lundi 26 juillet 2021

17 au 26 juillet

 


Samedi 17 juillet 2021  8h


Le temps estival se souvient qu'il habite ce côté-ci de la planète.



Mes journées continuent de tourner autour de TtonytaPetra.

Cette nuit, je leur avais laissé la grande porte ouverte. Elles ont passé une grande partie de la journée d'hier dans l'étable, au frais, préservées des mouches harceleuses.

Elles s'y sentent bien, confortables, en sécurité. 

Sur le soir, elles étaient gentiment ressorties. Je les ai hélées depuis la rampe, mes gamelles sous le bras.

- Ttony ? Petra ? Zatozte onea !

(Venez par ici).

Lola était là, derrière moi. Les deux autres, en haut de l'escalier, couchés sur le palier. Nous revenions d'une longue promenade, avec une demoiselle hirondelle.

Tout ce petit monde est rentré dans l'étable. Et nous sommes restés là, à nous faire la conversation, dans la paix du soir.

J'ai repensé à notre discussion d'il y a quelques semaines, avec mes frères. A cette projection que je m'étais fait, pour mars 2022.

Cette même scène, celle-ci, précisément, parfaite, juste comme une note exacte.

Et je me suis sentie bien, au soir d'une journée réussie. Rien d'extraordinaire, en ce vendredi de mi-juillet. Une suite ordinaire de petites choses, dont la conjonction est pour moi idéale.

Un de ces moments rares, fichés dans notre mémoire, quand pourtant rien ne les distingue d'une suite de moments tout pareils. 

Je me suis dépêchée d'engranger ce trésor, dès ce 17 juillet. On ne sait jamais, Mars 2022 est loin encore, et il ne faut jamais remettre à plus tard ce dont on peut profiter le jour même...


18h

TtonytaPetra ont ensuite passé une partie de la nuit dehors. J'entrevoyais Ttony la claire depuis mon lit, quand la brune Petra se fondait dans l'obscurité.

Ce matin, quand je suis descendue distribuer les rations, elles étaient au bas de la rampe. 

Je me suis avancée, elles ont levé la tête, vite compris de quoi il en retournait. Elles m'ont doublée pour rejoindre leurs auges encore à garnir !

Puis, la journée pour elles s'est gentiment poursuivie :








Quelques étirements au soleil sur l'esplanade, descente au pré, muxus à la cousine.

Ensuite, pâture, retour dans l'étable, repâture en fin de matinée, sieste à l'intérieur, jusqu'à tout à l'heure, où elles sont ressorties.

Ce sera bientôt ce fameux moment où je m'avancerai sur la rampe, pour les héler, ma scène parfaite.

Une semaine seulement qu'elles sont au pré, même pas deux qu'elles sont à Agorreta.

J'ai l'impression que mes jours ont toujours été ceux-là.

Je retourne à la jardinerie mardi, avec la très satisfaisante impression du devoir accompli, de tous mes objectifs remplis.

Je sens la période à venir partie sur de bons rails, de vieux rails ternis, mais encore solides et droits. Il y a évidemment moins de route à venir que celle qui a été faite. Ca n'empêche. Si l'on compte en bons moments, la durée n'y fait rien !

D'ici et maintenant, j'y crois.


Vendredi 23 juillet 2021  17h10


Il bruine derrière mes carreaux. Ou ce qui en tient lieu, ce fameux matériau ni verre ni plastique, encastré dans la porte métallique, ici, pour donner le jour. Ma murette se colore. Les plantes dans les jardinières de la cour sont encore trop jeunes. Bientôt, elles affleureront au dessus de la barre transversale. Cet hiver,  j'en profiterai d'ici.

Quelques journées chaudes ont fait bondir la végétation. Les panicules fleuries des maïs s'ébouriffent entre les dernières feuilles. Les regains seront riches, cette année, pour compenser les foins plus maigres. 

Les saisons capricieuses perturbent les calendriers, mais la nature s'en arrange.

Je reviens d'une promenade avec Lucie. Nous sommes rentrées, poussées par la pluie légère d'été. Qui mouille, malgré ce que dit la chanson.

J'écris ici, juste au dessus de l'étable.

Les chiens se sont couchés sur les paillassons. Ils se trouvent bien dans notre nouveau logement. Finies les allées et venues d'artisans affairés !  ils ont enfin retrouvé le calme, les longues siestes au soleil, quand il y est, sur le gazon artificiel, les coins frais, au haut de l'escalier ou sur le pas de la porte-fenêtre, leurs fauteuils favoris, l'étable où farfouiller dans la fougère odorante. 

Les perturbations printanières sont derrière. Avec la patronne, ils ont reconstitué leur petit monde parfait.

Le couple d'hirondelles niché dans la tuyauterie de l'étable a entamé sa deuxième couvée. Une autre paire est venue flairer les parages, issue d'à côté, mais n'est pas restée. Pour cette année transitoire, ça n'est pas trop mal : il y a eu trois nichées dans la vieille étable, et une ici. Pour les secondes couvaisons, celle d'ici se déroule dans les meilleurs conditions. Pour les autres, je ne les suis plus trop. Je ne peux pas être partout !

J'ai quand même repéré dans le garage d'Antton trois nids, dont un habité d'une petite tête ronde et d'une queue bifide. Mes hirondelles dérangées ont trouvé à faire, juste à côté. Dans le soir,  les vols cinglent bas, rasant la cour ou le pré. Celles-ci aussi se sont arrangées autrement.

L'essentiel pour moi est qu'elles soient restées par là. Mes superstitions m'auraient turlupinée, sinon.

Les hirondelles de ce printemps d'Agorreta auront certes connu une période difficile. Bruits, contrariétés, délogements successifs, graves disfonctionnements dans les parcours et les cycles journaliers. La génération 2021 pâtira de probables dérèglements psychologiques profonds. Sans compter les troubles fonctionnels inévitables induits par les fortes expositions aux vacarmes et fracas, aux trépidations, et autres dérangements inhérents au chantier. Les oisillons souffriront certainement de déficits auditifs et de pertes d'équilibre subséquentes. Ce seront de futurs petits Ménière ailés. Que donne un vertige en vol ? Une saccade dans la trajectoire, une chute libre ?

Les miens de la nouvelle étable seront sains, sereins, indemnes. Ceux autour, enfants de l'exil, transcenderont sur les générations à venir un traumatisme diffus. 

De tous ceux-là repartiront les futurs. 

Combien de générations couvées et élevées en paix faudra-t-il pour rattraper les dégâts de ce cahot d'un seul printemps de désordres ? 

Nul ne le sait. Chacun espère seulement en une résilience obstinée et salutaire, entre oubli, pardon, et illusions naïves.

La paix d'après les troubles est plus profonde sûrement que celle d'après la paix, trop plate. Qui ne serait même plus une paix, juste un état, paisible, sans plus.

Allez, je repars en campagne sans chapeau. Retour ici :

TtonytePetra sont en ce moment au pré.

Pour leur troisième semaine, elles se calent dans le rythme jour et nuit en liberté dedans dehors.

Elles choisissent la station jour dans l'étable, avec une petite sortie en fin d'après-midi. Elles  reviennent en début de soirée pour les gamelles, et ressortent ensuite, pour ne rentrer qu'au petit matin, quand j'allume la lumière pour regarnir les auges. Elles aiment leur étable. Et j'aime les y voir.

J'en suis à l'apprentissage de l'attache, occasionnelle. Pour les besoins vétérinaires, essentiellement, je dois pouvoir les contenir à la chaîne. Les encorder aussi, si nécessaire. Il faut donc qu'elles expérimentent cette contention.  

J'avais prévu cette étape pour la semaine prochaine ou la suivante. A J+30, plus ou moins.

Elles sont si studieuses et si fluides dans leur intégration, que j'enchaîne les enseignements au fur et à mesure de leurs assimilations.

Quand, têtes plongées dans l'auge, elles se concentrent sur leur nourriture, je leur noue maintenant les brins d'acier autour du cou. J'avais commencé, depuis quelques jours, par leur faire rouler les maillons sur le poitrail, sans insister. Quand elles cherchent les derniers granulés dans les coins, elles poussent les chaînes posées dans l'auge, sans s'inquiéter des cliquetis métalliques. La sensation et le poids de la chaîne autour de leur cou ne les gêne pas. 

Je dénoue les liens avant qu'elles aient terminé leurs rations. Elles n'ont pas encore compris l'entrave. Il faudrait quelques séances supplémentaires, plus longues, pour qu'elles acceptent d'être enchaînées, sans tirer pour tenter de se libérer. Puisque je n'ai pas l'intention de les garder attachées, je me demande si je ne vais pas me contenter de prévoir les visites vétérinaires épisodiques, toujours désagréables de toute façon, avec une contention minimalement limitée à son intervention.

Je ne suis pas encore figée sur mon schémas d'élevage. Je prépare, je tâtonne. L'idéal, serait que les velles connaissent et acceptent toutes les configurations. Je sais souvent pêcher par impatience. Je tâche de me modérer.

Pour cette semaine, je m'en tiendrai là. Passage de la chaîne autour du cou, en séquences brèves, et sans sensation d'entrave. Reconnaissance de la corde, avec jeux tactiles, sans serrer les nœuds.

Petra reste plus docile que Ttony. J'initie toujours chaque nouvel exercice avec elle. Quand le mouvement est compris et exécuté fluidement par la première, la seconde, spectatrice attentive mais renfrognée, demande plus de temps et de patience, pour un résultat moins établi. Elle se prête quand-même au jeu, sans trop renâcler, maintenant. Elle a bien compris que je suis celle qui distribue ces jolies gamelles dont elle est si friande. Que pour arriver à satisfaire sa grosse gourmandise, il faut en passer par moi. Je suis pour elle encore une "à défaut de". Chaque jour pourtant me la fait moins méfiante. Elle arrive même à goûter la volupté d'une caresse bien appuyée. Quand je lui masse énergiquement le poitrail, elle étire le cou, en une posture de contentement sans équivoque.

Ttony vient à moi par Petra, d'abord, par la gamelle, ensuite, et d'elle-même, dans ses moments de complet relâchement. Je la trouve toujours moins attachante que Petra. Plus blonde, par le fait !

Sa silhouette plus ronde, son poil plus souple, sa bonne tête aux yeux francs et décidés, quand Petra paraîtrait presque tristounette, avec son regard de chien battu et son pelage de rat, la rendent plus séduisante que sa sœur, aux yeux de la plupart de nos visiteurs. En compensation de ma préférence personnelle. Ainsi, les affects posés sur elles s'équilibrent heureusement.

TtonytaPetra sont une entité à deux têtes. Comme je suis une éleveuse aux multiples facettes. Nous devrions pouvoir nous entendre.







Les deux petites se montrent globalement bonnes élèves. Elles apprennent vite, et s'y amusent. Presque autant que moi.


Dimanche 25 juillet 2021  19h30


Bullou jappe au milieu de la cour, en bas. Je la tance vertement : elle n'a pas encore assimilé les nouvelles limites de propriétés, la petite !

Nous avons dans l'après-midi avec Olivier cheminé dans le sous-bois de la montagne. Les plans superposés des fougères opulentes, des noisetiers allongés, des repousses de châtaigniers, graciles et ondoyantes, nous ont fait sensuelle escorte en caresses. Au dessus, tout en haut des fûts pâles, les houppiers épaissis absorbaient la clarté grise d'une journée de brume. Le soleil a percé tard, mouchetant la voûte de verdure d'une lumière mouvante.
Nous nous sommes amusés de la magie d'une feuille morte suspendue au milieu du chemin, maintenue en l'air par des fils invisibles d'une toile aérienne. Pour passer, nous l'avons délicatement écartée, mimant une poignée au dessus d'elle. Nous n'avons pas senti le fil dans notre paume, juste regardé le mouvement de la feuille qui suivait nos mains, sans qu'on la touche.
Nous avons refermé derrière nous, délicatement. La feuille a repris sa place, exactement, dans la même tâche de soleil, frémissant doucement, sans tomber, ni s'envoler plus loin. 
Nous avons repris le sentier étroit bordé de branches ployées, laissant derrière nous cette clairière magique.

Revenus à la ferme, j'ai passé un long moment avec TtonytaPetra.
Nous en sommes à J+19.
Elles se sont incroyablement vite et bien adaptées à leur nouvel habitat.
Les rythmes sont parfaitement intégrés. Le changement de nourriture ne pointe plus de désordres digestifs. Une très bonne chose, ça, pour la logistique de l'éleveur : un transit sain, sec, surtout !
La semaine dernière, Petra a fait un petit écart, qui nous a coûté deux jours d'une vilaine diarrhée très malodorante. 
Au soir, les deux miennes longent la clôture, pour faire un brin de conduite aux cousines en transhumance vers leur station de nuit, dans la combe au bas du champ, en cette saison pas trop chaude. Les jours de canicule, le troupeau se couche au haut, cherchant la fraîcheur. Cette année, nous n'y sommes pas !
Petra la coquine a flairé sur l'une des vaches allaitantes l'odeur du bon lait. 
J'imagine qu'elle tétait encore avec profit sa mère, une Brune des Alpes sans doute meilleure laitière que celle de Tony, déjà aride. Elle devait en garder une nostalgie vivace. Passant sa fine tête au travers des rangs de barbelés pourtant serrés, elle s'est allongée, tant et si bien qu'elle a fini par happer une mamelle. Et la sucer. Jusqu'à y faire venir assez de lait pour la chavirer.
La grande, bravasse mais surprise d'être ainsi accostée, s'est reculée, humant quand-même avec tendresse cette toute petite impertinente. Ma Petra a eu un relent de détresse, meuglant après sa mère disparue de son horizon. Celle-ci lui ferait-elle substitution ?
Je voyais venir les ennuis. La grande voisine se faisant vider le lait par ma Petra, et rentrant à son étable auprès de son propre petit le pis sec. Désordres et perturbations à tous les étages.
J'ai hélé ma mienne, je l'ai cajolé longuement, en manière de consolation. Je lui ai expliqué qu'elle était maintenant une grande fille, que le lait, c'était pour les bébés, que je comprenais sa tentation, mais que le mieux était de ne plus y penser.
La grande, éberluée, étourdie par tous ces discours abscons auxquels elle ne comprenait goutte,  a hoché la tête, et s'est éloignée.
Petra dépitée m'a écoutée, à moitié, et s'est détournée, tête basse, vers l'herbe à brouter.
Sa petite incartade alimentaire l'a émotivement chamboulée. Et gastriquement, très fortement dérangée.
A ce soir, tout est rentré dans l'ordre.
Alléluia !


Lundi 26 juillet 2021  15h20


Mon nouvel agencement ouvrier me rend ces lundis surnuméraires payés en tribut toute l'année passée. Je les savoure comme des gourmandises retrouvées alors qu'on les croyait perdues.

En parlant de perdu, je suis très contrariée de ne pas remettre la main sur une paire de mules dont je fis l'acquisition l'année dernière, dans le rayon bazar de  mon supermarché Lidl.
Une paire de mules tout à fait ordinaires, au premier abord. Une semelle de liège, assez épaisse, rehaussée sous le talon, en une assise parfaite à mon pied concave. Ni trop haute ni pas assez, à la bonne altitude, exactement. De quoi faire juste cambrer la chute de reins, sans tirer sur le mollet. Une rareté, si l'on y pense, de trouver ainsi si bonne chaussure à son pied particulier.

Pour l'attache, ces mules reçoivent le pied en une lie large et souple, ouverte en deux bandes. Le cou de pied est maintenu, suffisamment enveloppé, mais pas trop. La toile, sans doute un synthétique vulgaire et sans qualité, s'ajuste parfaitement, ne blesse pas, n'irrite pas, ni ne pince la peau, comme il arrive souvent avec ce genre de chaussants. Une merveille de confort.

J'avais fait l'achat de deux paires de ces chaussures, à cinq euros chacune, estimant là un budget raisonnable pour mon vestiaire de l'année. Ce fut cet argument tarifaire qui emporta à l'abord ma décision. Seulement ensuite, à l'usage, me vint cette grande satisfaction d'avoir, un peu sous une impulsion presque coupable, dépensé si peu pour un confort si grand.

Ce printemps, l'une de ces paires de mules resta à Rivière.
L'autre était d'après moi ici, dans un des cartons du déménagement. Je la revois très bien, acoquinée avec une autre paire de knepettes en caoutchouc bleu, dont je me servais l'été dernier pour faire mon arrosage à la jardinerie.

Je suis maintenant complètement installée. J'ai déballé et rangé toutes mes affaires. 
Une de ces dernières semaines, je me suis mise en quête des mes knepettes, pour les ramener à la jardinerie, puisque la saison chaude demande de longues séquences d'arrosage. 
J'aime à me rincer les pieds, tout en abreuvant les plantes. Je maintiens ainsi une fraîcheur corporelle adéquate à la bonne marche de mes circuits internes. J'ai sur place une paire de sabots prévus à cet effet. Mais, comme tous les sabots, ils sont fermés en leur bout. L'eau envoyée là dedans s'y stocke et clapote, en  gargouillis disgracieux et dérangeants pour une clientèle qui tord vite le nez au moindre bruit suspect. La plupart cherche où se nichent cette armée de grenouilles croassantes.  Au mieux...
Mon bien-être se trouve diminué de cette curiosité engendrée par une nuisance acoustique dont je suis la première dérangée. C'est la raison d'être de mes knepettes ouvertes, en caoutchouc, propres à laisser passer un courant d'eau vive sans en retenir une goutte. Je peux, elles aux pieds, arroser, barbotter, me propulser et travailler, sans gêner personne ni moi-même.

Dernièrement, donc, mes sus-citées knepettes hivernées en visée, je suis descendue à la porcherie-remise. Le carton à chaussures d'été était bien là, aligné sur l'étagère, impeccable, avec son inscription sur le côté. Je l'ai tiré sans difficulté, ouvert. Visité. Sans y trouver mes knepettes, ni mes mules, que je savais associées. J'ai vidé le carton sur la table. Rien ! Quelques espadrilles, deux autres paires de mules sans attrait. Toujours pas de knepettes, et pas non plus mes mules favorites. Ca alors....

Je me targue d'être quelqu'un d'ordonné. Je ne conserve que très peu d'affaires. Ma garde-robe est des plus limitées. Les rangements dans mon nouvel habitat sont vite inventoriés. J'ai par acquit de conscience fait le tour des deux seuls placards possibles où j'aurais pu fourrager mes mules et les knepettes associées, par distraction.  
Même si ça m'étonne de moi, je peux admettre avoir fait une erreur d'aiguillage, dans le déploiement touffu, d'un déménagement même modeste. Rien !
Je me souviens avoir, à l'occasion de ma réinstallation, trié encore dans mes vêtements. En avoir jeté quelques uns, retenus lors d'une première sélection moins drastique. Jamais, par ma seule volonté éclairée, je n'aurais jeté mes mules et mes knepettes d'arrosage ! Jamais, au grand jamais !! 
Non, il a fallu qu'un malin mauvais génie s'y mette : une main obscure a guidé mes gestes, enfournant mes mules et mes knepettes dans une poche quelconque destinée à être débarrassée.
Quel dommage, et quel gâchis ! De si bonnes pièces presque maîtresses, et qui auraient pu durer encore des années à mes pieds...

J'en suis toute désolée. J'ai fait rapatrier mes mules riviéroises par Olivier. Avivant d'autant, par leur port si confortable, la morsure de la peine d'avoir perdu les mêmes.
J'ai ce matin même acheté d'autre knepettes d'arrosage. Gageons qu'elles fassent l'affaire. Pour les mules, j'ai parcouru les étagères, longé les rayons, sans trouver jamais les pareilles aux miennes.
Cette perte restera donc irréparable.
Allez ! En contrepartie, en cherchant mes disparues, j'ai remis à jour, ce gilet-serpillère que je croyais pour le coup avoir jeté. Par ces journées étonnamment fraîches, il me fait bon usage. 
Et honnête consolation.

Je n'étais pas du tout cette après-midi partie pour parler chaussures.
J'étais plutôt occupée de l'enclos encore élargi de TtonytaPetra.
Elles broutent l'herbe rondement. Leur petit pacage est déjà tondu. Nous avons hier matin avec Olivier ouvert le passage vers les châtaigniers. Ce fameux passage où nous les avions tant coursées, le samedi de leur libération vers le pré. Les velles sont petites et tranquilles. Je ne pense pas qu'elles abîment mes arbres bien gainés. Elles pourront ainsi pâturer plus largement, cette bande et le bas du champ. Ca leur donnera de la bonne herbe à manger, et nous épargnera d'avoir à la broyer sans profit.

J'imaginais que TtonytaPetra seraient toutes contentes de voir leur horizon ainsi élargi. Les portails enlevés, je les ai appelées. Elles sont venues à moi, au petit trop, guillerettes. Et se sont arrêtées, net, à l'endroit où les piquets marquaient encore leur ancienne limite. Impossible de leur faire passer cette barrière maintenant imaginaire.

- Quoi ?! m'a dit Petra, courroucée, tu nous a tant grondés la dernière fois pour être allées là, et tu veux maintenant nous y pousser ? Non, mais dis-donc, tu ne tournes pas rond ?!

Ttony allongeait le naseau, vivement intéressée par l'herbe fraîche à portée, tendant le cou, mais sans avancer.

Je n'ai pas insisté.
Toute la soirée, elles ont pacagé l'herbe rase qu'elles avaient déjà broutée.
Ce matin, quand-même, depuis mon lit, je les ai vues, au jour levé, les quatre sabots bien plantés dans l'herbe haute du corridor.
A mon appel, un peu plus tard, elles sont arrivées, les panses rebondies et la prunelle toute éclairée.
TtonytaPetra ont de quoi largement pâturer. Elles sont en pleine croissance. Il leur faut de la bonne nourriture, et de bons soins.
Je veille.

Mon temps d'écriture est achevé.
Je retourne maintenant curer l'étable d'où mes petites sont tout juste sorties.
Aller après prendre ce soleil chaud.
Savourer cette journée détournée et délicieuse d'autant.


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