lundi 11 mai 2015

HUMEUR MAUSSADE




Bonjour à vous tous, et bienvenus dans les Nouvelles d'Agorreta !

Le temps de ce matin est l'exacte illustration de mon billet du jour :







GRIS, MAUSSADE, VOILE DE TRISTESSE.





Je fais tourner l’œil,  rien ne vient égayer cette morosité ambiante.

La grisaille diffuse uniformément, le silence, apaisant tout de même.














Seule note un peu tonique, le champ de foin de Cousinou, parfaitement propre.
Comme prévu, il a rentré ses balles hier, à la grande chaleur.

Ce matin, les vaches ont investi un nouveau pré carré d'herbe fraîche et haute.
Ce côté-ci de la clôture, elle l'ont ramené au collet.
La prairie va avoir besoin d'un temps de repos pour refaire de la pousse.
C'est qu'elles broutent fort, ces grosses blondasses !

Cette seule vue ne suffira pas à me sortir de mon marasme du jour.

Je connais cet état, je l'ai expérimenté déjà.
Je suis généralement peu encline à la morosité. Je cultive mieux la gaieté. Je suis d'ailleurs plus dans la douce nostalgie que dans la tristesse profonde.
J'aime bien ce mot, d'ailleurs, nostalgie. Pas tellement dans le sens de regret de ce qui n'est plus.  Plutôt de douceur triste, de mélancolie, tiens, voilà le mot juste, oui, mélancolie.

On l'utilise peu, ce "mélancolie". Pourtant, je lui trouve le confort d'un vêtement parfaitement ajusté. C'est joli à dire, d'abord, "mélancolie", et c'est amical à entendre. Quand "triste", "morose", ou carrément "dépressif" ! ça vous envoie au fond du seau...
Mélancolie repose, mélancolie est plein de compassion. Il s'y mêle une pointe de "langueur-languide", pour amener la touche désabusée. Mais ça reste léger, pas insurmontable.

La mélancolie, cette sensation diffuse, douce, cette tristesse pas encore définitive, peut se prendre comme amie, sans risque d'y laisser son ressort.
Ma mélancolie est passagère. Du moins l'a-t-elle toujours été jusqu'ici.

Si je ne devais pas quitter cet habit, un jour, si ce voile se faisait gangue, de plus en plus lourde et épaisse, alors, je m'inquiéterais.
Pour le moment, j’accueille cet état sans alarme. Je goûte même cette petite torpeur reposante, entre deux phases plus nerveuses.
J'en ai besoin. Elle me fait du bien.

Cette matinée grise d'aujourd'hui, après le fort soleil d'hier, cette douceur de l'air après l'écrasante chaleur, la légèreté après la force brutale, c'est une mélancolie, aussi. Une étape de repos, indispensable et salutaire.
Mettre ces sensations en mots me les familiarise, elles me deviennent mieux accessibles, et je me comprends bien, quand je me raconte. A défaut de bien me faire comprendre...

Il y a quelque temps, j'évoquais dans ce "bloc" cette tension trop continue que je m'imposais. Je parlais de mon père, de cette "veille" qui troublait mon repos. Et je disais que d'être trop vigilante à un moment où je pouvais l'être moins, puisque son état de santé est bien moins alarmant maintenant, ruinerait ma capacité à l'être suffisamment, si le besoin s'en fait sentir encore, comme il l'a fait par le passé.
Cette réflexion, je l'avais en tête, évidemment. Mais ce n'est que quand je l'ai transcrite en mots, que je me suis libérée de ce poids inutile. Et mes nuits sont redevenues des plages de bon repos sainement réparateur. 

D'avoir écrit ces quelques mots, de les avoir "lus et approuvés", m'a considérablement allégée.
Le "dire" est déjà un soulagement. Particulièrement le "dire" à la bonne personne !
Mais, en ce moment, je n'ai pas de communication précise à faire à l'un ou l'autre de mes proches ou connaissances.
J'ai le sentiment de les avoir faites, ces communications. Je m'attache à les faire en temps et heures, même si parfois le temps de dire est distant du temps de penser. L'atermoiement est parfois nécessaire...

Par contre, je sais qu'il me reste beaucoup de choses à découvrir, sur moi et les autres. Et je suis curieuse de ces découvertes là.
L'écriture introspective m'éclaire. Je ne crois pas devenir une égocentrique-narcissique. J’espère, du moins, ne pas le devenir...

J'ai à peine fini de tracer ces mots, et je me rends compte déjà de leur stupidité. Ecrire sur soi ou les autres, les autres n'étant que le miroir dans lequel on se cherche, qu'est-ce d'autre que de l'égocentrisme ?
Quand on écrit, sur soi, les autres ou sur tout autre chose, que cherche-t-on d'autre que soi, encore et toujours soi ? Directement, par l'intermédiaire d'un autre, ou encore par sa perception du monde, révélée par son regard sur ce monde ?
Décidément, je suis une insondable égoïste. Je recherche l'attention et les regards sur moi. Je propose des écrits, pour récolter cette attention et ces regards.
Je dis ne pas rechercher la compagnie, l'approbation de mes semblables. Et je ne fais que ça !
J'aime prétendre que je me suis affranchie des jugements extérieurs. Que ma structure propre me suffit à me tenir debout.
Alors, pourquoi étaler ainsi ma petite personne, examiner les morceaux et chercher à construire un personnage sur papier ?
Je parle d'écrire, parce-que c'est ce que je fais. Mais, dans la même veine, je mets évidemment, parler, plus largement communiquer, en gros livrer ses pensées, d'une façon ou d'une autre.
Libérer ces petits chevaux qui nous trottent dans la tête, comme je l'ai dit plus haut.

Vous le voyez, j'ai mes périodes mises en doute, comme tout le monde. Et ma traversée est hésitante, parfois. Comme aujourd'hui...

Cependant, cette percée glauque n'engouffre pas totalement mon plaisir d'être.
Si j'admets être discutable dans mes justifications, je crois en ma sincérité. Et, pusillanime,  je ne me flagelle pas au delà du raisonnable.
Ayant moi-même, avant qu'on ne me les jette à la figure, ramassé les épluchures moisies de mes petits travaux, je continue mes petits ménages intérieurs.

Considérer mes états d'âme comme des sujets d'écriture est un bon moyen de les décrypter, ou du moins de tenter de le faire.
Même si on est bien plus clairvoyant pour les autres que pour soi !
Je ne suis pas pressée, ni soucieuse d'efficacité dans ce domaine. Ce que je suis capable de comprendre, j'en utilise l'explication au mieux. Ce qui reste obscur, je le garde pour après, par force !
Les choses se décantent à leur rythme, suivant les circonstances. Je ne m'exacerbe pas à fouailler dans la confusion. J'examine, en bonne foi, et observe ce qui remonte au jour. Je devine bien des scories amalgamées en amas opaques, mais je n'essaie pas d'aller gratter au delà, où ça ne  démange pas.
Je vis très bien aussi dans l'ignorance. Savoir et comprendre ne sont pas nécessités universelles, loin de là !
La réalité gagne parfois à être estompée. Comme les contours des montagnes, ce matin.
La ligne pure et ciselée de l'horizon est d'une netteté excessive, par moments.
Les élans les plus sincères, les forces les plus vives, se limitent à la réserve d'énergie disponible. Rien ne dure longtemps sans s'éroder, un peu. Ou beaucoup...

On y croit, on se lance, on s'essouffle. 
On baisse les bras ? Et pourquoi pas ! 

Jean-Michel de la jardinerie m'a fait lire un adage de Saint-Augustin.
Je ne l'ai pas connu, cet Augustin là. Je n'ai d'ailleurs pas retenu littéralement ses phrases.
Dans l'idée, ça disait qu'à force de tout voir, on finissait par tout comprendre, tolérer, accepter, admettre, et, pour finir, approuver.  Je ne suis pas sûre non plus de l'ordre, qui avait pourtant son importance. 
Un genre de l'inéluctable fatigue de toute révolte, et l'impossibilité de sauvegarder la pureté originelle.
La confrontation perpétuelle éroderait à plus ou moins long terme fatalement notre capacité de jugement.
Dans ces conditions, les combats les plus légitimes seraient voués à l'échec, les luttes menées au nom des causes les plus justes, perdues d'avance.
Nous finirions par abdiquer, nos réactions s'émousseraient. Notre regard sur le monde virerait à l'électro-encéphalogramme plat, mort, sans plus aucun sursaut.

Ma foi, ce Saint-Augustin, avait lui aussi ses périodes mélancoliques ! Tout cet enchaînement n'éclate pas d'optimisme...
Je reste modestement persuadée que nous sommes capables de mobiliser un minimum d'énergie, en cas de besoin. Mais que cette capacité a ses limites, et son champ d'action.
Pour certains, et par moments, cette limite est basse et ce champ bien étroit.
Moi, aujourd'hui, ma limite est au ras du sol, et mon champ aussi pelé que celui de Cousinou. 

J'applique dans ces occasions ma batterie de lutte anti-morosité. Que la mélancolie ne coule pas en gomme, comme sur ces plaies des vieux troncs de fruitiers.

Je me recentre, je ferme les écoutilles. Je me ressource, basée sur mes seuls essentiels.
.
Ma petite affection d'oreille m'y aide, d'ailleurs. Le sifflement plus ou moins assourdi dans ma tête entrave la perception acoustique du monde extérieur.
Je perçois par contre mieux les battements de mon sang dans ma gorge.  Ce rythme sourd obnubile mes pensées, guide leur dérive dans un sas étroit.
Je perçois ces pulsations comme l'activité d'un noyau dur en moi. Ce noyau de vie, la seule certitude et la seule nécessité.

Je m'isole dans cette sensation primaire, scandée des pulsions vitales.
Dans ces moments, je deviens indisponible aux autres et au monde. Je rentre en moi.

Je ne m'y trouve pas mal. Ressourcée, apaisée, je referai surface. Mon regard s’intéressera de nouveau à ce qui s'offre à lui.
Je m'acquitte en conscience du rôle imparti. Je n'ai pas l'élan pour aller au delà, là.

Ma mélancolie me rétrécit. Elle m'éloigne de vous. De tout.

Je ne suis pas inquiète. Je vous l'ai dit, ma mélancolie est passagère. Et ce retrait, bénéfique.

J'espère ne pas vous avoir ennuyés. On me préfère plus gaie, peut-être. 
Je le serai sans doute, bientôt, de nouveau.

Comme disent les espagnols : mañana, mejor !
Littéralement : demain, mieux !

Bah, quand aujourd'hui n'est pas si mal...

A bientôt, et portez-vous bien, de votre côté !












Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire