dimanche 1 mars 2020

2 mars



Lundi 2 Mars 2020  5h



Petit matin des nuits de veille.
Le vent souffle fort. Des éclairs fulgurants zèbrent le ciel à l'est.
Les murs épais de la vieille ferme en ont vu d'autres. Je m'y sens en sécurité. 
Ce vieil appartement rénové par mes soins pas très experts, mais pleins de bonne volonté, me plaît de plus en plus; je m'y sens vraiment bien.
Olivier arrive tout à l'heure, et, quand il est là, nous migrons à côté.
Ici, c'est ma tanière, pas très secrète, mais très bienfaisante.

Le paternel souffre maintenant d'une sale arthrose au genou. Il ne peut plus marcher. Il a commencé par troquer sa canne contre les béquilles. Puis, depuis hier, le déambulateur.
Le parcours inexorable d'une vieillesse implacable le rattrape. 
Chaque étape en est difficile. Et le but terrifiant.
Nous sommes repartis pour une danse, où j'essaie de l'accompagner dans sa lutte pour la survie, pour la reconquête d'une autonomie.
Nous partageons le combat. Comme si ce combat là se partageait.
C'est évidemment un leurre de croire que l'on peut amener quelqu'un jusqu'au bout, en partageant ses misères, en l'aidant de toutes ses forces à y échapper.
On n'y échappe pas. Et on y va seul. En voulant faire un brin de conduite trop long, on risque même de s'y laisser happer.

Je me félicite chaque jour de cette installation aménagée dans l'urgence, il y a près de neuf ans maintenant. Un bail. Neuf années où, lui et nous, avons connu le confort d'évoluer dans un environnement pratique et efficace.

Ma bourrique de mère en son temps refusait catégoriquement tous travaux d'amélioration.
Elle était dure, dure au mal, ne se plaignait de rien, et tenait à ne pas "coûter". L'argent était son credo… En manquer était son effroi. Au prix de plus de quinze ans de soins prodigués dans des conditions bien malcommodes !
Mon père a du céder à mon chantage honteux : à sa première hospitalisation, en 2012, je lui ai mis le marché en mains : 
tu es d'accord pour aménager une chambre de malade correcte, tu rentres à la ferme.
tu refuses, tu fais le parcours commun, hôpital, centre de convalescence, maison de retraite !

Le pauvre homme, affaibli par la maladie, a accepté, évidemment.
Il est des fois où il faut savoir forcer les assentiments, je le maintiens !

J'ai organisé une équipe de veille et de soins autour du paternel, en fin 2018.
Quand, à vouloir tout faire toute seule, j'ai failli un soir de crise envoyer ce pauvre homme au diable. Enfin, à Urt, n'exagérons rien.

Tout cela a passé.
Je me suis tranquillisée, à me sentir épaulée, par mes frères, par mes "femmes de vie",  par la compagnie d'infirmiers sympathiques et diligents.

Mon père est au mieux de ce qui peut être.
J'espère que nous tiendrons tous ce cap jusqu'au bout.

A chaque alerte, je pense évidemment sa mort prochaine. 
Il est tout de même dans sa 92ème année. Il a été donné pour mourant une bonne demi-douzaine de fois, sur les dix dernières, par la science médicale autorisée. 
Un jour viendra, c'est sûr, où ils ne se tromperont pas !

Pas sûr encore que ce soit pour cette fois.
L'homme est gaillard, encore, capable de se remonter, même si à chaque fois le palier de rétablissement est plus difficile à conquérir. Et s'abaisse.

J'espère juste tenir autant qu'il résiste.
C'est à se demander…

Je vais garder mon énergie au mieux.
Garder du temps pour moi, autour de ce temps pour lui.
M'économiser, comme on épargne, en vue de jours difficiles.

Mes chroniques en seront plus rares.
Je vais avoir besoin d'air. Et moins envie peut-être de bavarder ici.
Peut-être;
Je dois quand même penser à écrire "des soleils dans la nuit". Sic Boris.






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