mercredi 20 mai 2015

OPERATION GAMBETTA



Amis des Nouvelles d'Agorreta, bonjour !


Agorreta et Gambetta, on se demande où on va ?

Vous le savez, je n'ai pas le souci de la logique et du suivi en ces pages.
Les grands écarts et les pirouettes ne me dérangent pas, et j'en suis coutumière.

Si je vous parle de Gambetta, aujourd'hui, c'est que j'y étais, lundi.
La belle affaire, me direz-vous ! Madame a été faire les boutiques, sans doute ? Histoire de prendre l'air et de faire sonner le tiroir-caisse en dehors de son monastique Agorreta ?

Remarquez, en soi, ce serait déjà un petit événement pour moi, ça...
Mais non, non, non, pas du tout, vous n'y êtes pas.

Je me suis rendue à Saint-Jean-de-Luz, avenue Gambetta, lundi dernier, en mission. Mission extraordinaire, opération extérieure d'exception, affaire singulière et particulière.

Mon petit quotidien ordinaire demande quelques divertissements de ce genre.
La jardinerie Lafitte me les offre. 

Je vous raconte :

Vous connaissez sans doute l'avenue Gambetta, à Saint-Jean-de-Luz. Si vous ne la connaissez pas, sachez que c'est une avenue piétonne de centre-ville, douillettement lovée entre deux rangées d'immeubles hauts, suffisamment large cependant pour y faire entrer le soleil et la belle lumière de mai. Quand mai ressemble à mai...
De part et d'autre de cette trouée pavée, des commerces se côtoient, petites vitrines colorées serrées les unes contre les autres, avec un petit air d'échoppes médiévales.
Je ne suis pas très amatrice, aussi, je ne me suis pas attardée à étudier l'offre présentée là, comme je l'aurais pu.
Une ambiance agréable, du mouvement, de la couleur, des odeurs de confiserie et des éclats de breloques multicolores.
Une jolie population se déversait là, flânant nonchalamment, des gens ballottés d'une devanture à l'autre,  en un mouvement pendulaire, ou d'autres, arpentant le pavé d'un air décidé,  louvoyant, un peu agacés, entre les méandres  lents des premiers.

Lundi, mai n'était pas trop mal. Un peu vif en température, mais bon, ça allait.

J'étais, avec trois de mes collègues, en mission commandée.
Nous devions livrer de la marchandise chez un client. Jusque-là, rien que de très ordinaire.

Tout de même, la rue Gambetta, déjà, en soi, c'est un petit écueil pour le livreur de gros colis.
La rue est piétonne. Les fourgons, camions et autres véhicules communs de transport n'y sont pas bienvenus.
Nous livrons généralement des plantes, souvent, de belles plantes, grandes et larges, des pots, à l'avenant, et du terreau, conditionné en sacs, plutôt lourds.

Pour le client de ce lundi, une petite difficulté s'ajoutait au contexte : la terrasse à aménager s'étalait sous le large ciel, au quatrième étage. 
L'immeuble rénové ne prévoyait pas  trop ce genre de livraisons. Un ascenseur très coquet, certes, mais bien étroit.
L'escalier, oui, il y avait bien un escalier...
Nous devions acheminer là haut, l'équivalent d'un gros camion de marchandise.
Evidemment, ç'aurait été possible, et faisable, avec de bons bras et beaucoup de bonne volonté.
Malaisé, tout de même.




Notre beau camion Lafitte stationné rue Gambetta, paraissait incongru. Il venait en direct de la belle pépinière à Mendionde, pays champêtre et verdoyant, largement ouvert au plein ciel basque.  Cet environnement urbain nous le rendait tout penaud.
Il tâchait de se faire  petit, mais y arrivait mal. Sobre et digne comme un animal des savanes encagé, il ramassait au plus près ses autours.
Notre fourgon de livraison stationné derrière est plus accoutumé de ces parages.

- T'en fais pas, murmurait-il à son grand frère empêtré, ça va aller ! Regarde ces gens, ils te saluent, ils sont gentils...

A la Jardinerie, nous ne manquons pas d'ambition. Les sollicitations clientèle nous paraissent de petits et grands défis. L'occasion de nous surpasser.
Là, pourtant, malgré notre détermination à mener les ventes les plus audacieuses à bien, nous avions du organiser des renforts. Et des renforts de qualité, s'il vous plaît ! Jugez par vous-mêmes :





Bel engin, n'est-ce pas ?

Oui, je sais, vous me direz, une grue, ça n'est pas bien extraordinaire.
C'est  vrai. Dans ces quartiers de Saint-Jean-De -Luz, il y en a d'ailleurs à tous les coins de rue.
Des grandes, des longues, des plus ou moins hautes, lourdes ou légères. Un vrai ballet d'acier entrelacé en plein ciel.

C'était la première opération de ce genre pour l'équipe de la jardinerie.
Alors, nous ne boudions pas notre plaisir d'être de ce petit événement.
L'équipe municipale avait délivré les autorisations nécessaires, notre opération était on ne peut plus encadrée.

Une petite crispation nous pinçait tout de même les entrailles, une petite fébrilité, devant cette puissante machine au service de notre modeste entreprise.

La filiale de chez Lafitte spécialisée dans les grands ouvrages est évidemment habituée à cette logistique.
Nous, non. Cette opération était exceptionnelle, je vous l'ai dit, une première.




La présence de cette grosse machine au plein milieu de l'avenue piétonne, faisait sensation.
Les passants curieux s'approchaient, se demandant ce qui se passait.
Ils tordaient le cou, en direction de la flèche, et nous avions du mal à les contenir hors du périmètre de sécurité.

Une attraction, autour de nous, une atmosphère de spectacle de cirque.


La bête déployait ses membres pour assurer sa position. Les vérins puissants démultipliaient l'envergure de la machine, dinosaure des temps moderne.

Le grutier, lui aussi plus aguerri aux environnements de chantiers en dehors des cœurs de ville habités, s'amusait un peu de cette nouveauté.

Concentré à la manœuvre dans sa cabine-bulle, yeux levés aux cieux, il exécuta magistralement sa partie.

J'eus une pensée émue pour ses cervicales tellement mises à contribution. Moi, le simple fait de suivre les palettes en l'air durant leur ascension, me donnait déjà presque le tournis. Sans doute les oreilles de cet homme sont-elles en meilleur état que les miennes...







Histoire de varier les plaisirs, j'essayai un autre poste de travail, en me transportant sur les hauteurs.

De là haut, c'était carrément vertigineux.
Pas bien meilleur que le tournis du vu d'en bas, finalement...

Nos badauds, sereinement attablés en terrasse, ne paraissaient nullement inquiétés par la manœuvre pourtant périlleuse.

Pourquoi le serions-nous, nous ?



Sanglée en "berceau", la marchandise s'élevait lentement, balançant à peine, dûment arrimée au crochet en bout des chaînes.

Le mouvement était lent, régulier, solennel.

Je retenais un peu ma respiration, imaginant le poids sur les sangles d'à peine vingt centimètres de large.

Le grutier m'avait parlé de quelques accidents, palettes défoncées et autres.

Au fur et à mesure de l'élévation, le risque paraissait moindre, alors qu'en réalité le danger s'accroissait d'autant.

La machine œuvrait,  impassible.








La palette arrivait au sommet, près de vingt mètres plus haut.

Le grutier ajustait l'inclinaison, et déposait délicatement sa charge, à bon port.

Nous intervenions seulement pour dessangler en haut, et remettre les sangles à la palette sur le départ.

Destination lune, ou presque...




















Un chêne vert, cultivé dans les bonnes terres de Mendionde, suspendu au dessus des toits de Saint-Jean-de Luz.




















Un olivier dans les nuages...


























Toutes ces montées-descentes évitées !

Grâces soient rendues au modernisme, à la puissance et à la gloire de la machinerie bien utilisée par l'homme  !


Les palettes montaient, les unes après les autres, tout se passait au mieux.

Nous étions pris par le temps, nous ne pouvions pas perturber plus longtemps la marche ordinaire de l'activité commerciale de la rue Gambetta.

Notre petite attraction sympathique devait rester limitée sous peine de le devenir beaucoup moins.






Ca ressemblait à un joli fatras, là-haut...

Le client contemplait un peu perplexe cet amoncellement désordonné sur sa belle terrasse.

Nous lui avions promis un petit paradis entre terre et ciel, il avait devant lui un joli bazar !










Bah, une pleine journée de rempotage plus tard, et nous nous faisions forts de transformer la citrouille en carrosse.

Vous voyez tous ces petits sacs de terreaux joliment empilés ?

Imaginez la peine pour les monter un par un au quatrième, sans ascenseur digne de ce nom !

Figurez-vous que, bêtement, j'ai un peu surévalué la quantité de sacs nécessaires.

Mes deux jeunes collègues ont réalisé prestement les rempotages, hier.
Le résultat est magnifique, paraît-il. Je n'y suis pas retournée encore. Mais il reste, oh, pas grand chose... une soixantaine de ces sacs à redescendre, à la main, maintenant !

Quel ennui ! Quand cette opération, la première en son genre, pour nous, se déroulait magnifiquement...

Que voulez-vous,  nous ne pouvons pas non plus nous éviter toutes les peines, en ce bas monde !
Du moins, c'est ce que je vais essayer de faire entendre ces prochains jours, histoire d'atténuer ma bévue.

Je vous laisse ici, et, si j'en ai l'occasion, je vous montrerai bientôt cette belle terrasse bien finie.






Les voici, en différé...


Que notre client en profite et soit remercié de nous avoir donné cette chance de sortir un peu de nos ordinaires.

Nous nous émerveillons de peu, à la jardinerie, un peu comme ici, à Agorreta.

C'est bien pour ça que je suis si bien, à mon travail, comme à la maison !

A bientôt, et prenez l'air, vous aussi, où que vous soyez.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire