vendredi 15 janvier 2021

3 au 15 janvier



Dimanche 3 janvier 2021 10h




Ce début d'année rosit les joues, sur les hauts d'Agorreta.

La Rhune scintille d'un blanc pur. Ma Bullou en paraît jaune. 

Nous sommes en villégiature à Hendaye.
Nous nous faisons gentiment à cette cadence sur deux départements.

Je me sens mieux d'être plus souvent ici.
Les chiens sont devenus itinérants. Ils pratiquent maintenant le voiturage sans encombres, ni vomissements. C'est bien pratique.
A chacune de nos transhumances, ils suivent le train sans barguigner. Les deux petits bondissent allègrement dans le coffre ouvert. Lola, plus poussive, frétille par terre, attendant le hissage.
Ils paraissent contents, ici ou à Rivière, du moment où ils sont avec nous.
Ils retrouvent leurs traces autour de la ferme, celles des locaux, leurs usages et leurs jeux.

Je rattrape mes deux pays, je les remembre. J'expérimente les réunifications des états dissidents. La volonté commune est majoritairement pour. Chacun y met du sien. On remise au fond des tiroirs les doutes et les méfiances.
Je travaille à la mise en place appliquée d'un équilibre nouveau.
Notre communauté fraternelle a évidemment subi l'onde de choc de mes tergiversations.
La houle s'est aplatie, et le fond redevient apparent. Je vois mieux où envoyer mes lignes.
Mon principal projet 2021 sera celui-là : l'instauration d'une nouvelle stabilité, méchamment malmenée en 2020.
Un pari comme un autre...

Le jour de l'an a été marqué à Rivière par une montée des eaux inquiétante.
Vendredi 1er au matin, nous étions tous dans le garage de Jeannot, beau-papa, affairés à sauver les terrines de confits.
Les parents d'Olivier sont plus jeunes que ne l'étaient les miens. Il n'a pas comme moi une tripotée d'aînés. Ils louvoient tout de même au plus près des 85 printemps. Et hivers. 
Dont celui-ci, le dernier, où les eaux de l'Adour sont venues, par deux fois, déjà, lécher les marches de leur maison. Le garage, en contrebas, devient alors une petite mer tranquille, où le clapotis lancinant lape les murs et les étagères, sur lesquelles s'alignent les jolis pots de confits, entre autres.
Chaussés haut de caoutchouc, nous avons extirpé quelques électroménagers en péril.
Jeannot, casquette vissée bas sur le front, faisait à petits pas de multiples aller-retour, marmonnant dans sa barbe, qu'il n'a pas.
Je le regardais, étonnée parfois de ses priorités : il soulevait précautionneusement un trépied à réchaud tout rouillé. D'après moi, l'engin aurait très bien supporté une immersion de plus. Et bien non, pour Jeannot, il fallait sauver ce bébé ! Il me le tendait à bout de bras, comme un colis fragile et précieux. 
Sans faire de commentaires, ce n'était pas le moment, je lui pris le trépied des mains, et l'entreposai précautionneusement, avec tout le respect dû à son rang, dans une remise plus haut.
Une vieille planche déglinguée fût elle aussi rehaussée par dessus la pile de bois, et calée soigneusement, avec une pierre plate par dessus. 
Je gardais mes fines observations par devers moi. Olivier et son beau-frère s'activaient en presse.
Nous finîmes par estimer avoir sauvegardé l'essentiel. De Jeannot.
C'était le plus important. 

Nous avions prévu de nous retrouver là pour le déjeuner du jour de l'an. Du temps de mon père, nous y venions avec lui. Il goûtait fort la bonne cuisine de Paulette.
Ce vendredi, nous eûmes juste le temps de repasser à la maison, pour mettre des vêtements secs. Il fallut faire un petit crochet, l'itinéraire habituel étant noyé.

Pendant le trajet, je considérais ce paysage aqueux d'un œil circonspect. Je n'aime pas beaucoup l'eau. Encore moins quand elle vient me lécher les orteils, dans ma maison. Les arbres palustres, la forêt inondée, ne me rassurent pas.
Pendant le repas, en traquant le bulot biscornu dans sa coquille, je tenais à l'œil l'Adour proche : un effet d'optique bien désagréable me la faisait voir plus haute que nous, assis autour de la table de fête.

C'est quand même inouï, que je sois arrivée là, la seule année de ces dernières cinquante où les eaux sont montées aussi haut !
Non, vraiment, sans être superstitieuse, j'y verrais facilement un signe...

Nous rentrons demain à Rivière. Il faudra plusieurs jours paraît-il avant que la forêt sorte d'eau.
Plusieurs jours cantonnés dans le seul quartier. A patienter.

Mercredi 6 janvier 2021  20h

Le froid est toujours vif. Le poêle ronronne à plein.
Je pensais faire ma grande promenade, cette après-midi.
Doudou annoncée a contrecarré mes plans.
Je me suis contentée de descendre dans le champ, pour récolter le gui accroché aux branches basses des carolins. J'en ai attaché quelques brins ici et là dans la ferme. Ca porte chance, m'a-t-on toujours dit. 

Pour faire bon poids, j'y mêle du laurier. Et puis, du houx, coupé dans une commune voisine, sans avoir à traverser de cours d'eau. Ne me demandez pas d'où viennent ces instructions cocasses. Je les tiens de sources lointaines et diffuses. 
Ce petit cocktail  botanique préserverait de la foudre, et des gales. J'en accrochais sur les râteliers au dessus de mes vaches. Qui pourtant en avaient quand-même quelques unes, des gales, d'ailleurs. 
Ca éloignerait la malchance, aussi, plus généralement. 
Sans être complètement bigote, je reste superstitieuse. Ca peut marcher, et ça ne mange pas de pain, alors... Je fais ça le dernier jour de l'année, en principe. Et bien, cette fois, ce sera aux rois. Et, pour le houx, dimanche prochain, si tout va bien. Le sort, je l'espère, ne me tiendra pas rigueur de ces menus manquements au calendrier.

Doudou mérite bien une messe manquée.
Je l'ai écoutée, je me suis laissée bercer par sa voix basse et son débit lent. Nous avons bien ri.
Elle repose. 
Nous avons ensemble été visiter le caveau où Doudou a parlé à mon père, comme si elle l'avait devant elle.
Je l'ai regardée faire, et j'ai souri, émue et attendrie.
Quand je suis revenue à la ferme après l'avoir raccompagnée chez elle, il était trop tard pour sortir prendre l'air.
Je vais remettre ça à vendredi, à Rivière. Si l'eau est redescendue...


Vendredi 8 janvier 2021 20h30

Le froid vif givre les bosquets perdus dans la brume. Dans les halos des lampadaires de la rue, l'ambiance est irréelle.
L'eau redescend, lentement.
La forêt reste inaccessible à la promenade. Je me suis contentée d'emmener les chiens fureter dans les fourrés proches. Ils ont couru et reniflé, bien contents de rentrer assez vite.

J'ai suffisamment pris l'air, hier. Toute la journée, emportée par un de ces élans qui me soulèvent périodiquement, j'ai déplacé des plantes, ré agencé les jauges de ma pépinière. Les collègues me regardaient à travers les vitres, retranchés dans le magasin tiède. J'étais chaudement habillée, empêtrée dans mon coupe-vent à la capuche remontée. Je travaillais, tranquille, seule dans ma pépinière désertée par le froid.
Je continuerai demain. Je mets en œuvre ma vision du moment. J'en ai validé le plan avec mes coéquipiers. Nous avançons rondement. Pour la fin de semaine prochaine, la pépinière devrait être transformée.

Pour ce soir, ici aussi , nous avons réaménagé. Cette pièce justement où j'écris. 
Un meuble imposant a failli rester coincé dans le couloir. Il a fallu désosser sur pied.
A l'heure où j'écris ces lignes, la bête est démantibulée, dans la grande pièce. Elle gît, penchée sur le côté. Elle sera enlevée dès demain au matin.

J'arrange ma vie et mon espace, ici.
Je m'y fais une place. A défaut d'y prendre racine.



Dimanche 10 janvier 2021  17h

Sur le chemin de retour vers Rivière, Mère-Rhune m'impose la majesté de ses flancs blancs :







Vendredi 15 janvier 2020 11h

Quelques administratifs m'ont tenue ce matin.
De ces histoires de branchements de compteur, où je me suis perdue, entre comptes et liens. Ces nouveaux modes communicatoires me restent hermétiques. J'essaie bien la téléphonie vocale. Malheureusement, avant de tomber sur une voix humaine, lointaine et souvent pressée, il faut en passer par un cheminement besogneux de tâtonnements entre chiffres à composer, et demandes plates à édicter, à une machine sans âme. Quand enfin l'humain se présente, c'est le plus souvent pour vous renvoyer vers des espaces électroniques, froids et machiavéliques.
Enfin, je pense m'en être tirée...

Je m'occupe ces temps-ci de mes installations projetées. L'idée m'en plaît et l'affaire suit gentiment son train.
J'ai l'impression maintenant d'être vite très occupée, par bien peu de choses.
Avant aussi, pourtant, je devais régler ce genre d'affaires. Et j'avais bien plus d'annexes à mener de front. Je le faisais sans mal, si je m'en souviens bien. Ou alors, cette nouvelle technologie communicative, quand on la maîtrise mal comme je le fais, est bien plus chronophage. A savoir...

Je me demande si je ne deviens pas inopérante. Fainéante, si je le deviens, je ne me le demande plus, je le sais !
Aurais-je brutalement basculé dans le camp des rétrogrades impuissants à suivre la marche ? Peut-être bien. 

Avec tout ça, le temps me passe, et pas spécialement plaisamment. 
Mes journées chômées en deviendraient moins divertissantes.
Ca ne va pas. Je dois reprendre tout ça.
Dès que la machinerie est en route, je lève le pied, et laisse couler.
Il me semble avoir dit cela bien souvent. C'est ce "dès que", qui paraît s'éloigner au fur et à mesure qu'on croit l'atteindre. Comme la petite souris en plastique qu'un méchant malin tire devant le chat dépité.
Les transferts entre départements génèrent sans doute une agitation néfaste à l'efficacité dans la gestion du temps perdu.
Bon, il va falloir regarder ça aussi de plus près.
D'un autre côté, si l'horizon devant moi s'aplanit en espace vide où rien ne me requiert, je ne suis pas sûre de m'en satisfaire non plus...

Aahh non, ça n'est pas facile tous les jours, ça non plus !

Toutes ces interrogations existentielles me mènent à l'heure de préparer le repas.
Mais là, je n'ai pas l'impression d'avoir mal employé mon temps. Je n'ai rien fait d'utile à la marche de mes affaires en cours, non, mais, pour autant, je me suis fait du bien. 

Jean d'Ormesson écrivait : "j'écris quand quelque chose ne va pas".
Jean d'Ormesson, académicien nonagénaire, ça n'est pas la moitié d'un con.
Ou alors, en quoi peut-on croire ? 
Où aller chercher la sagesse intellectuelle, si ça n'est dans les esprits des grands érudits ?
Les grands politiques paraissent plus contestables, en matière de direction de pensée.
Et les gourous, je m'en méfie.

Alors, si, quand j'écris, c'est que quelque chose ne va pas, autant espérer que je n'en ressente plus l'envie. Ca voudrait dire que tout va bien. Mon horizon vide me suffirait.
Je ne suis pas sûre d'être séduite pas cette perspective.
Non, je pense plutôt préférer exulter dans l'écriture. Si exulter ramène à exutoire. Ce petit l surnuméraire me trouble.
Accepter le "ce qui ne va pas", et le déposer là, en ces pages. En consigne.
Ecrire l'avenir comme j'ai envie qu'il me vienne. Relater le présent comme je préfère qu'il soit. Raconter l'histoire comme il m'arrange de le faire.
C'est une grande liberté, l'écriture.
Ca donne corps et vie à une réalité fantasmée.
Quand on n'est pas trop tordu, le fantasme, ça doit faire du bien.

Pour le moment, mon petit fantasme, c'est une  image naïve.







Je me la garde en tête. Je me la repasse en boucle.
Elle me vient de pas trop loin, et me mène là où j'ai l'envie de revenir.
Quand ce temps pas perdu m'y déposera. 
Ou pas...





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