mercredi 29 juillet 2020

24 au 29 juillet



Vendredi 24 juillet 2020  7h







Le lever du soleil de ce matin est en contrastes fantastiques : de lourds nuages sombres masquent un soleil éclatant bien décidé à percer là derrière.
Toute une allégorie des forces du bien et du mal, de l'ombre et de la lumière qui s'emmêlent et s'entrelacent se joue dans le ciel théâtreux.
Un bien joli spectacle, quand, comme aujourd'hui, on en connait la fin, heureuse.

Je fais rentrer mes génisses. Elles attendent sagement dans l'étable du fond.
Je distribue les rations dans les mangeoires, ouvre la barrière.
Elles se présentent toujours dans le même ordre: Graziosita la première, puis Buru Haundi, Neska motz. Katto pelato, fidèle à elle même, ne se précipite jamais. Elle considère le mouvement pressé des autres, et s'avance la dernière, royale. Ces jours-ci, la fraîcheur des petits matins de rosée me la ramène chatoyante, d'une robe de velours soyeuse et bien brossée.
Je les flatte au passage, les frictionne vigoureusement, sous le col. Elles sont trop occupées à manger pour s'apercevoir de mes caresses. Rassasiées, elles allongent ensuite le cou, me posant leurs mufles lourds sur l'épaule.
J'aime ces moments de connivence avec mes bêtes. Ma relation à elles se construit jour après jour. Nous avons en principe de longues années devant nous.


Lundi 27 juillet 2020 19h

Nous revenons à peine d'une très longue promenade.
Nous sommes restés à l'ombre des arbres, sur les chemins ocellés. La poussière grise les fourrés. Les aubépines et les acacias jaunissent déjà. Il fait sec, et, dès que l'on s'éloigne des eaux vives, la nature montre des signes de souffrance. Elle recroqueville des feuilles, et les laisse tomber, si besoin.

Nous avons longé les bords d'Adour, où l'onde frissonne en oblique, par endroits, quand elle s'étale en surface plane comme le verre, près des berges.
Les ramures vert sombres et tendres se perdent en reflets mélangés sur l'eau à peine mouvante.
Nous avons contemplé, nous nous sommes imprégnés.
Nous sommes rentrés, alanguis et un peu fatigués.


Mardi 28 juillet 2020 21h

Un très joli moment, ce matin : burlesque et naïf.

Nathalie travaille tête basse sur son ordinateur. On n'aperçoit derrière l'écran que le haut de son crâne brun et pointu. 
A un moment, elle relève la tête : "j'entends la pluie ?"
Moi, évidemment, je n'entends rien !
Sophie répond que c'est la bouilloire.
Nathalie n'entend pas Sophie.
Tendant le cou vers la fenêtre, elle dit :
"Attends, je mets mes lunettes".
Et les chausse, en effet, pour "entendre" la pluie.

Tout est dans le tout, chez Lafitte, et l'espace, le temps, les sens, vont et viennent sans rime ni raison.
J'en souris encore...


Mercredi 29 juillet 2020 16h

Je descends dans le pré. Oréo mignotte les pousses d'herbettes, mâchouillant les épis des graminées à son goût. Les chiendents gluants, elle les écarte, dédaigneuse.
Cette biquette est jolie comme un cœur !






Katto Pelato et Neska Motz sont rentrées dans l'étable du fond.
Elles sentent peut-être la chaleur. Ou alors, l'herbe séchée du pré sevré d'eau ne les nourrit pas suffisamment. Elles savent trouver du bon foin dans leurs râteliers, ici.
Buru Haundi et Graziosita sont dans la combe, plus bas.
Buru Haundi est dans sa période de rut.
Aveuglée par ses hormones chamboulées, elle en oublie sa grosse gourmandise. Elle reste là, tournée vers l'est, le mufle au vent, sans trop savoir que faire.
Graziosita reste auprès d'elle, par solidarité. 
Quand je viens, elle s'élance quand-même, direction le râtelier garni, toutes !







La grosse noire finit par comprendre, et se hisse, lourde et indécise, encore.
A la rentrée dans l'étable sombre et fraîche, elle chahute Katto Pelato, grimpe sur elle, en simulacre d'accouplement. Je lui donne un bon coup de bâton. Elle retombe en arrière, heurtant durement la bennette attelée à Karrarro. Son postérieur gauche s'écorche un peu sur le rebord métallique.
Je frappe encore, elle se met à sa place.
Je l'attache. Elle se souvient enfin de la mangeoire devant elle, se met à manger.
Je me penche sur sa patte, pour voir si je dois la panser.
Non, l'éraflure se remarque à peine. Je vais juste vaporiser du désinfectant, pour que les mouches ne viennent pas y pondre leurs œufs.
Au moment où j'approche sous le ventre de ma grosse, un taon s'excite, et la pique.
Surprise et douloureuse, Buru Haundi s'écarte vivement. Elle me bouscule, et je me retrouve sous le ventre de la Graziosita. Celle-ci ne s'émeut pas, tourne la tête vers moi, et me tend un mufle bienveillant. Je me relève, sans mal, enfin, sans avoir pris mal, je veux dire !

Je considère ma grosse génisse d'un œil pour le coup beaucoup moins bienveillant, là !
Buru Haundi devient insupportable à chacune de ses chaleurs. Là, la température ambiante élevée la rend plus idiote encore.
Je regarde ses grosses cuisses musculeuses. Ma bête doit maintenant peser dans les 700 kgs vifs.
De la bonne viande de haute qualité, déjà.
L'idée m'en effleure, frissonnante. Puis, s'éloigne, piteuse de ma culpabilité réveillée à ces funestes projets.
Allez, allez, je me l'aime bien, ma Buru Haundi bêtasse. Deux jours tous les 21 ne me la feront pas suspendre à un crochet de boucher.

"Pardonnez-leur, disait le Christ en croix, car ils ne savent pas ce qu'ils font".
Elle non plus, ma grosse abrutie, elle ne sait pas ce qu'elle fait...

Et puis, en boucherie, ma Buru Haundi, aussi lourde soit-elle,  ne me paierait même pas le prix du traitement xylophage d'une seule des pannes familières de la charpente mitée d'Agorreta. Alors... alors, je vais la garder là. La contempler mangeant le bon foin parfumé, avec ses sœurs. La laisser m'offrir ce si joli moment de paix :








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