mardi 14 juillet 2020

du 9 au 13 juillet




jeudi 9 juillet 2020  6h40


Le soleil levant de ce matin est doux comme une pleine lune :






Vendredi 10 juillet 2020  20h40

BuruHaundi a mugi son désir d'amour toute la journée.
Cette grosse bête sans imagination chavire dans sa bonne grosse tête quand les hormones la gouvernent.

Aahhh... l'amour, l'amour qui tourne les têtes et enflamme les cœurs...



Dimanche 12 juillet 2020  6h à 6h40






9h

Le matin n'a pas tenu les promesses de l'aube : un violent orage crépite ses gouttes lourdes dans la cour. Un véritable ruisseau tumultueux sinue, s'élargit, chevauche et se perd dans l'herbe du pré. J'ai refermé toutes les fenêtres, allumé le plafonnier dans la cuisine.
Je vais tout à l'heure à Rivière. La jardinerie est fermée les dimanches d'été. Je garde l'alternance ente les deux départements. Je la calque maintenant sur mes lundis à la jardinerie, un sur deux. 
Mon planning a changé. Mon rythme travaillé un jour sur deux n'a pas survécu longtemps à mon père. Il en a été longtemps la justification, l'alibi parfois, quand son état amélioré aurait largement permis mon absence de la ferme.
Après le "j'ai ma mèèèère" pendant une décennie et demie, j'ai usé jusqu'à la trame le "j'ai mon pèèèère" chevroté en litanie.
L'argument était de poids pour qui, comme mon patron, porte inscrit dans ses gènes le culte du soin aux anciens.
L'affaire a duré, bien plus que prévu. Si tant est que ces choses là se puissent prévoir. Et je sais de quoi je parle !
Institué en 2012, à la première grosse alerte, dont nous avions tous pensé qu'elle serait la dernière, cette cadence à deux temps a perduré huit ans, autant que son initiateur, mon vénérable père, malade, ou pas. 
On ne pouvait décemment pas attendre de lui qu'il planifie ses rechutes, pour y faire coller mes cadences de travail. Alors, l'affaire était admise, tant que l'homme était là.
Il m'a pas mal duré, et fait bon usage.

Même pour sa fin, il m'a fidèlement servi.
Mon père a eu le bon goût de mourir en fin de période de confinement. Pile poil une semaine avant, histoire de laisser le temps pour les funérailles atypiques et un début de réorganisation.
Parce-qu'il a été aussi mon alibi pour rester confinée, deux pleins mois à la ferme, quand la plupart de mes collègues ont continué le travail.
Les semaines passant, je voyais arriver le moment où, cette fois encore, mon père m'aurait fait mentir, en se remettant, incroyablement.
J'aurais eu l'air fine, à me représenter, comme une fleur, après deux mois de villégiature agréable à la ferme. Mon père se portant de nouveau comme un charme.
Autant dire que mes collègues, harassés par ces huit semaines infernales, dans une jardinerie bondée de clients acharnés à occuper leur temps dans leur jardin, m'auraient fraîchement accueillie.
"Elle nous a encore fait le coup de son vieux père mourant" auraient-ils pu penser.
J'en aurais été toute piteuse. Mon auréole déjà écornée de bonne fifille méritante en aurait salement terni.

Mais non, mon père ne m'a pas rejoué ce tour là.
Très fair-play, il a tiré sa révérence, sans me faire porter le chapeau.
Je suis rentrée dans les rangs de la jardinerie, tête haute, nimbée du statut encore palpitant d'un deuil impeccable.
Mes autres collègues, absents pendant le confinement, tous les post cinquante ans, en gros, n'avaient pas ce bagage. Ils ont du sans amortissement essuyer les plâtres d'un courroux difficilement réprimé.
Ils ont fait le dos rond. Et moi, j'avais le cœur trop gros pour prêter attention à un ou autre grincheux suffisamment éreinté pour être tenté de m'égratigner aussi.

La saison a continué de battre son plein jusque tard en juin.
Libérée du souci de mon père, j'ai donné le meilleur de mes performances. Toutes ces années dans le métier me donnent l'avantage sur les troupes plus jeunes, et moins bien rodées à la manœuvre. Les fatigues d'un âge avancé se pallient bien d'une expérience avérée.

Je m'attendais à un réaménagement de mes conditions de travail. Mes collaborateurs ne bénéficient pas d'un jour de repos par jour travaillé ! Même si les onze heures d'affilée ne les tentent pas, même si les semaines en continu sans périodes de congé leur arrondit les yeux. Dans ces cas là, quand on examine les avantages de l'autre, on ne s'attarde pas trop sur les désagréments inhérents.
Mon statut privilégié allait prendre du plomb dans l'aile, je le sentais bien.

Inévitablement, à l'issu d'un entretien avec Jean-Michel, notre bien aimé directeur de la jardinerie, j'ai compris que j'avais mangé mon pain blanc, et qu'il me faudrait maintenant rentrer dans le rang.
A moins de faire empailler mon père, il ne pouvait plus me faire cet usage de paravent plus longtemps. Je ne lui en veux pas, allez... Il m'a fidèlement servi bien longtemps !

Sentant la débandade, j'ai préféré prendre les devants. La tactique se conforte elle aussi d'un peu d'âge savant.
J'ai proposé ces deux petits lundis surnuméraires par mois.
Agréablement surpris de ma bonne volonté, étonné sans doute de me voir si conciliante, plus du tout acharnée à conserver mes avantages, mon patron a agréé ma demande. Soulagé de ne pas devoir m'arracher un consentement de haute lutte. Comme il s'y attendait peut-être, me connaissant...

A l'usage, ces journées allégées, ces départs au travail retardés d'une petite heure, ce temps de sieste rendu à la décence, m’exonèrent de regrets inutiles.
Allons de l'avant, apprécions le présent, et laissons le passé là derrière.

J'ai donc pris le parti de l'adaptation consentie.
Les lundis, je ne suis plus à la ferme. Je suis, soit à la jardinerie, soit à Rivière.
Restent les mercredis et vendredis, pour vaquer à mes occupations allégées.
Me sont crédités les débuts et fins de journées, quand je vais et viens, à, et de, la jardinerie.
Je m'y fais. J'ai perdu la souplesse physique de mes jeunes années, j'en ai perdu aussi les raideurs comportementales. Ça rééquilibre la balance.

Je vais de ce pas retrouver mon grand mari chez lui.
Savourer mon lundi au soleil comme une pêche juste mûrie.
Mardi est férié.
Je reviendrai à la ferme.


Lundi 13 juillet 2020  18h30


Retour de promenade champêtre :








Les bois de Rivière nous paraissent toujours aussi accueillants.
La brise s'y rafraîchit aux ramures larges des chênes plusieurs fois centenaires.
Nous marchons à l'ombre de ces silhouettes majestueuses aux fourches dessinées autour d'une histoire lente, au creux de laquelle s'abrite les nôtres.
Les berges du Grand Douy, ou Dieu sait comment ça s'écrit au juste, ces sentiers de halage, se longent entre arbres et plans d'eau dormante. Les nappes envasées, vertes et grises, immobiles, étalent leurs reflets dolents entre les rangées des fûts penchés sur elles.






La "jussy", cette œnothère invasive, jaunit tous ces paysages aqueux. Une variété d'euphorbe sauvage lui fait encore concurrence. Les nénuphars ont depuis longtemps cédé le terrain. La végétation de marais s'appauvrit. 
Il y aura sans doute une régulation naturelle à ce phénomène. Puisque l'homme paraît ici avoir lâché la bride : nous avons croisé une équipe de 5 hommes, cuissardes hautes et cagettes sous le bras, arrachant à la main les plants de jussy accrochés aux talus. Plus de deux heures plus tard, à notre retour, ils avaient dégagé une bande de trois mètres sur vingt centimètres ! Quand la marée jaune s'étend en mer sur des dizaines et des dizaines d'hectares...

Les parcelles de foins à perte de vue s'empoussièrent des gros tracteurs en pleine fanaison. Les aigrettes volent autour des faucheuses, à l'affût des mulots et campagnols sidérés sous les lames.
Ces parcelles là verront vite  paître les troupeaux de bétail revenus par ici.
Dans les parties trop humides, ces barthes où les lourds chevaux s'enfoncent, la sécheresse rendra peut-être la terre aux bêtes.







Dans le sous bois proche, mêlés aux ronciers anarchiques, des crocosmias flamboyants hissent leurs hampes grêles.

A peine plus loin, ces champignons orangés s'agglutinent.

Une nouvelle flore s'insinue dans l'ancienne. D'une graine jetée ou d'un spore égaré.
La nature se souvient. La nature ne perd pas de temps en regrets. La nature s'arrange de tant de choses..... pour aller de l'avant !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire