lundi 17 février 2020

12 au 17 février



Mercredi 12 février 2020 16h









Mon panorama favori du moment dévoile ses contours. Le dos bossu des 3 couronnes s'arrondit en gris transitoire entre les premiers contreforts plus sombres et le ciel encore ennuagé. Les rideaux d'arbres nus encadrent la prairie longue au vert incongru dans ce paysage d'hiver. La mauvaise saison a été clémente cette année, jusque là. 
Les moutons blancs essaiment, têtes baissées à brouter l'herbe rase. 
Juste au dessus de moi, trois grands chênes aux branches biscornues tirent eux aussi le regard vers le sud. Il y a là encore quelques châtaigniers du pays, de beaux sujets à la ramure large et ronde. 
Un grand pin foncé marque l'angle. Mon oncle l'aurait, dit-on, ramené des Landes, où il s'employait aux scieries. Ma légende personnelle en éloignait la provenance aux lointaines Amériques. 
Par ses fantaisies des mémoires où chacun retient ce qui le marque, et en fait ce qui lui plaît ou l'arrange, notre histoire familiale s'irise de nuances chatoyantes, où le reflet se perd dans des méandres flous.
Pour ce que j'en ai appris, le phénomène n'est pas circonscrit à notre seul périmètre. L'histoire, la grande et les petites, montrent bien des facettes, et s'interprètent de tout et de son contraire, selon les points de vue.

J'ai ainsi interrogé mon père sur notre passé, recoupé des dates et des événements, et mis à jour certaines contradictions flagrantes.
Si l'envie m'en vient, je revisiterai tout ça. J'en avais fait l'ébauche aux débuts de ce "bloc", posé les dates et les faits, ou du moins, pour les faits, ce que j'en savais et avais bien voulu relever.

Ainsi, ma promenade bucolique m'amène maintenant à visiter des endroits inédits. Tout proches de ma course ordinaire, à quelques mètres à peine de mon parcours de toujours.
On peut durant près de soixante années passer tout près de ces pépites, de ces niches où la vue se repose d'un équilibre parfait et d'une harmonie à la mélodie d'une grande justesse, de ces recoins où l'atmosphère devient mystérieusement exotique, et les ignorer.

Je suis maintenant attentive à ces petits trésors discrets et faciles à conquérir, pour peu que l'on sache les voir.



Dimanche 16 février 2020 8h









Depuis toujours, dans cette même idée de savourer les plaisirs tendus à portée, je contemple chaque matin le levant.

Ce dimanche, les cieux m'ont été spectacle suffisant à me tenir là, emplie de tant de beauté, pendant un long moment de contemplation.
La montée de la lumière, son jeu dans les nuages étirés langoureusement, la maturation des couleurs soulevées de clarté, m'ont parus irréels, fantastiques d'une magie grandiose.

Je suis emphatique, je le sais, et emballée assez vite.
Là, pourtant, j'imagine que même les plus obtus se seront laissés charmés. Au moins, je le leur souhaite.


Lundi 17 février 2020 9H

Mon séjour mensuel à Rivière se noie ce matin dans une grisaille basse.
D'ici, même par beau temps, je ne vois pas le levant et le couchant. L'horizon est trop plan pour me les livrer à la vue.
D'ici, j'apprécie les bois, cette forêt profonde où j'aime cheminer entre les fûts plusieurs fois centenaires.
J'aime l'eau tranquille de l'Adour, sinuant entre les berges ployées sur elle.

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J'aime particulièrement cette image hivernale, où le soleil du soir posé sur l'onde en reflets métalliques cueillait en ombres chinoises parfaitement ciselées les ramures noires.

Chez moi, à Agorreta, j'ai les monts et les perspectives.
J'y aurais aussi la mer, si j'aimais son élément.
L'eau soulevée d'un courant puissant, les vagues aux déferlantes écumeuses, le grondement sourd de cette masse liquide en mouvement constant, ne m'attirent pas. Elles m'effraient, plutôt.
Même plate et lisse, la mer m'inquiète. Je la sens profonde et prête à m'engloutir. Je ne connais pas le plaisir de me fondre dans l'onde, de m'y glisser et de me laisser porter. Et, partie comme je le suis, je pense que je ne les connaîtrai jamais !
Je n'ai pas appris à nager, moi, résidente d'une cité balnéaire famée.

Je ne sais pas d'où me vient cette appréhension de l'eau vive. De sa force ou de son manque, d'ailleurs. 
L'eau m'est souvent tourment, et ces chroniques en témoignent.
Je crains par exemple exagérément les fuites d'eau, et sa possible pénurie subséquente. Ce n'est pas complètement déraisonnable, au vu de notre installation, où des centaines de mètres de tuyaux enterrés desservent des conduites antédiluviennes. Je pense même que nous avons encore des segments en plomb !
Pour autant, l'eau nous arrive, gentiment, et je pourrais gagner suffisamment de confiance dans le sort pour ne pas m'en préoccuper autant.

Là comme dans nos souvenirs, d'obscures raisons nous gouvernent, et nous fourvoient.

Ma mère me contait souvent comment, arrivés en catastrophe à Agorreta, réfugiés d'une guerre civile sanglante en Espagne, ils devaient s'échiner à aller chercher l'eau à Erreka, point le plus proche où s'approvisionner. Elle me racontait au passage, encore outrée, comment on leur avait refusé cette eau, à Errondenia, quand ils étaient venus la quémander.
Oubliant sans doute de préciser que de l'eau, eux non plus, ils n'en avaient pas, à disposition !

Ainsi vont nos relations qu'elles alimentent volontiers nos théories, quitte à en abandonner les pans les mieux éclairants, au profit d'une réalité biaisée, mais mieux adhérente à ce qu'on veut en retenir, ou en montrer.
Imparfaite mémoire d'une humaine nature fantasque !

De là me viendrait peut-être cette phobie de manquer d'eau nourricière ?

Pour la peur de m'y noyer, je me demande si la grande secousse ressentie quand, tout près d'accoucher de moi, ma mère dans un accident de voiture écrasa son gros ventre contre le volant, durement, n'y prend pas sa racine.
Comment se sentir en sécurité dans un élément où la mémoire d'avant la nôtre se souvient d'avoir été ballottée et endolorie ?
Ma mère avait plus de quarante ans, à l'époque. Sa chair n'avait plus l'élasticité de la jeunesse, et son maintien en perdait sa fermeté. Le liquide amniotique épanché dans une contention si relâchée n'amortissait plus aussi bien les chocs.
Là, ce n'est pas moi qui affabule. Du moins, ce n'est pas seulement moi.
Un spécialiste de la science médicale m'a expliqué ainsi l'origine de cette conformation cervicale ébranlée. Et y a trouvé matière suffisante à causer une bonne partie de ces désagréments qui grèvent ma condition sanitaire sinon plutôt satisfaisante.

Je ne referai pas l'histoire. J'y mettrai juste ce brin d'imagination pour la colorer à mon goût.
Je suis issue d'un ventre vieilli et durement meurtri.
Je suis issue aussi d'un sang vif et ardent.
J'essaie d'en porter au mieux le faix, et d'y garder la fantaisie joyeuse.


18H






Nous rentrons avec Olivier de notre promenade dans les bois.
Nous y avons retrouvé les cigognes perchées sur les caténaires, occupées à préparer les nids.
Nous y avons croisé les rustiques chevaux barthais tout crêpés de boue.





Nous y avons longé ces plans d'eau dormante où s'allongent les vergnes.






Nous y avons été surpris par l'orange vif en soleil, dans les broussailles grises,  d'une souche de saule sauvage.







Marché le long de l'onde frémissante en écailles argentées, sous les silhouettes hautes enluminées d'un soleil pâle.
Une petite averse têtue nous a fait un brin de conduite.




Pour aller finir vers la mer, et nous laisser rentrer dans la lumière blanche.

Cette grande goulée de bon air nous ramène toujours contents et légers à la maison.

Je savoure mes séjours à Rivière comme une gourmandise. Avec franc plaisir et juste modération.

Demain, je reviens vers le sud, en passant par la jardinerie.
J'y reviens comme de voyage, tant quelques dizaines de kilomètres suffisent à me dépayser.
J'y reviens en en emportant de jolies images, et de très bons moments.
J'y reviens en retrouver d'autres, et remercier le sort de me les dispenser largement.

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