mercredi 29 janvier 2020

27 janvier




Lundi 27 janvier 2020 18h20

Rituellement, nous revenons avec Olivier de notre promenade dans les bois de Rivière.
Il y avait chantier, dans la forêt.
A l'aller, une immense pile de branchages s'alignait le long du chemin boueux :





Des saisissement, la main nous en a tremblé, au moment de prendre ce cliché.
C'est un peu flou, c'est vrai, mais on se rend quand même compte : plus de 3 mètres de haut, sur une bonne trentaine de long, avec une largeur de plus de 2 mètres. Sans être très calée en stérages, deux petites centaines de cubes.
Avec mon grand mari, nous nous sommes enfoncés dans la forêt. L'après-midi était calme, nuageuse, sans bruit.
A un moment, un vrombissement sourd est parvenu jusqu'à nous. Au début, avec mes oreilles défaillantes, j'ai cru que c'était le passage d'un train. Nous étions un peu loins de la voie ferrée tout de même.
Olivier m'a expliqué que c'était le chantier de broyage, qui avait commencé.
Rivière est une commune avec une grande superficie boisée de feuillus, principalement des chênes.
C'est aussi une des rares communes de la basse Landes à exploiter sa forêt, pour le bois et ses dérivés.
Chaque année, des coupes sont programmées. Les services forestiers sélectionnent les arbres à abattre. Le ressemis est naturel. On anticipe un peu, on raccourcit les siècles. Les chênes qui seraient devenus plusieurs fois centenaires tombent sous les dents des tronçonneuses, et sont débités en planches, pour les scieries ou les papeteries.

Les tout jeunes plants germés à leurs pieds s'épanouissent alors, dans cette brutale trouée de la canopée. On accélère le rythme, en conservant quand-même l'esprit. Un compromis, quoi.
Les entreprises forestières n'ont pas de temps à perdre. Elles prélèvent les gros billons droits. Les branches, même grosses, les bois tordus, les ramilles, sont laissées au sol.
Chaque année, la commune prépare des lots de bois, et les habitants de Rivière peuvent s'inscrire sur une liste, pour bénéficier d'un lot à tout petit prix, tiré au sort.
Certains lots, de belles branches, des troncs à peine noueux, entassés en bord d'un chemin carrossable, sont une belle affaire pour leur bénéficiaire.
D'autres, perdus au fin fond de la forêt, difficiles d'accès, le sont moins.
C'est le principe même du tirage au sort, où l'on ne peut pas savoir à l'avance !

Ceux qui se désistent, faute de pouvoir aller récupérer le bois trop difficile à atteindre, sautent leur tour, et descendent en fin de liste, pour les années suivantes.
Un système éprouvé, et parfaitement rodé.

Les années passant, les candidats se font rares. Tirer le bois, le tronçonner, le charger, le fendre, le ranger, tout ça se fait pour le particulier de main d'homme, et l'homme, on le sait, sans la machine, se fatigue.
De plus en plus de lots seraient restés sur le carreau, s'embroussaillant, et empêchant une bonne exploitation forestière.
C'est la raison de ces piles immenses de bois de rebut.
Elles s'élèvent le long des chemins. En attendant le broyage. Ce résidus transformé en copeaux se recycle en paillis, ou en granulés de bois, pour le chauffage.
Ainsi, l'homme fatigué continue de se chauffer au bois, même s'il le paie au prix fort.
Tout a un prix, la paresse aussi !

Nous devisions ainsi avec Olivier sur ces considérations désolées, le manque de courage de nos jeunes générations, leur propension à vouloir le confort sans s'en donner la peine, et toute cette litanie mauvaise des vieux incapables de faire maintenant par eux-mêmes, et jaloux d'une jeunesse perdue.
Rien que de très classique. 
On ne nous abat pas, nous, dès que notre ombre se porte sur les plus jeunes. Elle s'amenuise toute seule assez vite ! Et les jeunes plants font leur vie, à leur manière, qui n'est plus la nôtre. Ainsi-soit-t-il....

Chemin faisant, nous étions revenus à notre point de départ.
Notre promenade avait duré à peine plus de deux heures.

Et là, là où il y avait l'immense pile de bois, plus rien ! 

Tout avait disparu, avalé et recraché en copeaux par la grosse machine verte, aux bras écartés comme une sauterelle géante désarticulée :







Une machine énorme, plus haute que le grand camion benne, bien plantée sur ses grosses roues crantées, et stabilisée par des bras fermement ancrés au sol, comme le sont les grues.
Cette bête des temps modernes avale 100 M3 à l'heure. Elle remplit la benne de la semie en 20 mns. 
Toutes ces données techniques nous ont été fournies pas le chauffeur du monstrueux engin, justement fier de sa mécanique.
Il s'en retournait avant la nuit. 

- Avec ça, se rengorgeait-il, je roule à 80 Km/H !
  Quand on me voit débouler, je peux vous dire qu'on s'écarte !

L'homme semblait bien gentil. C'est à espérer ! Sans ça, au volant de sa sauterelle géante, il risquerait de faire un sacré ravage...
Les choses sont souvent bien faites, qui laissent aux gentils les outils dont les méchants se serviraient mal.

Après avoir devisé un moment, nous sommes ressortis de la forêt.


Dans la barthe plane, nous avons croisé deux chevaux ahuris comme nous de cet ouvrage si vite expédié. Tournant vers nous leurs grosses têtes aux oreilles dressées, ils nous ont dit :

 - Tu le crois, toi, ça ?!









Même la corneille, en haut des ramilles du chêne, en restait muette de saisissement, figée dans les lueurs dorées du couchant.






Un bien joli lundi à Rivière, après un très agréable dimanche entre amis à Bidache.


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