lundi 6 janvier 2020

de Noël à l'Epiphanie




Mercredi 25 décembre 2019 en matinée

Aube claire pour un Noël chaud.






A l'est, le soleil économise ses forces. Sa course tire vers la corde, au plus court.






Dans le potager, l'oignon fuse et l'ail darde. Nous ne sommes pas à Urcuit, où, d'après la joviale tenancière de la prestigieuse auberge du Cheval Blanc, l'ail ne pousse pas !
Et cette incapacité de la terre à produire le petit bulbe parfumé faisait de la contrée un parage peu propice à la réussite de n'importe quelle entreprise. On ne croirait, pas comme ça, à le voir si anodin, que ce petit ail est un marqueur si signifiant !








Zaldi vient croquer son quignon de pain :








Bigoudi et les Neskaks s'apprêtent à digérer dans le paillage frais.











Mon père prend le soleil bienfaisant.
Nos chiens fidèles aussi.
Les vaches sentent le grand soleil du dehors faufilé dans l'étable par les ouvertures.


Mercredi 1er janvier 2020 17h24

Une journée limpide accueille la nouvelle décennie.
Nos lendemains de fêtes au réveillon sont toujours aussi légers, à la ferme, où nous varions peu de l'ordinaire.
Quelques pauses au grand soleil, le karaoké du matin, à suivre à la télévision les chants basques de Zugarramurdi, nous mènent gentiment au soir.
Quelques civilités tout de même, quelques pas partagés avec les Aguirre, ont ponctué l'occasion.
J'entends en bas Berra Señores. Il vient ainsi parfois voir mon père. Les deux, voûtés et à demi-sourds, (et je sais de quoi je parle !) se penchent l'un vers l'autre, à se toucher, et s'écartent pour laisser passer de grands éclats de rire.



Cette vieille garde de nos anciens hendayais tient la rampe, en vacillant, mais avec énergie encore.
Je repense à la fratrie de mon père, ces cousinages chenus, dont l'un des vénérables membres a été porté en terre cette veille de Noël 2019.
Popol, 98 ans.
Après lui dans la chronologie, Tottepiñ, la sœur aînée de mon père, 94, ou même 95 ans.
Vient ensuite le paternel, 92 cette année.
Puis, bien plus jeune, pas tout à fait encore 90, notre Dibildox, dit Kokotx; "Menton", référence au sien, bien marqué, en signe d'une base solidement ancrée dans ses fondements.
Celui-ci, l'été dernier encore, se trouvait bien de changer lui même sa roue au pneu dégonflé, pour économiser le tarif du dépannage. Quitte à positionner hasardeusement le cric, et endommager la carrosserie, déboursant pour réparer son forfait le triple de ce que lui aurait coûté la première intervention, académiquement menée.
Il m'avait raconté cette péripétie, entre autres, quand il était venu en visite, cet été :


Un cousin de mon père, plus de 90 printemps, se présenta  à la ferme pour le saluer.

Cet homme porte encore beau, bien droit, les yeux pâles dans un visage lisse, à la peau imberbe, sous une masse bouclée de cheveux argentés. Le menton un peu lourd, le front haut, il se montre avenant, et curieux de tout.

A cette heure matinale, mon père a l'heur d'aller prendre un café "en ville", avec son fils.

Je proposai à notre visiteur de faire de même, ici,  en l'attendant.

Nous nous assîmes à la grande table, et devisâmes dans le matin calme.

Entre autres choses, le grand oncle me parla des menuiseries en aluminium, dont il envisageait d'équiper sa maison. 



- ça te dure vingt ans, m'assura-t-il, et sans bouger ! Et après, je pourrai les repeindre, pour autant de plus !

Il semblait enthousiasmé par la perspective de longévité de ce matériau, sans trouver du tout saugrenue l'idée de lui survivre, partant de son âge.

Amusée par cette belle confiance en son devenir, je proposai à notre homme de m'accompagner dans l'étable, pour sortir les vaches au pré.

Mes belles sont à cette époque de l'année plus en extérieur. Elles rentrent pour les rations du matin et du soir. Ensuite, elles apprécient de pouvoir se reposer une heure ou deux, dans le paillage frais, ruminant leur satiété, les yeux presque fermés.

Après ce temps digestif et méditatoire, elles se relèvent tranquillement, s'étirent de la pointe cornée à l'échine, en enroulant leurs queues poilues de part et d'autres de leurs flancs ronds.

C'est le signal qu'elles sont prêtes à retourner au champ.

Ce dimanche matin, escortée de notre visiteur, je dénouai les brins d'acier des attaches.

L'homme était là, debout au plein milieu de l'étable, campé dans ses knepettes. Il portait en dessous de ces sandales à lanières une paire de chaussettes hautes, pour galber le mollet qu'il a un peu mince.

Les génisses le flairaient en passant près de lui, sans le bousculer. Il les regardait, admirant leurs courbes généreuses, en les flattant gentiment.

Je contemplais ce spectacle incongru, cet homme de plus de 90 ans, bien droit entre de jeunes génisses de moins d'un an.

Mes Neskak sont tellement placides qu'elles ne s'émeuvent de rien. Un inconnu campé dans leur étable ne les perturbe pas, et ne provoque aucune mauvaise réaction en elles.

Té, me pensai-je, si tu étais venu là l'année passée, tu aurais du t'écarter bien vite, sous peine de finir encorné par la diablesse Beltza, ou alors piétiné par Rubita la rousse !

L'homme suivit les vaches jusque dehors, marchant ici ou là dans une bouse grasse, sans s'en émouvoir, où même s'en apercevoir, je pense.

Content de sa visite, même s'il avait manqué mon père.



- Je reviendrai, promit-il, j'ai tout le temps !



En effet, pour ce que j'en avais compris, il était persuadé d'en avoir encore beaucoup devant lui. Alors…




Et tant d'autres dans la même veine, surprennent et font sourire, quand on pratique comme je le fais la compagnie rapprochée de nos anciens hendayais.

Je pratique aussi la compagnie rapprochée de mes bêtes à cornes fétiches.

Je surveille ces temps-ci  d'un peu près ma Bigoudi.
Un petit retour en force de quelques mites galeuses, une baisse de l'appétit, une tournure vers la neurasthénie, me la rendent intrigante.
Elle me boude le son, dédaigne la luzerne. Raffole toujours encore du pain sec.
Serait-ce la ménopause, la fin de sa carrière de reproductrice ?
Elle qui a tant aimé la maternité se voit-elle vidée de sens, maintenant qu'elle prend de l'âge ?

Nous n'avons pas eu trop de vieilles vaches, à Agorreta.
Quand elles n'étaient plus en état de produire, des veaux et du lait, elles partaient pour finir en boulettes de viande ou en saucisses.
Bigoudi va sur ses dix ans. C'est la maturité bien sonnée pour une vache. Si tout va bien, je peux espérer la veiller encore une petite dizaine, pas plus.
Sans doute son métabolisme s'adapte-t-il à son état de réformée. Elle mange moins, parce-qu'elle a moins besoin de manger, tout simplement.
Je surveille quand-même, et l'accompagne, attentivement.
Je la comprends si bien...


Dimanche 5 janvier 2020 9h40

Ce matin de début d'année nous la joue "Gorilles dans la brume" :





Pour Bigoudi, ma surveillance s'intensifie en vigilance orange. 
Elle a un problème, assez sérieux, du côté de la panse, je dirais. Le système digestif d'une vache est une mécanique compliquée et délicate. Quand ça cafouille quelque part, l'effet induit se propage de loin en loin, et gagne vite l'ensemble.
Ma Bigoudi a trop mangé, ou quelque chose ne lui a pas réussi.
Elle n'a plus d'appétit, ne rumine plus, ses fèces ressemblent à celles d'une biquette.
Danger !
Ce matin, je l'ai mise à la diète sévère. Elle gardait encore un penchant coupable pour le pain sec. Elle a du en faire excès, et son métabolisme ralenti par les années lui en demande maintenant compte.
Nous sommes trop faibles, et lui en donnons un quignon par ci, un quignon par là, quand elle tourne sa bonne tête franche vers nous. C'est-à-dire à chacun de nos passages dans l'étable. Bien trop souvent. Déraisonnable.

En résolution de début d'année, j'ai instauré pour ma Bigoudi un régime sans pain. Un mince quartier de citrouille, ou une petite carotte ratatinée, lui feront office de gourmandises.
Ainsi, elle ne s'engorgera pas, et nous garderons la satisfaction de la récompenser de sa si bonne compagnie.

J'espère que mes mesures ont été prises à temps. Un épisode comme celui-ci peut finir mal, très mal. Ma Louloutte dans le temps ne s'en était pas relevée.
Sans être alarmiste, je reste inquiète.
Nous verrons demain, et appellerons la science vétérinaire en renfort, s'il n'y a pas d'amélioration notable.
Pour le moment, dûment soulagée par une dose d'aspirine glissée dans un quartier de pomme, ma Bigoudi se repose. Je l'ai vue ruminer deux ou trois fois, son gros ventre gargouille d'une activité de bon augure. Elle me regarde, piteuse, mais confiante. 
Je vais la veiller.







Côté cour, mes semis de châtaignes sommeillent dans la brume silencieuse;



Un tout petit nous est né, autour de la mi-décembre.
Je l'ai remarqué, alors qu'avec Olivier nous essayions de rattacher le jasmin effondré par la tempête du 13.
Berra, venu en renfort d'occasion, a failli me l'écraser, jetant dessus le petit sachet de graines de citrouilles qu'il m'avait réservées.
Il était si petit, mon petit châtaignier, que je ne l'avais moi-même remarqué qu'alors.







Maintenant, il devient gaillard. Un quart de feuille lui manque de ce regrettable accident. Il s'en remettra. Plus facilement peut-être que de cette levée à contre-saison. Il aurait du attendre le printemps, ce petit plant. L'ai-je trop peu recouvert ? Etait-il trop impatient ?
La saison prochaine nous en fera sentence.


Les Neskaks, elles, sont toutes follettes, quand elles se sentent rassasiées, dans la fougère fraîche. Elles nous font de petits sauts lourds et maladroits, heurtant de la chaîne et des cornes les murs de séparation.

Ma Graziosita, elle aussi, a connu les désagréments d'une gloutonnerie trop exigeante.
Sa jeunesse lui a permis de récupérer en quelques heures, là où la Bigoudi aura besoin de quelques jours.

J'espère que cela nous sera une alarme préventive, guère plus, et que nous saurons, elle et nous, nous en tenir à cet enseignement là.



Même jour : 12h

Bigoudi rebaisse de forme. Elle paraissait un peu mieux après la première prise d'aspirine.
Je lui en repropose, toujours dans une pomme évidée. Elle tourne la tête, recrache le morceau que je lui ai enfourné dans la gueule.
Je n'aime pas la voir ainsi abattue. Elle me paraît maintenant souffrante, grinçant durement des mâchoires. Un peu de bave dégouline dans la fossette de son menton, elle est inconfortable, et le manifeste.
Je préfère ne pas attendre à demain, j'appelle le vétérinaire. Notre Champion étant rangé des vaches, je dois chercher assistance ailleurs, trouver un professionnel inconnu. A la voix, le jeune vétérinaire de garde qui me répond paraît bien connaître son affaire. Il passera dans l'après-midi.

17H :

Le vétérinaire arrive. Un grand jeune homme déguingandé. Il paraît tout juste 20 ans, quand il doit en avoir près de 30.
Il ausculte ma Bigoudi, la palpe, pratique le test de l'épine dorsale pincée. Bigoudi ne cambre pas, comme elle le devrait. A l'examen, elle est douloureuse vers l'avant, juste après l'antérieur gauche, au niveau de la caillette. L'arrière, aux alentours du rumen, reste souple, creusé, insensible à la poussée.
Verdict du professionnel : un corps étranger. Ca coince en début de circuit.
Quand c'est un engorgement du à un excès de nourriture, ça coince plus loin.
Je note, pour une prochaine fois, sait-on jamais.
L'ingurgitation d'un corps étranger, j'ai déjà connu, malheureusement. L'une des jumelles normandes arrivées en 1998 avait du être tuée à la ferme : le "corps étranger" enkysté en abcès compressait le cœur et les voies respiratoires. Rien à faire. Euthanasie. Une belle et brave bête. Sa jumelle, elle, était morte à son premier vêlage, vidée d'une hémorragie cataclismique.
Ces deux là se sont suivies de près, dans la mort comme dans la vie.

La sentence vétérinaire me paraissait bien lourde. 
Le jeune homme perçut mon désarroi, et se montra rassurant : "ne vous alarmez pas trop vite, on va mettre un aimant, administrer une puissante dose d'antibiotique. Par là-dessus, de quoi faire repartir la machine, réembrayer le rumen, et lisser les circuits avec de la parafine.
Si dans 48 H il n'y a pas d'amélioration, je reviens, et on passe au protocole suivant". 

Je lui avais raconté ma précédente expérience, et son issue fatale.
"Ca n'est pas parce-que ça n'a pas marché une fois, que ça ne marchera pas, là".
J'ai acquiescé essayant d'avoir sa foi. Retenant le "oui, mais ça n'est pas parce-que ça n'a pas marché une fois, que ça ne remarchera toujours pas une seconde fois..."

Nous avons ensemble appliqué le procédé. Avec l'aide d'Antton et de Beñat, éleveur lui aussi, nous avons contenu Bigoudi. Elle était bien fatiguée, et ne protestait guère. Pour introduire l'aimant bien au fond de la gorge, Beñat l'a prise aux cornes, et lui a soulevé la tête; Antton faisait la tenaille ferrière. Le vétérinaire se tenait prêt, avec son tube d'introduction à engager; Moi, j'ai attrapé avec un torchon la langue de Bigoudi, et l'ai maintenue sur le côté. L'aimant a pu être positionné suffisamment loin pour que la vache ne le recrache pas.
Le procédé consiste à attirer le "corps étranger", souvent un morceau métallique, crampillons, bout de fil ronce, ou autre danger potentiel dans une prairie, pour le fixer à l'intérieur de la petite cage plastique renfermant l'aimant. Ainsi, le morceau de métal restera là, inoffensif, au lieu d'aller perforer une ou autre paroi ou viscère, et, ou former un abcès.

Nous avons fait ce qui devait être fait.
Le jeune vétérinaire est rentré dans la cuisine, pour établir son ordonnance. Il est gaucher. En plus, il écrit complètement ramassé sur lui-même, comme voulant cacher sa copie.
Il me fait penser à l'@, cet "a bildua", "a pris dans lui-même", comme on dit e pris dans le o, ou l'inverse, je ne sais jamais.
Ce "a bildua" joliment imagé me vient d'un de mes clients de la jardinerie, radicalisé basquisant, qui ne supportait pas mon "arrobasa" impur.

Rassérénée, je suis retournée auprès de Bigoudi, malmenée par nos manipulations brutales.
J'ai essayé de l'apaiser, la caressant et lui psalmodiant des litanies douces.
Nous dînons. Mes frères rentrent chez eux. Je monte fermer mes volets.

20 H :

Bigoudi couchée dans la litière propre tremble des pieds à la tête. Ce sont presque des convulsions incessantes qui l'agitent. Son poil est hérissé sur l'échine, ses yeux fixes, ses oreilles ramenées en arrière; Sa chaîne cliquète sous les secousses.
Je suis atterrée, je ne sais pas quoi faire. Je m'accroupis près de sa tête,  défait l'attache, pose ma main sur son cou. Les vibrations se propagent en moi. Je sens sous ma paume les battements chaotiques d'un cœur emballé. Bigoudi souffle, ahane. Je crois qu'elle se meurt. Je suis complètement impuissante. Je rapproche plusieurs fourchées de fougère légère. Je les étale sur elle, pour lui en faire une couverture. Qu'elle n'ait pas froid, au moins. Je sais bien que c'est dérisoire. J'ai l'impression pourtant que ça calme ses tremblements. Elle souffle toujours, ferme les yeux, sa tête vacille. Elle tombe de fatigue, littéralement.
Bigoudi n'est plus toute jeune, et elle est très grasse. La graisse doit alourdir et envelopper ses viscères, étouffer son cœur. Je pense qu'elle va mourir d'un arrêt cardiaque. Je pense que je ne peux rien faire de plus. Juste continuer d'essayer de la calmer par la voix, et les caresses, ramener sur elle la fougère sèche.
Les tremblements s'apaisent. Bigoudi pose la tête au sol. Elle souffle moins, mais expire avec difficulté.
Elle est moins impressionnante maintenant, moins catastrophique.
J'ai toujours l'impression qu'elle se meurt, mais plus doucement, moins péniblement.
Je m'assois dans la litière, la main sur sa tête aux cornes glacées.
Je m'assoupis là.

11h30 :

Je suis ankylosée. Ma main a glissé sous le museau de Bigoudi. Je sens son souffle chaud sur ma peau.
Je regarde ma vache. Elle me regarde, épuisée, mais bien plus calme que tout à l'heure. La fougère a glissé autour d'elle, elle repose dans un capiton roux.
Txief et Bullou sont venus se coucher près de moi. Lola est là juste derrière le muret où je me suis adossée.
Bigoudi hume les chiens en allongeant le cou, et leur souffle dessus, pour leur faire peur. Elle ramène ses oreilles en avant. Puis, elle repose sa tête dans la fougère, en sillant deux trois fois avant de fermer les yeux.
Je la trouve bien moins alarmante qu'en début de soirée.
Je reprends espoir.
Je ramène la fougère autour d'elle. Je monte, les chiens me suivent.
Sous le jet de la douche brûlante, j'essaie de décrisper la tension qui me serre les muscles.
L'eau ruisselle sur ma tête, se sale sur mes joues, et coule à mes pieds une tristesse immense.
Je suis pourtant bien moins pessimiste que tout à l'heure. Mais j'ai besoin d'ouvrir les vannes.

Je redescends, flatte encore ma bête assommée de fatigue.
Je reviendrai tout à l'heure.
Je me couche et m'endors immédiatement. De mauvais rêves m'agitent. Je revois ces autres bêtes mortes à la ferme, ces lourds corps mous traînés derrière le tracteur pour sortir les cadavres de l'étable. Les sabots qui heurtent durement les pierres d'angle. La trainée par terre; Les têtes inertes aux langues pendantes, cahotées par les soubresauts. Les plus durs moments d'une vie d'éleveur.

Lundi matin. 

Il est 4 heures. Je me réveille en sueur. Je redescends.
J'allume la lumière dans l'étable silencieuse.
Bigoudi est toujours couchée. Elle lève sa tête vers moi. Ses yeux sont bien plus animés. Et elle rumine ! Je regarde le râtelier, elle a grapillé un peu de foin. Elle s'est donc levée. L'abreuvoir a été visité, elle a bu.
Son mouvement de mâchoire est encore saccadé, grinçant. Mais il signe la reprise d'une activité digestive. Il annonce le net mieux. Je n'en crois pas mes yeux. Si je n'avais pas passé les dernières heures avec elle, je pourrais croire ma Bigoudi indemne !
Son regard est bien un peu gourd, sa posture aux pattes allongées devant elle pas tout à fait naturelle.
Elle est soulagée, je le vois. Je me détends comme on tombe, relâchant la pression d'un seul coup.
Quelques caresses et quelques paroles, à Bigoudi et aux autres.
Je remonte me coucher.
Je ne travaille pas. Je vais pouvoir dormir un peu plus longtemps sur le matin.


Lundi soir 20h

Je reprends mon compte-rendu.
J'ai fait ce que Cirulnik préconise. J'ai écrit les soleils, et les ombres, de la nuit. Ca m'a fait du bien. Je le perçois comme ça. 
Je me souviens de cette horrible scène, à la télévision, où on avait pu suivre, en direct, l'affreuse agonie d'une petite fille happée par une coulée de boue, quelque part en Amérique du sud. Elle disait adieu à ses parents, elle disait sa douleur  et son effroi. Je crois me souvenir que les caméras s'étaient arrêtées de tourner avant la fin. 
L'indécence d'une telle exploitation commerciale m'avait ulcérée.

L'histoire de ma Bigoudi ne se place évidemment pas sur la même échelle de valeurs, s'il en existe une.
Elle aurait pu mourir. Et mon reportage aurait gagné en profondeur dramatique, n'est-ce pas ?
La relation de l'agneau mort sitôt né, en début de ma "Pause" aurait été bien moins poignante, s'il avait survécu.
Nous sommes tous plus ou moins comme ça : plus bouleversés par le malheur des autres que contents de partager leurs joies;  Ca expliquerait la puissance créatrice et le succès des histoires dramatiques. Ca conforterait les thèses autorisées de Boris.
On écrit, on s'intéresse, on parle, quand ça fait mal. Quand tout va bien, il n'y rien à en dire, rien à y voir. Semble-t-il...

Bigoudi va bien mieux ce soir. En quelques jours, elle a perdu du poids. Et son régime alimentaire à venir lui en fera perdre encore; Elle retrouvera sa taille de jeune fille, et son esprit facétieux !













Je vais continuer de la surveiller, et Antton prendra le relais demain.
Je peux raisonnablement écarter les mauvais pronostics.
Et reprendre le cours ordinaire de la vie de mon étable.
Et de la mienne autour.












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