rescapés du premier semis de fin juillet sont, eux, tirés d'affaire, de ce côté là.

La chenille noire, joliment dénommée en basque "katamina", et pour le coup, véritablement "calamiteuse", sera la prochaine ennemie, à surveiller attentivement.





Une fois encore, ma culture sera chaotique, entre différentes variétés mélangées, et plants à stades végétatifs décalés.

A Agorreta, nous mettons en pratique le principe de : s'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, il faut par contre beaucoup persévérer pour avoir une chance de réussir.
Et, ma foi, bon an-mal an, nous ne nous en tirons pas si mal...


Il y a aujourd'hui paraît-il une manifestation du côté de la Barre, à Anglet.
Des éleveurs vont y mener leurs bêtes, pour sensibiliser les populations à leurs difficultés du moment. D'après ce que j'en ai compris.

Je ne sais pas combien il reste d'éleveurs sur la côte. 
En continuité avec mon article précédent, je reviens à cette évolution du monde agricole, à cette mutation de mon milieu originel, en somme.

Notre voisin, Antxo de Goyara, dont je vous parlais la dernière fois, s'enflammerait vite à vous analyser les tenants et aboutissants de la chose.
Lui, adepte de l'autarcie maximale, se méfiant de tout et de tous, vous dirait et vous redirait : les paysans, ils se font avoir par les grands groupes !
Dans ce "grands groupes", évoqué comme une nébuleuse puissante et dangereuse, il englobe les coopératives, les industriels de l'agro-alimentaire, le gouvernement, en gros, toutes les entités plus ou moins dirigeantes en relation avec le monde agricole.
S'il avait vécu au temps des Jacqueries, notre Antxo serait tel la Sabine en tête des hordes des serfs affamés et poussés à la révolte par la misère.

Antxo est maintenant un vieil homme. A Goyara, on ne vit plus de la ferme. 
A Agorreta non plus, d'ailleurs. Nous conservons quelques bêtes et les cultures nécessaires à les nourrir. Par plaisir et goût de ce domaine d'activité.

En leur temps, pourtant, Antxo, mes parents et grands-parents, et beaucoup d'autres encore, vivaient de leur travail de paysans.
Sans étaler une réussite économique ou sociale retentissante, ils vivaient, honorablement, et élevaient de belles familles, tout aussi honorablement.

Je vous conterai à l'occasion notre système économique et social, à la ferme Agorreta. Je l'ai rapidement évoqué au début de ce "bloc". J'y reviendrai, en détaillant particulièrement notre mode de vie familial dans les années 70-80. L'ère expansive d'Agorreta...

Pour en revenir à aujourd'hui, et à ce malaise actuel dans le monde agricole, sans être spécialement compétente en la matière, je me sens tout de même à ma modeste échelle concernée par le phénomène.
Je ne suis pas aussi radicale qu'Antxo. 
J'admets les avantages d'une vie en société, et les contraintes inhérentes. Je profite avec gratitude des premiers, et j'admets les secondes,  en protestant mollement quand la pression d'une solidarité mal équilibrée me paraît trop lourde.

Je sais qu'on ne vit pas en société civilisée, sans tenir compte des autres, autant que nous en avons, par moments, besoin.

Tout de même, je partage la méfiance de notre Antxo local, envers les structures économiques tentaculaires. Ces trames gigantesques, ces connections infinies et invisibles, me paraissent malsaines, à trop grande échelle. 
L'esprit d'entraide coopérative est une belle et grande chose. Mais son application est indiscutablement biaisée. Les intérêts économiques et politiques mêlés, ont pris le pouvoir, à tous les niveaux.
Les différents acteurs ont perdu leur indépendance relative. La mutualisation noble est devenue asservissement à peine déguisé.

Les paysans, producteurs, éleveurs, ont perdu la main. Ils se retrouvent pieds et poings liés. Acculés dans le sas étroit où les conduisent les contrats de partenariat, ils n'ont pas d'autre issue que de se plier à des exigences et des conditions imposées.
Ils ont perdu toute liberté de décision, toute marge de manœuvre.

Ces contrats de partenariat, ils les ont bien acceptés, me direz-vous. Ils se sont engagés. On ne les a pas forcés.
Non, on ne les a pas forcés, le couteau sur la gorge, c'est vrai. Mais, on les a fortement... incités.
Insidieusement, on les a dirigés, amenés, attirés.
Séduits par des primes, alléchés par des subventions, rassurés par des contrats d'achats programmés de leur production, des conditions avantageuses d'approvisionnements de leurs fournitures, les paysans se sont laissés engluer.

De partenariat équilibré où chacun en synergie amène son travail et son savoir-faire, l'affaire est devenue relation malsaine de bienfaiteur omnipotent à assisté castré.
Les pouvoirs ont été monopolisés à la tête, les décisions cristallisées en un noyau fermé.

Vous me direz, si elles sont judicieuses et pertinentes, ces décisions, pourquoi pas ? Autant vaut centraliser pour une meilleure efficacité et éviter les dispersions en la matière...
Sans être critique au delà du raisonnable, permettez-moi de douter. Et de me demander, avec beaucoup d'autres, quels genres de cheminements tortueux aboutissent souvent à la promulgation de règlements et directives aussi déroutants...
Il n'est que de contempler les résultats : des choses bien décidées mènent-elles ainsi à de pareilles impasses ?
On peut au moins se poser la question, non ?

Les paysans ont-ils manqué de vigilance et de discernement ?  Se sont-ils laissés avoir par un chant de sirènes malignes ?

J'ai connu la grande époque de la PAC distribuée largement, des primes à l'abattage, à l'élevage, à la jachère.

Agorreta ne vivait déjà plus en ce temps là de son activité agricole. Nous avons eu cette chance de ne pas  avoir eu ce tournant dangereux à prendre.
Jamais, une quelconque aide ou subvention n'est rentrée à Agorreta.

Pour autant, nous recevions les formulaires de demandes à remplir. Des visites régulières des services sanitaires vétérinaires, en relation avec la chambre d'Agriculture départementale, nous avertissaient de l'obligation de se plier à des réglementations et des normes difficiles à comprendre... et à suivre, tant elles changeaient rapidement !
Le matériel d'élevage devait être en résine, une année, puis, deux années plus tard, il fallait tout renouveler pour passer à l'inox !
Imaginez, nous qui utilisions les mêmes bidons de lait depuis quarante ans...

Les braves gens diligentés par ces services omnipotents évoquaient les amendes, pénalités et autres sanctions encourues, à continuer de travailler ainsi dans l'illégalité clandestine.
Il y avait de quoi réfléchir... et la solution, pour qui voulait persister dans l'agriculture, c'était de se plier aux diktats venus d'en haut. Et de rentrer dans ce costume dont on nous tendait les manches avec insistance.

Il y avait bien une volonté politique d'intervenir dans le sens de la disparition des petites fermes indépendantes.
Je vous l'ai dit, nous vivions, à Agorreta, de notre travail, et sans rien demander à personne.
Mais nous étions difficiles à contrôler. Notre activité, diverse et variée, n'entrait pas dans les créneaux programmés.
Il nous fallait rentrer dans le rang, ou disparaître.

Le moment a voulu que nous nous détournions de cette machinerie lourde et froide.
Et je m'en félicite tous les jours.

Plus largement, l'état "providence", montre maintenant ses limites. 
Par le biais d'une protection, d'une assistance proposée avec insistance, les gouvernements se sont garantis une possibilité d’ingérence et de décision étouffante.
On n'est plus libre, quand on est assisté, alimenté au biberon, dépendant d'une chaîne dont on est devenu le dernier maillon.
La faillite sociale, économique, industrielle, montre partout le bout de son nez.

En Grèce, un plan de la dernière chance, des capitaux injectés encore et encore pour éviter l'ouverture de la faille, quitte à en accentuer la profondeur, porterait ses fruits, nous dit-on.
Effet de communication ou réalité ? Je ne sais pas, et je vous avoue que ma principale préoccupation n'est pas là. Alors que nous devrions tous, peut-être, davantage nous sentir concernés par ces décisions là, justement.

Nous préférons vivre benêts, et insouciants, sans doute.
Une lâcheté de plus...

Les crises en dormance doivent bouillonner au jour, la tension exacerbée doit faire éclater une exaspération légitime, pour faire évoluer les choses.
Nous avons tous besoin d'un peu d'air, d'un espace de liberté.
La juste solidarité nécessaire et admise ne se comprend plus dans les manifestations quotidiennes.

Je n'ai évidemment pas la solution !

Sinon, je me serais dans l'instant, fendue d'un coup de fil à Stéphane, ou à François.
Quel homme, d'ailleurs, ce Stéphane le Fol ! Quel nom amusant pour une fonction aussi sérieuse !
Je l'ai croisé une fois à l'occasion d'un Lurrama à Bayonne. Il venait intervenir à cette manifestation rurale locale.
Une véritable armoire à glaces, une carrure de déménageur, une silhouette massive et impressionnante de hockeyeur nord canadien.
Avec posé là-dessus, de façon un peu incongrue, une petite tête étroite...
Le front bas, l'embrasure inter-oculaire très courte, un regard aigu de rat pris au piège.
Une tête, un visage, qui ne vont pas avec ce grand corps.
Une "auteure" canadienne justement, Louise Bourbeau, émet là dessus des théories avancées.
Si on l'en croit, cette disparité, cette disharmonie, serait pleine de sens, et d'un sens pas tellement rassurant pour la bonne tenue des affaires gérées par la personnalité profonde révélée par un physique aussi spectaculairement parlant.
Je laisse chacun libre de ses interprétations, et j'imagine qu'en ce domaine comme ailleurs, un brin de modération s'impose.
Aussi, je ne me permettrai pas de juger Mr Le Fol sur son seul physique. Pour le reste, lui, ses prédécesseurs, et ses successeurs, je le crains bien, ne feront malheureusement pas de miracles.

Et François Hollande, lui, pour le coup, est l'inverse de Le Fol, physiquement. Une tête d'un bon volume, une grosse tête, quoi, sur un petit corps. La disproportion est moindre, mais tout de même, non ?
Enfin, ces remarques n'offrent aucun intérêt, de toutes façons.
Et ce n'est sûrement pas elles qui feront avancer quoi que ce soit, honte à moi !


Dans le temps, nous avons réussi à séparer les pouvoirs de l'église et de l'état.
Angéliquement, nous voulons croire à une justice indépendante, à un régime social équilibré.

J'ai bien peur que tant que la politique sera si imbriquée dans les affaires économiques, les décisions de nos gouvernements quels qu'ils soient demeurent bien partisanes.

Me voilà bien docte et ennuyeuse,  en ce mercredi !
Ca me prend, comme ça, des fois, n'en tenez-pas cas.

Je suis la première à rire de moi, quand je me relis.
Que voulez-vous, je suis humaine, comme vous, et j'aime à me donner l'illusion d'être clairvoyante, de temps à autres.

Allez, la prochaine fois, je vous fait la décortication de notre schéma politico-économique d'Agorreta dans sa grande époque.

A bientôt !



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