lundi 4 mars 2019

4 mars 2019



Lundi 4 mars 2019 10h34




Lundi 4 mars 2019


J'entame maintenant un travail de plus longue haleine.
Je vais rapprocher mon métier de pépiniériste à la Jardinerie Lafitte de Bayonne, et la ferme Agorreta. Unir ces deux volets essentiels de ma vie.
La jardinerie Lafitte fêtera ce printemps ses trente années.
Plus loin dans le temps, les Pépinières Lafitte, ont près de 90 ans de métier.
Germain Lafitte, le fondateur de l'entreprise, paysan de Mendionde, a initié sa carrière par la culture du châtaignier, au début des années 1930. Son travail a essentiellement consisté à croiser les variétés de châtaigniers basques, avec les japonaises, pour améliorer la résistance de celles du cru, trop sensibles au chancre et à l'encre.
Les premières châtaignes japonaises arrivèrent au Pays Basque en 1909, importées par deux missionnaires basques.





Avec le texte  inscrit sur les caisses version intégrale japonaise. Je ne peux malheureusement pas le traduire !





J'ai dans l'idée d'adapter le livret de Germain Lafitte, édité en 1946.










Puis, d'en faire une traduction libre en Basque, notre langue natale et partagée.
L'adaptation française s'intitulera "La Châtaigne de Germain Lafitte".
La traduction fidèle mais non littérale sera : "Lekorneko gastaña".
Lekorne étant le nom basque de Mendionde.




Après en avoir parlé avec la famille Lafitte contemporaine, je veux aussi retracer l'histoire d'un basque passionné, et visionnaire. Un homme travaillant pour l'avenir lointain, un homme œuvrant à la conservation d'une essence de son pays. Un homme attaché à sa culture, à sa terre, et à ses arbres. Un homme que j'aurais aimé connaître. 
Il nous a laissé ce livret, où il transmet une connaissance acquise sur des décennies d'un travail méticuleux et obstiné.
Il nous a laissé ses arbres, et la perpétuation d'une culture au plus près de la nature et de ses aléas.

Je ne pouvais qu'être interpellée par une telle trajectoire. 
Je suis certaine qu'elle en intéressera d'autres. Je suis fière de participer, même modestement,  à la continuation de son œuvre.

Je retranscris ici mes écrits du printemps 2017.





Mon projet pour Agorreta est celui-là.

Faire de la vieille ferme un endroit où la vie redevient saine et simple.

Partager le fruit des connaissances, des observations, d'une histoire et d'un passé riche et long.



Comme on partage des graines et des plants, des recettes et des bonnes adresses.



Ce projet, je l'imagine partagé.

Avec la commune d'Hendaye, déjà, nous avons uni nos forces pour réaliser ce chantier d'aplanissement, de nivellement, de ces terres accidentées.

Nous pourrions continuer dans cette belle voie.



Agorreta dans le temps, c'était pentu, saccadé.

Cette "abrupteté",  cette rudesse originelle, mon frérot l'aîné travaille à l'aplanir, à la rendre plus douce.

Ce sera plus facile de travailler sur des terres larges et ouvertes.



Agorreta, à l'origine, c'était aussi des bois, de grands arbres serrés les uns contre les autres pour se protéger, ensemble et chacun.

Mes grands-parents et parents ont tout défriché, à la main, pour cultiver. A ce moment là, ils en avaient besoin.

Aujourd'hui, il est temps de rendre au paysage ses essences.



J'ai dans l'idée de retrouver ces grands arbres, de reboiser.

Je suis là dans le cœur de mon métier : planter des arbres.

Je vois bien ici des châtaigniers, des noyers, des cerisiers et des pruniers. Quelques néfliers, ces "mispira" presque perdus, mais pas tout à fait. Je vois bien des frênes, des chênes, que je ne pourrais qu'imaginer séculaires. D'autres viendront marcher sous leur ombrage, et cette seule idée m'encourage.

Je vois aussi dans le creux d'Arkatzetako zokua, le trou des acacias, un étang, entouré d'acacias, justement. Un large banc en demi-rond où venir reposer ses fatigues, en regardant la nage lente des carpes dolentes.



Je vois des petits potagers partagés, où les uns et les autres se retrouvent dans le calme, reviennent à la terre comme on reprend racine.

Là aussi, je suis dans mon cœur de métier. Qui mieux que ceux d'Agorreta connaissent la terre d'Agorreta ? Qui mieux que ceux-là sauront où planter quoi ? Laisser à la terre remuée le temps de se fonder. Revenir à ces endroits où telle plante pousse au mieux et éviter de forcer la nature.



Je vois des gens perdus dans le béton revenir à eux, retrouver les odeurs chaudes d'une petite étable traditionnelle, caresser comme je le fais le flanc d'une vache placide et apaisante.



Voyez, je vois ces choses, et cette vision m'emplit de bien-être.

Ce bien-être à partager. Comme on partage généreusement une connaissance, la mettant en lumière.

Pas une connaissance donnée en pâtée en libre-service. Ca, Internet s'en charge bien mieux que moi !

Non, une connaissance distillée avec parcimonie et justesse, livrée comme on sort une paire de draps brodés d'une vieille armoire, pour en faire caresser le fil.

Le profane autorisé à entrer à l'ombre du temple, avec respect.



Les connaissances jalousement gardées ne servent à personne : ni à ceux qu'elles ne visiteront jamais, et surtout pas à ceux qui les couvent inutilement comme ma poule glousse couve les œufs clairets.



J'ai observé, longtemps. J'ai appris, un peu.

Je veux maintenant essaimer ce que j'ai retenu de bon, comme je donne des graines anciennes pour qu'elles aillent largement pousser ailleurs.

Ces graines capables de redonner du plant qui lui-même donnera de la graine.

Bien loin des sophistications hybridées des semences productives, certes, mais stériles.



L'homme s'est un peu perdu, emballé.



Il est grand temps de revenir à l'équilibre et à l'harmonie.

Mon modeste projet n'est qu'un tout petit caillou dans l'édifice à bâtir.

Il est à ma portée, je crois.

Je l'espère.

Je vous le livre lui aussi en partage, pour mieux le porter, ensemble.





C'était il y a deux ans, et j'ignorais alors l'existence du livret de GermainLafitte.
J'ignorais aussi qu'à ma façon, je mettrai mes pas dans les siens.

Comme quoi, il y a bien dans nos vies une trajectoire cohérente dont nous égarons parfois la vision, sans en perdre jamais tout à fait  le sens.


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