mercredi 24 juin 2015

CADEAU !




Bonjour et bienvenus à vous tous !





En offrande du jour, un peu de beauté...

Oubliez câbles et pylônes, et régalez-vous, comme je l'ai fait.


Soleil levant...

















Soleil levé !


















Soleil voilé...

















Et soleil triomphant !











Tout un parcours à philosopher, en moins d'un quart d'heure de temps. Du plaisir pur et sain, à prendre et à conserver en mémoire pour les jours gris.






La baie tranquille de fin de nuit, avec sa ligne de brume au dessus de Fontarrabie.

La lueur s'éveille à peine...


















Bel astre rayonne sa victoire,



















S'étire d'aise sur le pré, et cueille les façades blanches sur l'eau scintillante.



J'avais un peu de temps pour moi, ce matin. Et j'ai pensé que ces images d'aube resplendissante de tout début d'été valaient la peine d'être imprimées dans nos têtes.
Des trésors qui ne doivent rien à rien ni à personne. Les seuls à rechercher et à apprécier intensément. Des moments purs et limpides.

Ces jours derniers, je lis une lettre d'Epicure. Tiens-donc, me direz-vous, Epicure...
Et bien oui, Epicure ! Pourquoi pas...
Epicure ne m'a pas écrit, non. Epicure écrivait à Mécénée. Une relation à lui, dans ce temps là, il doit y avoir près de 25 siècles de cela. 
Ces temps-ci, d'Athènes et des Grecs, on ne retient que leur inconséquence financière.
En ces années là, pourtant, cette contrée regorgeait de philosophes sans doute assez intéressants. On parle encore de leurs théories.
 Soit, elles valaient la peine d'être étudiées, soit alors nous sommes, avons été, et sans doute, serons-nous, des ânes bâtés, nous abîmant à triturer des idées sans fondements.
Sans meilleure motivation pour trancher,  je prends le pari de la première hypothèse.


Ma nièce me l'a mis entre les mains, cet Epicure. Elle-même y est allée chercher des réponses à des questions personnelles.

Ca par exemple, me suis-je dit : quelle bonne idée !

C'est vrai, moi, j'ai peu l'usage d'interroger les philosophes grecs, quand me vient un doute.  Et pourtant...
On pense plus facilement à une amie, un collègue de bureau, une quelconque parentèle, peut-être, ou sa concierge, quand il y en a une !
Mais Epicure, Aristote, Platon et les autres,  pas spontanément.

Quelle erreur ! Avoir à portée des avis aussi autorisés, et ne pas s'y pencher.
Il faut un minimum de transposition, évidemment, pour pouvoir adapter ces sciences anciennes à nos petits tracas du jour.  Mais, sans y regarder de trop près, ce genre de pensées s'adapte partout, et toujours, non ?
Tous ces gens me sont assez peu familiers, je dois l 'avouer. Ma culture philosophale est assez limitée. Platon, la caverne, Pascal, le pari, ou était-ce Descartes ? Bref, quelques bribes pauvres et confuses, à ma grande honte. 
Remarquez, à la ferme Agorreta ou à la jardinerie, j'ai assez peu l'occasion de me trouver en manque de ces connaissances.
Je suis persuadée pourtant que nous aurions tous intérêt à nous y ressourcer.

D'Epicure, je ne connaissais que l'adjectif "épicurien". Et je lui attribuais la signification simpliste de "qui veut profiter de la vie".
Après lecture, je me rends compte de mon ignorance crasse. Epicure prônait certes la recherche du plaisir. Il y assujettissait la plénitude d'une vie réussie.
Mais j'ai appris dans cette lettre l'introduction d'une nuance de taille !
Epicure n'était pas adepte de la recherche effrénée d'un plaisir à satisfaire immédiatement. 
Bien au contraire, une telle recherche aboutirait à tous les excès, et à une escalade destructrice.

Là, je le rejoignais totalement. Cet Epicure, il en avait dans le citron !

Le plaisir considéré comme moyen, pour atteindre à un état de vie bienheureuse, une vie "plaisante".
Mais, ce plaisir, utilisé comme un outil qu'on ménage, et non pas comme un but en soi. Un souci presque mathématique dans la gestion ordinaire de la vie quotidienne, de façon à obtenir ce plaisir, en évaluant la peine nécessaire à son obtention, ou conséquente à la satisfaction de ce plaisir. Quitte à y renoncer si le ratio est trop défavorable.

Ah là, là... Là, me disais-je, d'accord ! Quelle efficacité, quelle froideur, presque !
Ces raisonnements, ces calculs, encore faut-il être capable de les tenir...
Et oui, n'est pas Epicure qui veut !

Je n'ai pas tout bien compris, loin de là. Toujours est-il qu'une chose m'a parue claire :
quand j'admire le lever de soleil de ce matin, quand je me régale ainsi, mon bol de thé à la main, j'ai du plaisir, je suis bien.
Et tous ces plaisirs engrangés me font la vie "bienheureuse". Voilà encore un terme qui me plaît. Mieux que "heureuse", trop éthéré, je l'ai raconté déjà, par là.

Et Epicure, sans doute un brave homme, quand il parle de la "tranquillité de l'âme",  doit penser à la sérénité. Vous savez, cette déesse que j'adore...
Du moins, c'est ce qu'il m'a semblé.

Des amateurs philosophes, je n'en connais pas beaucoup. Dans les alentours d'Agorreta, des traités de penseurs, il ne s'en trouve pas sous les sabots d'un cheval !

A moins que sous ceux d'une vache ?
Tiens, Kattalin vient à la fenêtre, je vais lui en causer :










De quoi tu parles ? me dit-elle. Donne-moi donc plutôt un quart de pomme !

Je m'exécute. Ce petit plaisir lui fera grand bien, et nourrira le mien.

Kattalin vous salue cordialement et vous souhaite une journée "bienheureuse".




lundi 22 juin 2015

BIGOUDI FAIT LA FOLLE



Amis du "bloc" d'Agorreta, bonjour !







Pour le plus long jour de l'année, le soleil commence sa course bien à l'est de la pinède, presque au dessus de la mer.









La Rhune, en mère sage,  ne s'inquiète pas de ce fils parti loin d'elle.

Il lui reviendra...













Trois nuages joufflus moutonnent au dessus du Jaïzkibel.

Les canons des fêtes d'Irun ne fument tout de même pas autant !

la journée s'annonce radieuse.









Ce matin à la ferme Agorreta, nous avons été réveillés à la petite aube par les mugissements de Bigoudi.




Elle d'ordinaire digne et discrète, se manifestait sans aucun souci des bonnes manières !

Sa petite Galzerdi s'est-elle éloignée ? me suis-je demandée depuis le fond de mon lit.

Pourtant, l'appel ne ressemblait pas à une inquiétude maternelle.

Il y avait de la pulsion primaire, dans l'air, de l'hormone en effervescence.


Ah, c'est donc ça ! Ma Bigoudi à son tour est en amours.

Je vous ai dit je crois comment Pollita, à peine un mois et demi après son vêlage,  se sentait prête à recommencer cette expérience qui l'avait si bien épanouie :



Moins de deux mois après un vêlage, c'est la limite basse pour envisager une nouvelle insémination.
La bête demande un peu de repos, et,  si ses hormones manquent de raison, il faut en avoir pour elles.

Ma Pollita a eu un vêlage idéal, sans aucun problème, et ses suites de couches ont été un rêve...

Elle ne montre aucun signe de fatigue, bien au contraire.
Elle est restée ronde, fière, et sereine. 
Dans ces conditions, sans trop y réfléchir, je lui ai accordé le bénéfice de ne pas douter d'elle.
Et, le 8 juin dernier, donc, Pollita a été inséminée pour la deuxième fois de sa jeune carrière.

Vendredi dernier, le 19, Fauvette était à son tour amoureuse. Mugissements, nervosité, simulacres de saillies. 
Vous vous souvenez peut-être que j'avais décidé de lui réserver un destin de future mère à Agorreta, à ma ma royale Fauvette :




Ainsi, puisqu'elle approche de ses deux ans, elle a eu, elle aussi, droit à la visite, pas très romanesque, mais je l'espère, fertile, de notre inséminateur local.











Pour Bigoudi, le jour J est arrivé, cette nuit. Alertée par ses meuglements, j'ai surveillé la sortie d'étable avec attention.

J'adresse une mise en garde préalable aux lecteurs sensibles. Les images suivantes sont de nature à choquer un public non averti.
J'imagine tout de même mal mes suiveurs du "bloc" d'Agorreta, s'offusquer de choses aussi naturelles.  Tout de même, ce genre de spectacle n'est pas anodin, et je préfère avertir...







Oui, oui, oui, tous les indices convergeaient.

Attitude énervée, petites danses rotatoires autour des autres, reniflements sans ambiguïtés de ces dites autres...













Et là, plus de doute possible : simulacre de saillie, entre ces grandes bêtasses !

La bête en chaleur est celle qui se laisse grimper, même si elle  fait mine, à l'occasion, elle aussi, d'être un taureau.

Ses copines, aux hormones passives,  ne se laisseront pas faire, et fuiront "l'étreinte".

Je vous dis ça, au cas où vous seriez un jour amenés à vous demander laquelle il faut inséminer, dans un troupeau de vaches agitées de pulsions primitives et vitales. Sait-on jamais...




Les deux petites se demandent ce qui se passe.

Galzerdi ne reconnaît plus sa mère, en cette furie déchaînée.

Ce matin, elle n'a pris que très peu de lait.

Bah, Bigoudi ne tardera pas à se calmer.
Pour la fin de matinée, elle sera rendue à elle-même, et sa fille se remplira largement la panse en compensation.
Je surveillerai, au cas où.

Il ne faudrait pas que ma grande délicate nous fasse une mammite, cette infection douloureuse d'un pis mal vidé.
Souvenez-vous de son indigestion, il y a peu. C'est une horlogerie fine, ma Bigoudi, il faut la surveiller comme le lait sur le feu !





Mais, dans le même temps, tellement attachante, avec sa tête carrée d'aïeule normande.







Mon père se charge de cette vigilance, entre deux travaux légers de jardinage.
Comme il se chargera aussi de surveiller, dans trois semaines pour chacune de mes éventuelles futures mères,  le succès de ces inséminations.

Si tout va bien, Pollita fin juin, Fauvette autour du 10 juillet et Bigoudi trois jours après, devraient rester calmes et tranquilles.
Sinon, il faudra recommencer l'opération. Et attendre, trois semaines encore après...
Ces cycles immuables signes d'un temps renouvelé sitôt passé.


Affaires à suivre, vous pensez bien !

A bientôt, et savourez cette si belle et longue journée !

mercredi 17 juin 2015

MA BETTERAVE AU LONG COURS



Bonjour !





Ce sont les derniers nuages avant plusieurs jours, profitons-en !

Les pluies continues de la matinée d'hier ne nous les feront pas regretter dans l'immédiat.

Ces pluies sont pourtant bienfaisantes pour les cultures, gardons-le en tête, quand l'humidité s'insinue sous le ciré du travailleur en extérieur...







Ce matin, Zaldi est escortée du troupeau de vaches.

Elle aime bien la compagnie, cette jument.

Et particulièrement la compagnie de ces vaches, si dolentes et apaisantes.

Voyez-là, allongée sur l'herbe de tout son long.
En deuxième position, en partant du haut.






Elle relève à peine la tête à mon approche.

Ca n'est pas sa posture habituelle. Un cheval reste peu couché.

Zaldi sent comme moi. Les vaches la pacifient et la détendent...








Je faisais ce matin, comme tous les matins en cette saison, ma tournée d'inspection des cultures :























En cascade, les trois tranches de semis de mes betteraves.
La première, début avril,  puis, début mai, je crois, c'est noté quelque part plus haut dans mes articles précédents,  et enfin, début juin, dernière chance.



Ca donne des lignes bien irrégulières !

Bah, ça divertira ma tâche, entre premier éclaircissage des derniers levés,   désherbage assidu des puînés, et  dernier buttage des rares rescapés du premier semis.

C'est un vrai parcours du combattant, cette culture de betterave, n'est-ce pas ? Un véritable voyage au long, très long cours...

La betterave demande patience et ténacité. 
La betterave se fait désirer, espérer.
Entre le semis et la récolte, il se passe environ huit mois, presque le temps d'une gestation humaine (ou bovine, vous connaissez maintenant mes références favorites).

La betterave est une culture de longue haleine, quoi !

Ma foi, ce genre de défis, à moi, ça ne me déplaît pas. Et une belle betterave bien lourde, bien ferme et bien sucrée, mes vaches adorent, en hiver. Ca craque gaiement  dans les mangeoires, ça leur réussit parfaitement au teint. 
Alors, vous le savez, pour le plaisir et le bien-être de mes belles, je suis capable de me donner beaucoup de peine.






Nous sommes bien loin du but, encore.

D'ailleurs, nous avons failli renoncer, à l'atteindre jamais, cette année.

Je me désespérais du peu de succès de ma planche de betteraves.








J'ai failli envoyer Ttiki-Haundi et Rotavator lui régler son compte.




Toujours prêts à intervenir, ces deux là !

Je me disais : je vais me rabattre sur le plan B.
Puisque cette sale betterave renâcle à germer, je vais broyer tout ça, et préparer l'endroit pour le choux fourrager, à semer en Juillet.

Je ne sais pas si c'est le froid de la lame passée si près ou quoi, mais, pour le coup, mon dernier semis s'est jeté hors de terre comme un perdu.

Plus sûrement, la bonne combinaison humidité chaleur. C'est une capricieuse, cette demoiselle betterave,  il lui faut toutes les conditions optimales réunies, pour daigner apparaître.

Toujours est-il que là, ça y est, elle y est. 






Elle y est même en surnombre !

Je me souviens bien de mon état d'esprit, quand, pour la dernière fois, je décidai de semer encore mes graines.

"Ces graines doivent être trop vieilles", me disais-je. "Elles ont perdu leur capacité à germer".










Vous le savez, nous sommes à Agorreta.
Et, à Agorreta, nous n'aimons pas "gâcher".

Ma boîte de graines de betteraves n'est pas de cette année. Elle n'est pas non plus de l'année dernière...

Je capitalise énormément sur les facultés germinatives des graines. Conservées à l'abri de l'humidité, du froid et des rongeurs, elles doivent garder en elle leur vitalité endormie.

D'ailleurs, cette graine de betterave, ressemble à s'y méprendre à celle du rumex, cette adventice quasi indestructible.



Je vous l'ai dit une autre fois, la graine de ce rumex peut rester en capacité de germer sur plus d'un siècle.

Alors, celle de la betterave, pourquoi pas quelques années ?

Sur ces bonnes extrapolations, je conserve mes vieilles boîtes de semences dans le placard de la cuisine.
Et je les ressors, tant qu'il en reste, histoire de faire l'économie de la demi-douzaine d'euros que vaut ladite boîte, chez le grainetier.

Evidemment, les années passant, un petit suspense croissant s'installe, entre le jour du semis, et celui, espéré, de la levée.

La betterave, je vous le répète, n'est pas une culture fougueuse. Elle y va, oui, mais gentiment, en prenant bien son temps.

Il lui faut, pour se montrer, au mieux, une quinzaine de jours, et, en moyenne, trois petites semaines.
La levée, vous l'avez constaté avec moi, est souvent irrégulière. Sporadique, fantaisiste, déconcertante.
Deux trois graines agglomérées ici, sur plusieurs mètres, rien, puis là, une, très vigoureuse.

D'accord, le semis peut-être mis en cause, et, par conséquent,  le semeur, en l’occurrence, ici, la semeuse. Oui, oui, oui. Je fais volontiers acte de contrition.

Pourtant, je n'en suis pas à mon premier semis, les amis. Loin de là...
Et, sans vouloir me vanter, j'ai la pincée assez habile. 
Pour la betterave, cette graine grossière, facile à saisir entre les doigts, commode à faire rouler avec ses facettes inégales,  aucune difficulté particulière. 
Avec un peu de patience, vous la déposez pratiquement une à une, chacune à sa place. Enfin, avec beaucoup de patience, tout de même.

Les navets et autres crucifères protéagineuses,  (j'adore ce terme, je le place à chaque fois que je le peux, ne m'en veuillez pas), là, pardon ! c'est toute autre chose...
Les minuscules grains ronds et parfaitement lisses fuient, roulent et glissent. Impossible de les séparer. Il faut compter sur le seul mouvement de jetée pour les éparpiller. Avec pour résultat des levées très inégales, un amas ici, rien là.
Mon choux fourrager en est une, de crucifère... protéagineuse ! ( C'est joli, à l'oreille, non ?)
Et celui-là, je prévois toujours plusieurs heures d'éclaircissage pour rattraper ce semis aléatoire.
Nous verrons cela en son temps, le mois prochain.

Revenons à ce début juin, où, pour la troisième fois, je me mis en tête de tenter la betterave.

Mettant les échecs précédents sur le compte, d'abord, d'une météo défavorable, trop froide, ou trop sèche, puis, sur des graines moribondes, je remis pour la troisième fois sur le métier mon ouvrage.
Puisque mes graines semblaient trop vieilles, pour les sacrifier, je les mis toutes en terre. Lèveraient celles qui le pourraient...

Conservant dans les rangs les plants démarrés, j'intercalai des séquences de semis. 
Je tenais à ma vision de ces beaux rangs de betteraves, ces larges feuilles tendres, craquantes, d'un vert innocent. Je me figurais déjà la pile joliment rangée, tous ces bulbes empilés dans le fond de grange.
Je ne pouvais pas me résoudre à renoncer. Non, non, non et non ! Encore et encore, je lutterais, contre ce sort calamiteux et contraire !

C'est ainsi que ce matin, j'ai eu ma récompense, en voyant toutes ces petites plantules de betteraves sorties de terre.







Quelle joie !

Regardez-me les, ces petites. Elles s'appuient sur les premières feuilles et lancent un œil circonspect sur le monde.
On dirait une nuée de garnements hissés sur l'arête d'un vieux mur pour regarder si le jardin du voisin n'est pas une meilleure terre d'aventures. 
Le voisinage de ce pourpier rougeâtre doit d'ailleurs les effrayer. Pas commode, celui-là !

Je suis là, je veille, et je lui trancherai sa grosse tête, avant qu'il ne rampe par dessus mes protégées en les étouffant sous son poids.

Le seul hic, dans tout ça, je vous le disais plus haut, c'est la quantité de plantules levées.
Voyez-vous, la betterave, avec le temps, c'est sensé devenir une belle plante, largement déployée sur sa racine poussée hors de terre.
Elle a besoin de place pour s'épanouir. Si la chance me suit, je vous montrerai, au fur et à mesure.
Il faut lui prévoir une distance d'une quarantaine de centimètres entre chaque tête. Là, en quarante centimètres, il doit y avoir, quarante plants...

Ca nous annonce quelques heures de travail tout en finesse, avec mon "antxur" fidèle :




Isoler les plantules, éliminer les surnuméraires, en sélectionnant si possible les plus prometteuses.

Là encore, un peu de patience !

Les altises perforeuses, les vers gris voraces, quelques piétinements de mes assistants à quatre pattes, contribueront à une sélection naturelle ou accidentelle, à défaut d'être pertinente.

Et, pour le reste, à moi de jouer !


Ma planche de betteraves sera forcément bancale, entre des plants à différents stades de pousse.
J'espère tout de même en tirer quelque chose.

Je réussis rarement mes cultures à la perfection. La perfection n'est pas de ce monde, dit-on.






Pas bien loin de mes betteraves, mes courges sont elles aussi issues de plusieurs semis décalés.

Et ces petites dernières, je les ai tout juste repiquées la semaine passée, à la faveur des pluies drues.

Elles nous viennent des coteaux de Zugarramurdi. 
L'air de la côte leur réussira-t-il ? Il faut l'espérer, et attendre de voir.


Comme dit si souvent mon père, "zerbait etorriko dun, bai, eginen bortxan..."





Quelque chose viendra, oui, à force de persévérer...


Ainsi soit-il !


Nous suivrons ensemble ces évolutions, et vérifierons la justesse de cet adage maison.

A une prochaine fois, et, vous non plus, ne baissez pas les bras !

vendredi 12 juin 2015

TEMPS SUSPENDU



Amis de ce bloc, bonjour, et bienvenu au visiteur de passage !





La luminosité est étale, ce matin, à tous les points d'horizon.























Si l'on est pas de là, impossible de savoir où en est le soleil de sa course.

Il pourrait être aussi bien six heures du soir, le temps ne se marque pas en intensité de lumière.

Une atmosphère étrange, immobile.
les croassements (ou coassements ?, je ne sais jamais !), des corbeaux trouent le silence plat.
Les voix portent loin, on perçoit des conversations tenues dans le voisinage sur un ton pourtant tout à fait raisonnable.

C'est tranquille, apaisé, reposant.
J'aime ces journées grises et calmes. Elles manquent de tonus solaire, et de mouvement, sans doute, mais elles favorisent la sérénité.

Ce temps suspendu comme les ponts, entre deux, un temps de pause.
Le répit proposé est bienvenu, réparateur.

Cette immobilité, quand nous savons bien que la marche continue, éloigne l'inexorable avancée.
Rien ne bouge, quand tout peut arriver.

C'est par un jour pareil qu'il faudrait s'éteindre, quitter la partie.

Notre bon vieux docteur de famille, aujourd'hui en retraite, parlait de "bonus" en évoquant la rémission inattendue de mon père.
Cet homme a toujours été à notre écoute. Il a su participer à accompagner les périodes difficiles, en faisant  le pont, justement, entre un corps médical trop technique, et notre bon sens de paysans.
Ensemble, nous avons décidé de dévier certaines trajectoires thérapeutiques conventionnelles.
Et c'est, j'en suis sûre, grâce à cette distance, que mon père est si bien vivant aujourd'hui.

Son successeur, le jeune Aurélien, a de l'ange la grâce et la douceur. 
Nous avions connu l'ancien en ses débuts, tout comme celui-ci.

- Bah, il me fera mon temps, celui-là, je crois ! dit mon père en riant.

Qui sait ?

Ce temps ralenti, ce mouvement presque arrêté, nous est donné ce matin. 
Rien n'est figé, et le temps s'égrène partout, même là où nous ne le percevons pas.

Mais comme c'est agréable,  ce moment où la cadence se pose.
Je suis de nature apathique, peut-être, et cette ambiance peut paraître pesante et lénifiante à ceux là qui ne se sentent vivants que dans le mouvement, justement.

Je suis d'ailleurs persuadée que le charme de ce temps presque arrêté tient à son essence de parenthèse, entre deux atmosphères plus lestes.
Ainsi sommes-nous, pauvres humains, bousculés quand l'agitation presse, et un peu effrayés quand le trop grand calme nous envase...

Chacun ses rythmes !




Ma courgette défie le temps et fait de la résistance.
Deviendrait-elle minérale ?

Ce serait une première, à Agorreta !

Le temps ne s'y défie pas, pourtant, il s'y respecte. Comme l'incontournable ne s'évite pas...

mercredi 10 juin 2015

ET IL NE MOURUT PAS !



Bonjour à tous !





Une petite pluie de nuit, pas assez, mais il faudra bien s'en contenter !
Les nuées en promettent d'autres, peut-être...

Tiens, entre le moment de mon petit reportage photos et ce début d'après-midi, de bonnes et franches averses ravalent le soleil passé en visiteur.

Mon poste d'écriture de saison estival va être remisé en intérieur :
























 Zaldi va quitter son observatoire.

Elle aime bien, cette jument, se mettre la tête entre les deux grands pylônes électriques.

Tournée vers l'est, elle monte la garde, la croupe à la baie.

Comme si elle était dans la lucarne d'un grand box à ciel ouvert, enchâssée dans la presque majesté de ces colonnes imposantes.

Ou alors, y trouve-t-elle la sécurité d’œillères géantes ? Peut-être, va savoir...

Moi, ce matin, je vaquais dans le jardin.













Ca bougeotte, gentiment, à la faveur de ces chaleurs dernières.
Les quelques rosées nocturnes et la faible pluie de cette nuit ne suffisent pas en apport d'eau pour faire bondir tout ça...

J'ai épandu de l'engrais, en espérant une décharge des nuées amoncelées.

Et j'ai été exaucée, loué soit le Très-Haut !!






Je vous montre ici le plant de courge géante, issu de mon phénomène de l'année passée, lui-même germé du prototype de citrouille géante exposé à la jardinerie en 2013... Vous suivez ?

Relisez les chapitres précédents, ou, plus simplement,  admirez cette citrouille dans mon étable l'hiver dernier :








Mon orgueil et ma fierté !

Je ne sais pas si la fille tiendra les promesses de la mère.

J'attends de voir, et de vous montrer.

Le plant est parti fort, c'est sûr, mais nous ne sommes pas encore rendus, n'est-ce pas ?





Ces citrouilles "fourragères", si elles arrivent, feront le bonheur de mes vaches en hiver.

J'ai ici dans mon grenier, un fruit de courge cultivé l'été dernier.

Cette courgette a une durée de conservation étonnante. Je la garde pour voir combien de temps elle va rester en l'état.
Elle ne montre pour le moment aucun signe de décomposition ou de flétrissure.
Elle est constante en poids et en texture.


Aurait-elle trouvé le moyen d'arrêter le temps ? 
S'est-elle momifiée en sa maturité ?
C'est intrigant, et je l'observe chaque jour.

Un autre phénomène étonnant, c'est celui-ci dont je relatais les aventures dernièrement :




Mon père, lui aussi défiant les lois ordinaires de la vieillesse et de la maladie.

Au soleil sur son banc, avec Raoul, son kinésithérapeute attitré.

Une séance de massages, et des bavardages. Ils commentent ensemble les dernières parties de pelote de fin de semaine, les travaux agricoles et autres actualités dont ils ont la passion commune.

- Ez ziak gauz haundik egiten, baino on egiten ziak !

Il ne me fait pas grand chose, mais ça me fait du bien...
Bon, très bien !

Pour compléter mon article précédent, je dois revisiter l'état d'esprit dans lequel j'étais au moment où je pensais accompagner cet homme, mon père, dans ses derniers jours... il y a bientôt trois années de cela !

Ma mère est morte en déclinant régulièrement au long de longues années de maladie. 
Sa fin s'est inscrite sans surprise au bout d'un parcours inexorable.

Quand mon père à son tour a connu les tourments de la vieillesse, quand ces tourments sont devenus âpres et tenaces, je me suis mis en tête qu'il entamait à son tour la dernière danse.
Je n'ai pas eu cette idée sur ma seule perception des choses et de son état. Les médecins consultés, et, au gré des débâcles de ce vieil organisme, ils étaient nombreux et variés, en styles et spécialités, ne me donnaient pas d'autres perspectives, bien au contraire.

Une nuit d'hiver, particulièrement, l'un deux me représenta la fin comme imminente. Il m'appela autour des minuits, m'enjoignant de mettre mon père dans l'ambulance qu'il m'envoyait immédiatement.
Je ne sais quel résultat de quelle analyse était calamiteux, un taux de potassium, je crois, et il fallait intervenir au plus vite.
L'homme n'avait relevé cette alerte que très tardivement, et sa voix trahissait une urgence que son service n'avait pas détecté dans l'après-midi, quand nous y étions.
Bref, il fallait faire vite.

Nous étions au soir d'une journée très éprouvante, étirée chaotiquement à l'issue d'une nuit blanche de veille constante, de souffrances sans répit. Les jours précédents n'avaient pas été  beaucoup plus fastes.
Pour la première fois depuis une bonne semaine, mon père dormait paisiblement, sans gémir. Son souffle était régulier, et son visage presque reposé.
J'envisageais moi même très égoïstement, de pouvoir dormir, enfin.

Cet appel faisait voler en éclat la paix de la vieille ferme paisible, comme elle ne l'avait pas été depuis trop longtemps.
L'homme parlait à mon oreille, et je regardais l'ombre de la lampe de chevet allumée près du lit où mon père dormait.
Les chiens roulés en boule sur le tapis relevaient la tête, ne bougeaient pas pour autant.

Je décidai de laisser cette voix, ces paroles, cette alarme, hors de cette paix retrouvée.
Je refusai l'ambulance, expliquai à mon interlocuteur que mon père dormait paisiblement, comme je ne l'avais pas vu dormir depuis des semaines.

- Il risque une attaque cardiaque. Vous ne vous rendez pas compte !

Si, si, je me rendais compte. Tous ces derniers mois, je m'étais rendue compte, et avais cru plus d'une fois l'heure du trépas arrivée pour mon père.
Je l'avais vu se tordre sous la douleur, se débattre contre des hallucinations atroces, comme un ver coupé en deux se contorsionne en effroi.

J'avais difficilement supporté le discours de médecins me disant que c'étaient des effets des antalgiques puissants, qu'il fallait en passer par là, en essayer d'autres encore.
Mon père était perdu entre douleur et désarroi. Il ne demandait qu'une chose, que tout cela cesse. Il voulait trouver le repos, la paix. Et mourir devait lui semblait léger en comparaison de souffrir comme une bête crucifiée.

Par la suite, quand il racontait sa maladie et cette période, il disait n'avoir jamais perdu courage. Comme je le racontais la dernière fois, le jour où, en réanimation, ce fameux jour où on me demanda s'il "savait lacer ses souliers", je lui dis la gravité de son état, il parût ne pas y croire.
Pourtant, il me demanda à plusieurs reprises, quand la douleur le laissait effaré :

- Hola segitu behar ote diet ?

Devrai-je continuer comme ça ?

Et, quand cette chienne lui laissait un répit, quand pour quelques heures il avait moins mal, il pouvait souffler un peu, et s'étonnait presque :

- Boh ! hola baldin bada, gozo, gozo, ez dun gaizki...

Boh, si c'est comme ça, tout tranquille, ça n'est pas mal...

Et il parlait de la mort, sans oser la nommer, j'en suis sûre.

Alors oui, cette nuit là, j'étais prête à cesser le combat, prête à décider d'arrêter là. Pour mon père, pour l'avoir trop vu souffrir et ne pas vouloir interrompre ce repos enfin gagné comme une rive lointaine. Au prix de sa mort peut-être.
Parce-que j'étais alors persuadée que c'était la meilleure chose pour lui.

Après une conversation intense avec ce médecin, nous décidâmes d'un terme moyen, comme on négocie une affaire commerciale. On me ferait passer des comprimés de ce fameux potassium, oui, c'était bien ça, dont il manquait périlleusement, et je les lui ferais avaler.

Ainsi fût fait. Même si j'attendis qu'il se réveille pour lui faire prendre les fameux comprimés, tant son sommeil me paraissait plus précieux et vital que tous les potassiums de la terre à ce moment là.

Cet épisode-ci était antérieur de quelques mois à celui de la réanimation et des lacets de souliers.

Plus tôt encore,  quand mon père fut hospitalisé pour la première fois,  j'entrepris quelques travaux à la ferme. Il s'agissait d'aménager une chambre de malade confortable, dans la vieille bâtisse vétuste et malcommode.
Je sortais de plusieurs années de soins prodigués à ma mère, dans une installation prévue pour une malade comme le serait le sommet de la Rhune pour y étaler  l'aéroport de Fontarrabie.

Mes parents étaient, et mon père l'est toujours, très attachés à la sauvegarde de la ferme, en l'état. Ils n'aimaient pas les changements, et se trouvaient très bien de leur logement, aussi délabré soit-il.
Je me souviens bien des négociations avec ma mère pour le changement du poêle à bois. 
Elle était frileuse pourtant, et son immobilité forcée la rendait vulnérable au froid et à l'humidité.
Notre vieux poêle rendait l'âme, bien trop petit pour la surface à chauffer, avec ses  plaques de fonte ébréchées.
Elle fit de la résistance autant qu'elle le put ! 
Le jour où le chauffagiste intronisa l'imposant appareil dans la cuisine, elle bouda du matin au soir. Le fait est, celui-ci était peut-être un peu surdimensionné... Comme le dit le professionnel quand je m'étonnais du montant élevé de la facture, c'est sûr, tu payes, mais au moins tu es tranquille... C'est sûr...
Un bâti massif et sombre, une ouverture impressionnante. On voyait tout de suite qu'il ne faudrait pas lui en promettre, à celui-là !
Il chauffait, en effet, bien plus que son prédécesseur minuscule. Toutes les boiseries de la ferme s'en trouvèrent saisies, recrachant les mites par toutes leurs pores, et se fendant de long en large sur le coup de cette chaleur inusitée jusqu'alors.
Mais bon, à raison de quelques remorques de bois par hiver, nous avons maintenant bien chaud dans toute la ferme.

Pour en revenir à mon père, les travaux envisagés furent menés vite et bien, par une équipe fort sympathique et motivée à souhait. Nous partagions les repas, histoire de ne pas perdre de temps, mes frères donnaient la main. Tout ce petit monde travaillait tous les jours du matin à tard le soir, dimanches compris.

- Bah ! disaient une ou autre mauvaise langue, tous ces frais pour rien ! Il n'en profitera sûrement pas !

Mon père dépérissait, loin d'Agorreta. Il voulait rentrer, pour mourir "à la maison". 
Le temps pressait, croyait-on alors, et, en à peine plus d'un mois, l'essentiel fut bouclé.
Un ou autre pan de mur tomba sans qu'on l'ait prévu, il fallut rattraper ça en catastrophe.
La ferme est une vieille femme, je vous l'ai dit déjà. Elle n'aime pas qu'on la bouscule et manifeste son mécontentement, en boudant, elle aussi

Nous parâmes au plus pressé, comme souvent ici. Et laissâmes le reste pour plus tard, sans grand souci de perfectionnement.
Réintégrer mon père dans ses murs me paraissait plus urgent qu'assurer une cohérence décorative à son habitat.
Il serait bien installé, dans sa chambre aménagée, et la cuisine disloquée entre un pan de mur refait (par force !) et le reste d'origine, ne le gênerait pas.

C'était bizarre, cette impression de lutter contre le temps. Cette course entre la survie d'un vieil homme très malade, et l'aménagement à terminer pour lui permettre de rentrer mourir chez lui, d'après nous.
Nous ne pouvions décemment pas l'accueillir, en plein hiver, dans un amoncellement de gravats et de plâtre, n'est-ce pas ?

Nous œuvrâmes tous tant et si bien, faisant fi des remarques acerbes, que mon père revint à la ferme, accueilli  comme un fils prodigue que l'on espérait plus.

Et aujourd'hui, près de trois ans plus tard, il y est toujours.  Il s'est spectaculairement rétabli. Il profite de chaque jour de sa vie, sans douleur, avec intérêt, et gratitude.

J'essaie d'apprendre de lui cette "considération" de la vie, dans le sens de la reconnaissance de son importance, aussi ordinaire et banale soit-elle. 
Je crois être en capacité, après ces épreuves traversées à ses côtés, de me montrer moi aussi pleine de gratitude envers le sort. De mettre dans chaque instant l'estime d'un temps offert, qui aurait pu ne pas être.
Mon père sait bien qu'il est vieux. 
Et nous savons tous que nous mourrons, un jour.

En attendant, cet homme a su trouver la force et le détachement suffisants pour se laisser oublier par toutes les douleurs et les souffrances qui avaient enfoncé leurs griffes dans sa chair.
Il s'est fait humble, mais pas soumis. Il regarde en face sa vie, ne joue pas à l'effronté en narguant la mort, et la drape pudiquement en sort. 

Il sait le plaisir de vivre et ne le boude pas. 

Comme pour ma courgette du grenier, le temps de la souffrance s'est arrêté, pour lui aussi.
Et nous vivons ensemble, ce répit, en marge de la marche ordinaire.


A bientôt, amis suiveurs de ce "bloc".
J'ai été un peu longue. La pluie drue m'a retenue ici. Là, je revois le soleil. Je sors.

A une prochaine fois, et portez-vous bien !





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