mercredi 26 février 2020

23 au 27 février




Dimanche 23 février 2020 8h








Ce dimanche matin n'offre pas les splendeurs de celui de la semaine passée. Les cieux sont à peine irisés d'une lumière pâlotte. 
J'ai meilleur spectacle dans mon étable. Mes quatre belles mâchouillent à l'envie les goulées de foin qu'elles tirent vigoureusement du râtelier. Ce beau râtelier, œuvre magistrale d'Olivier, qui s'intègre parfaitement dans nos vieux murs, et que nous donnons volontiers à admirer au chaland de passage.

Les Neskaks sont en pleine croissance. Il faut veiller à ce qu'elles ne manquent de rien. Une carence à cette étape de leur développement grèverait leur vie d'adulte.
La KattoPelato, la dernière de la ligne, m'a donné quelques soucis, dans la semaine.
Je l'ai sentie moins fluide dans ses mouvements, plus lourde et lente à se relever, notamment. 
Pour son allure abattue, elle lui est coutumière. C'est de cette posture un peu misérable, qu'elle tient son nom :"Katto Pelato", soit "Chat pelé", comme on dirait "chat mouillé", imageant la tournure d'une pauvre bête pas trop allante. 
Ma Katto pelato n'a pas la mine d'une performeuse conquérante. Elle vit sa vie de génisse en toute sérénité, pour autant, et son engouement à la vivre, nonobstant sa sobriété de mine, n'en est pas moins vif.
L'alimentation de ma bête à l'allure d'un Kalimero bovin n'a pas changé. Je ne pouvais pas mettre ses raideurs sur le compte d'une fourbure éventuelle.
J'ai pensé à ces poussées de croissance, dont nos jeunes adolescents sont parfois victimes, quand les membres leur poussent plus vite que le tronc, étirant douloureusement leurs articulations.
Je me suis fait confirmer le diagnostic par ma rubiconde Katerin de Sare.
Deux semaines d'anti-inflammatoire, sous forme d'acide d'aspirine,  devraient la soulager.

Déjà, puisque j'ai initié le traitement vendredi, je la sens mieux. Elle n'a à aucun moment perdu l'appétit. L'assagissement de ses douleurs mieux drainées par l'aspirine redouble sa faim. Je ne la prive pas. Elle mange, elle s'étire, elle grandit, et embellit, ma toute belle.

Mes Neskaks sont de petits gabarits. Elles sont très joliment découplées, rondes sans être épaisses. Leurs masses musculeuses s'arrondissent en croupes et épaules bien évasées.
Elles sont expressives, cajoleuses, enjouées et câlines.
Elles sont mes petites beautés, mes quatre grâces.



18h50

Une lente et longue après-midi de détente m'amène au soir, un peu alanguie de tout ce temps libre.
L'après-midi ensoleillée, cette période hivernale bien clémente où février sec rattrape  novembre détrempé, ont tiré les promeneurs en extérieurs. La contrée s'animait de petites familles regroupées sur les monts abrités du petit vent de noroît. Sur les sentes, des maîtres et leurs chiens se croisaient, jaugeant de loin l'opportunité à boucler une laisse, ou mettre en place une muselière.
Ma mini-meute anarchique ne connaît ni laisse ni collier. Je louvoie, obliquant sur des itinéraires parallèles, quand j'aperçois de loin d'autres chiens. 
Ma Bullou les repère bien avant moi. Je peux me fier à sa démarche subitement coulée, échine aplatie et petit trognon de queue plaqué, les oreilles basses. Elle bifurque alors à la première croisée, se retournant vers moi pour m'implorer de la suivre. J'en suis quitte parfois pour la porter dans les bras, toute tremblante, si ma visée du jour m'oblige à maintenir le parcours.
Quand, le présumé danger passé, je la relâche, elle s'ébroue et me bouscule en me poussant sur les jambes de ses solides pattes antérieures, avant de reprendre la promenade, petit trognon de queue fièrement dressé, là, pour le coup.

Nous avons fait une longue pause, à l'écart du chemin, au soleil chaud. Les chiens couchés près de moi sillaient voluptueusement, pattes croisées. Lola se plaît à se couler sur le ventre, postérieurs étirés derrière elle, pas bien loin vu leur brève taille , en un rampé idéal pour se frictionner le bidou. Elle vient ensuite s'assoir contre moi, le flanc appuyé sur ma cuisse.

J'ai eu un de ces moments de relâche, où le temps semble arrêté, et vous glisse des épaules comme un gilet trop chaud. 
Un de ces moments où une apathie bienfaisante vous dégage de tout tracas, vous laissant dériver mollement dans une fluidité suave.
Je ne sais pas si c'est un effet de l'âge, ou bien de ma nouvelle tournure : je me tracasse beaucoup, pour bien peu, souvent.
Je me souviens, de plus en plus vaguement, de cette époque où rien ne m'inquiétait.
Ca m'a duré un bon demi-siècle, j'ai eu le temps d'en profiter !
La perte de ce blindage insouciant m'a longtemps affectée. Tout le temps où le souvenir bien vif de sa jouissance m'en faisait cruellement ressentir le manque.
Maintenant, je me souviens moins de cette femme d'avant. Elle s'est suffisamment éloignée de moi, pour ne plus m'écraser sous son ombre portée.
Je souffre moins d'une perte que je ne sens plus.

J'ai été surprise de me découvrir vulnérable, bien différente de celle que je pensais être, de celle que j'étais, objectivement, alors.
Je suis surprise maintenant, quand je me vois très capable encore d'insouciance et de légèreté.
Etonnée, presque, de me trouver efficace et performante, au hasard d'une circonstance.
J'en attends moins de moi. Je sens qu'on en attend moins, aussi, de moi, autour de moi. Ca allège considérablement cette charge devenue trop lourde.

Ma surprise de maintenant en est bien agréable. Ce tournant dans ma vie me ménage ainsi des éclaircies où je repose mes doutes et mes craintes.

Cette après-midi en a été une.


Mardi 25 février 2020 20h

Une sale chute brutale et fulgurante, ce matin, m'a mâchée l'épaule et la hanche.
Maudit Ménière. Le déjeuner, hier, à Ibardin, a été bien bruyant, c'est vrai, et mes délicates membranes auriculaires ont du en frissonner trop fort.
Ce matin, la seule pression pourtant minime d'une petite mise en train de ma journée ouvrière a suffi à lézarder en  rupture ladite membrane; le résultat en étant une perte fracassante de la verticalité, comme l'expliquent les spécialistes autorisés; Profanement dit, une chute saisissante, et douloureuse.
Bien, il faudra s'en souvenir aussi, de celle-là. 


Mercredi 26 Février 2020  19h46

Nous vivons ces jours-ci un curieux retour-arrière.
Nous remontons d'une bonne quinzaine d'années dans le temps.
Comme les Dumas père et fils, pas loin de 20 ans après.

C'était alors l'heureux temps du chemin des Crêtes, relaté ci-haut.
Le temps bousculé où crêtes de coqs et jambes de poulets ferraillaient à qui mieux-mieux.
Le temps politique où ces gens de la "haute'  nous la tenaient effectivement "haute", leur dragée amère à nos rudes salives paysannes.
Je ne vais pas refaire l'histoire. Elle est déjà faite, en début de mes chroniques;
Juste peut-être reprendre ici quelques épisodes, histoire de mieux comprendre l'actualité :


lundi 30 novembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES, LA SCENE



Bonjour à tous !

Nous reprenons le cours des jours clairs et lumineux :







Mère-Rhune bleue profond sur aube irisée limpide.

















La baie émergée des dernières brumes de la nuit.

La température est vivifiante.
L'ambiance pure et ciselée.

Novembre termine en grande beauté, cette année.
Une de ces beautés un peu inquiétantes d'être aussi parfaite.
Quand on se dit que rien ne sera aussi beau après...



J'entame ma série sur le Chemin des Crêtes.

Nommé ainsi en raison de sa situation en surplomb élevé.
Anciennement une redoute révolutionnaire durant les guerres napoléoniennes.  L'endroit est stratégique, face à la mer, avec les montagnes en bouclier, et les vallonnements à découvert entre les deux.






















Un site magnifique, encore un, non loin d'Agorreta toujours, sur la commune d'Urrugne.

La mer en face, le Jaizkibel à droite, les trois couronnes dans le dos.

Par ce matin ensoleillé et pur, un bijou lové dans un écrin précieux.





Le Chemin des Crêtes est cette modeste voie rurale, longeant la "crête" bien nommée :





Il y a bien le Chemin des Cimes, plus connu, entre Bayonne et Saint-Pée sur Nivelle. Des paysages enchanteurs et apaisants.
Celui-ci, les Crêtes, moins en altitude, moins élevé, bien moins long aussi.
Crêtes, comme petites hauteurs, mais aussi crêtes de coq, de coqs de combat...

Et des combats, il y en eût, dans ces parages.
Des terribles et sanglants, il y a longtemps. Des plus prosaïques mais tout aussi passionnés, à notre échelle.

Pour aujourd'hui, je vous présente juste la scène, et les personnages, nous, et les autres, ramenés à leurs initiales pour la partie adverse, et représentés par leurs maisons.

De notre côté, vous nous connaissez maintenant un peu. Mes frères, et moi.
Pour la partie adverse, les voisins :





Madame et Monsieur de C.















Madame et Monsieur B.















Madame et Monsieur M.

















Madame et Monsieur R.










Tous ces gens ont eu la bonne idée d'avoir un patronyme à première lettre différenciée. Très commode.
Je vous les présenterai une prochaine fois, bien-sûr. Chacun à leur manière, ils valent le détour.

Les faits que je vais relater ici sont prescrits, maintenant. Nos relations avec ces gens apaisées.  Inexistantes majoritairement. Cordiales quand même, avec le couple Mme et Mr M.

En dehors de ces personnages à proximité géographique immédiate, il y eut des intervenants plus éloignés, mais tout aussi intéressants.
Des élus, des responsables municipaux, des agents de la sécurité nationale, et autres...

Je vous livrerai ici des courriers originaux. Je vous raconterai des faits réels.
J'ai recueilli l'avis de mes plus proches intéressés.

Je vous raconterai les choses à ma manière. J'élargirai les faits à mes hypothèses. J'inventerai selon cette imagination follette dont je suis la servante soumise.

Nous nous amuserons bien ensemble, je l’espère.

Entre deux travaux manuels, entre deux pots de peinture et un marteau, je reviendrai me détendre le cervelet à mon clavier.

Je vous laisse ici pour aujourd'hui.
L'après-midi est si belle. Je vais vaquer dehors et profiter su soleil.

A bientôt !



Bonjour à tous !

En ce dimanche matin, j'entends le vent souffler dehors, sans colère.
Je ne suis pas encore sortie. Il est tôt. J'ai une bonne heure devant moi avant l'heure d'aller soigner bêtes et gens résidents de la ferme.

J'aime ces tout petits matins calmes. Ce temps rien qu'à moi, chapardé sans mauvaise conscience.

Revenons à notre Chemin des Crêtes.




Ces fameux terrains du Chemin des Crêtes furent acquis dan les années 40 par mon oncle Nicolas Olaciregui, frère de ma défunte mère Carmen.




Vous vous doutiez bien que je n'allais pas vous en priver trop longtemps, de celle-ci !


Nicolas, ce grand gaillard fier et sec, bras de travailleur de force croisés serrés sur un torse puissant.










Nicolas est resté à Agorreta après que tous ses frères en soient partis, tragiquement pour d'eux d'entre eux, et exilé en Gironde pour le troisième.
Revenez si ce point vous intrigue aux débuts de ce "bloc"...


L'oncle Nicolas a cohabité un moment avec mon père, quand le Legorburu d'Errandonea est venu épouser la fille d'Agorreta, en 1951.

Je vous l'ai dit plus haut, (cherchez, là encore !), je ne sais pas dans quelles conditions s'est décidé son départ pour les Etats-Unis.
A cette époque, beaucoup de Basques s'expatriaient sur le nouveau continent, avec la perspective d'y faire bonne fortune. Le frère de mon père, Léon, a suivi cette trajectoire, et fondé au Nevada, une dynastie de Legorburus.







Nicolas, marié sur le tard à Lola, a eu un seul fils, Joe. Ce cousin a été plus productif. Il a engendré une petite demi-douzaine de descendants, que je ne connais pas.

Avant de partir s'installer aux Etats-Unis, Nicolas était un travailleur acharné, courageux et tenace. Le grand air du nouveau continent ne l'a pas vicié. Il est resté toute sa vie un travailleur acharné, courageux et tenace.
Il cumulait plusieurs emplois. A Agorreta, en plus du travail à la ferme où il assurait une bonne part, il était salarié à l'extérieur. Pas assez fatigué par ses deux journées de travail, il arrondissait les fins de mois en se livrant à un petit trafic de contrebande transfrontalier.
Là aussi, c'était monnaie courante, à l'époque.

Par les nuits sans lune, et même par celles avec, Nicolas arpentait les montagnes, de la marchandise sur le dos, en paquets de plusieurs dizaines de kilos.
Il était sec et sportif, taillé pour la performance physique, jamais fatigué, et toujours prêt à se donner de la peine, pour amasser un petit pécule.
Ce goût du gain a toujours été très prononcé du côté de ma mère. Elle mettait sur le plus haut barreau dans l'échelle des qualités le fait d'être travailleur, et économe. Une philosophie familiale, sans doute, chez les Olaciregui, un credo, une religion...
Un peu perdue de vue par nos jeunes générations, n'est-ce pas ? Enfin... les temps changent, sans doute !

Cette épargne constituée petit à petit, à la sueur de son front et à la force du poignet, assurait dans l'esprit familial une promesse de liberté. Mes grands-parents ne sont jamais devenus riches. Ils ont écarté la misère venue rôder autour d'eux pendant la guerre civile de 1936, en Espagne.
L'aspect illicite de l'activité de contrebande ne les a jamais trop dérangés. Ces lois, promulgués loin, qui attribuaient à la même marchandise des valeurs totalement différentes d'un côté à l'autre d'une frontière arbitraire, leur semblaient illisibles. Incompréhensibles et injustifiables.
Contourner de telles aberrations, en tirer un profit illégal, constituait une défense légitime contre les stupidités de gouvernants inconnus. Et une opportunité à saisir...

Evidemment, les modestes passeurs du type de mon oncle n'ont jamais fait fortune, en courant la montagne. D'autres savaient mieux qu'eux tirer parti de la manne, et les utilisaient en les récompensant à minima. 
Les Olaciregui étaient vaillants et un peu frondeurs, sans tourner à la délinquance organisée et au grand banditisme, quand-même !

A force de travail et d'épargne, Nicolas s'était constitué un pécule suffisant pour envisager l'achat de quelques terres. Il voulait prendre racine, graver dans le sol son nom et sa sueur, qu'il ne plaignait pas. 
C'est là que demeure un flou. Dans cette volonté de possession d'une terre, qu'il allait pourtant bientôt quitter. Je vous l'ai dit, ma mère ne m'a jamais éclairci ce point. Il restera dans les ombres de l'histoire familiale.
Peut-être Nicolas avait-il, dans ces années là, l'intention de revenir au Pays-Basque, fortune faite ?
Beaucoup l'on fait. Pas lui.

Lui, il a fait sa vie au Nevada. Une vie, toujours, de travail, et d'épargne. 
A sa mort, sa femme, Aunty Lolita, et son fils, cousin Joe, sont venus au vieux continent, régler les affaires.
Ils voulaient liquider leurs biens au Pays-Basque.

Lola hachait un basque chaotique et difficile à comprendre. Joe ne parlait qu'anglais.
Je fis les traductions de mon mieux.
Il fut décidé que mon frère Antton rachèterait ces terres.
Là encore, pour les détails, reportez-vous aux débuts de ce "bloc"...

Tout ceci se passait en fin des années 1990.
Les terrains du Chemin des Crêtes faisaient partie de l'exploitation agricole d'Agorreta, alors en fonction.
Nous les utilisions essentiellement en prairies. Une bonne partie était impraticable, trop pentue et dangereuse pour pouvoir être cultivée. 

Nous en tirions ce que nous pouvions.
Le site magnifique se prêtait bien aux travaux de grand air, et nous profitions du panorama, en chargeant nos remorques de foin et de fougères :







C'était là encore un temps où l'effort ne se comptait pas. Un temps où les bras vigoureux ne manquaient pas, et ne rechignaient pas à la tâche. Un autre temps, quoi...















A l'époque du rachat de ces terres à mon "cousin d'Amérique", mon frère aîné pratiquait déjà intensivement le terrassement.
La tradition ancestrale de la famille, la culture de la terre, avait muté chez lui en une variation cousine : le terrassement.
Ce terrassement, travail du sol en vue d'un réaménagement du site, procède d'une philosophie différente. On ne travaille plus la terre pour lui confier ses espérances et en retirer des récoltes.
Non, on la remue, on la tire et on la pousse, pour modifier un paysage et le modeler autrement.




Les engins utilisés sont totalement étrangers. Les méthodes opposées. 
Si l'activité agricole se met rarement au service de l'activité "terrassière", le contraire est plus courant. On aménage des parcelles en vue de les rendre cultivables, on défriche des landes à grands coups de pelleteuses puissantes, on aplanit des terrains accidentés.







Dans le même temps, tout terrassier est confronté au problème tout pratique de l'usage et de la destination de ces tonnes de terres remuées.
Sur certains chantiers, les excédents sont réutilisés sur place, ou ailleurs. On creuse ici pour surélever là. Ou plus loin. 
Sur d'autres, il faut évacuer des tonnes et des tonnes de terre, sans savoir quoi en faire.

De la terre devenue déchet, encombrante et inutile. Quelle désolation !

Notre système économique toujours prompt à flairer le profit à faire n'a pas traîné à s'emparer du filon. 
Des décharges à ciel ouvert se sont vues baptiser déchetteries. Le système s'est affûté. Nous sommes passés à "Centre d'Enfouissement Technique". Les dits "centres" classés en types, suivant les déchets collectés.
Les dit "déchets"  collectés en masses et volumes. Pour le coup, ces masses et volumes comptabilisés, et tarifés.

Evidemment, j'admets la nécessité d'organiser les choses. Il faut prévoir les débouchés, les issues et les recyclages de tout produit d'activité. Et intégrer le coût de cette démarche.
Tout de même, certains tarifs pratiqués laissent rêveurs. Certaines réglementations imposées creusent une plus profonde perplexité que les excavations des pelleteuses.
Nous rentrerons plus loin dans ces détails.

Pour revenir à notre Chemin des Crêtes, nous avions d'une part des terrains configurés en grand canyon du Colorado, toutes proportions gardées, et, en face, un terrassier en pleine activité, effaré par les coûts de mise en déchetterie d'un matériau dénigré.

Deux éléments propres à se rencontrer, se faire une conversation amicale, et plus si affinités.

Comme dit la fable, deux coqs vivaient en paix, une poule survint.
Je vous explicite tout ça plus loin. 

Pour ce matin, je me sens une envie de petit-déjeuner, à cette heure.

A bientôt, et profitez de ce dimanche à peine venté. Si la journée est aussi belle que celle d'hier, vous allez vous régaler !


jeudi 10 décembre 2015



CHEMIN DES CRÊTES : LA POULE SURVINT...



Bonsoir à tous les suiveurs de ce "bloc" !
Ou du moins, aux deux-trois qui suivent...


Reprenons le cours de notre histoire.
Entre 1998 et 2002, forts de notre autorisation municipale, nous travaillâmes en paix, sur les modestes hauteurs du Chemin des Crêtes.

Le côté gauche de la parcelle, quand on regarde vers la mer, ondoyait en creux et bosses bien irrégulières. Des rondeurs assez étranges, mouvements souterrains lassés de remonter à la surface en rondeurs inattendues, ou effondrements pierreux brusques et inexplicables.
Des sources profondes, des plaques de schistes mal stabilisées,  des natures de terre différentes, glissant les unes contre les autres en heurts de mastodontes, personne n'a jamais trop su à quoi attribuer le phénomène. Mais tout le monde a pu en constater les effets visibles.

En ce temps là, je ne pratiquais pas le reportage en images, aussi, je ne vous montrerai que l'étendue d'aujourd'hui, joliment nivelée :







Face au grand large, généreusement ouvert sur un paysage agréable à l’œil, le terrain surplombe sans arrogance, et étale paisiblement sa surface maintenant plane, ou presque.
Vous voyez au premier plan les restes broyés de pieds de maïs cultivés là cette dernière année.

Avant les travaux, il n'y avait là que fougères rousses, et broussailles agressives.



Le frère aîné s'en donnait à cœur-joie !
Des heures et des heures, des jours et des années, il poussa, creusa, déplaça, des monceaux de terre.
Nous ne comprenions pas toujours tout ce qu'il faisait.
Le chantier prenait des allures de terrils nordiques. Des monticules s'alignaient plus ou moins, 
Il fouaillait ici, entassait là. L'ouvrage nous demeurait assez hermétique. Lui seul avait en tête une finalité inaccessible à notre pauvre entendement de non terrassiers. Tels ces génies d'un autre temps, capables d'imaginer une cathédrale en taillant une modeste pierre.

D'ailleurs, de nos jours, à Agorreta, nous ne comprenons pas davantage où il veut en venir.
La chose prend tournure, sans que nous saisissions le déroulé de l'affaire. Cet homme nous parle de "décaper" la terre végétale. Il imbrique à même un flanc écorché des "ancrages". Il "compacte" au "pied-de-mouton". Tous termes techniques et obtus destinés à asseoir un code professionnel inaccessible aux non membres.






















Voyez ici entre la neige de fin décembre, l'année dernière, et puis plus dernièrement, je ne sais plus trop quand.

Le paysage change au gré des arrivages, les matières nouvelles se déversent sur les anciennes.

C'est amusant de voir ainsi collectées, amassées, mélangées, des choses aussi disparates et hétéroclites.
Et de savoir quand tout ceci aura été recouvert de terre, que tous ces agrégats d'origines diverses, se fondront à la longue dans une même et seule terre d'Agorreta.

Chemin des Crêtes, le travail fût le même.
Et le résultat d'aujourd'hui récompense toutes les peines de ces années là.

Des matériaux divers, des gens bien différents, se sont retrouvés autour de cette terre.
Les rencontres n'ont pas toujours été des réussites. les mélanges se sont hérissés parfois de granulats impossibles à agglomérer.

Pourtant, finalement, tout s'est terminé en cette vaste et belle prairie placide, indifférente aux passions et tourments antérieurs.

Je vous retrouve bientôt, pour la présentation de la première poule, puis des suivantes. 
De ces poules survenues entre deux coqs qui vivaient en paix...

A très vite !
Les nouvelles d'Agorreta

lundi 14 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : DE POULES A POULAILLER




Bonjour à tous !





Temps calme sur Agorreta en ce lundi 14 décembre 2015.

Retournons Chemin des Crêtes, entre l'été et l'hiver 2002.
Là, c'était déjà beaucoup moins calme...

Je vous parlais dans mon dernier article de la survenue d'une poule, Chemin des Crêtes, entre 1998 et 2002.
En fait, il en vint plusieurs... Quatre couples de poules et coquelets. Quatre paires d'un genre différent, mais tous unis à un moment ou à un autre, contre notre grand projet du moment.

Il y eut d'abord, le couple Mme et Mr B :





Vite suivis en ces parages par le couple Mme et Mr M :




Ceux-là furent sur la place au début du chantier.
Ces maisons étaient comme de bien entendu des résidences secondaires, vides les trois-quarts du temps.

Je n'entamerai pas ici le débat sur le Pays-Basque aux Basques, et autres litotes.
Je travaille dans un commerce, et je connais la part prise par ces résidents de passage dans notre économie locale.
Je pense que l'accueil sur nos terres de gens venus d'ailleurs peut être une source de richesse, et je ne boude pas cette opportunité en jouant les vierges outragées.

Cette petite parenthèse refermée, je ne vous présente pas aujourd'hui ces personnages. Je le ferai plus loin. Au moment dont je parle, je ne les connaissais pas. A peine les avais-je entraperçus, au volant de leurs longues et puissantes voitures sombres, quand ils rentraient ou sortaient de leurs belles propriétés bien gardées.

Vinrent ensuite, dans l'ordre Mme et Mr de C :








Puis, derniers coquelets du poulailler, Mme et Mr R :











Les trois premiers, à gauche du Chemin des Crêtes quand on regarde vers l'ouest, les derniers à droite, et un peu à l'écart.
Barricadés pour le coup, eux, derrière ce haut mur défensif.

Les aléas insaisissables des lois de l'urbanisme, avec leur zones littorales, protégées, et autres complexités indéchiffrables trouvent un aboutissement en apothéose dans cette zone, cristallisant tous les inexplicables. 
Je n'ai jamais saisi comment ces villas ont pu s'élever là, quand tant de demandes de permis de construire ont été refusées, au même endroit... Enfin !

Mme et Mr R résidaient à demeure dans cette villa.
Leur arrivée coïncida pour nous avec le début des ennuis.


2002 : le début des hostilités...

A notre charge, je conviens d'un élément déclencheur.

En 2002, si vous êtes du coin, vous vous en souvenez peut-être, un immense chantier fut entrepris, du côté espagnol de la frontière, à Béhobia.
Il s'agissait de la grande zone commerciale Zaiza. Des hectares de terrain furent aménagés. Des tonnes de terre déplacées. Et acheminées chez nous, sur cette fameuse parcelle CA70 du Chemin des Crêtes.

Ces entrepreneurs espagnols n'y vont pas avec le dos de la cuillère !
Sur ce tout début d'été 2002, ils travaillaient de 7 heures du matin à 8 heures du soir. Les camions impressionnants, en surcharge pour la plupart, faisaient des navettes entre Behobia et Urrugne, via la route nationale, jusque dans cette contrée verdoyante et campagnarde.
Paisible jusque là.

Ils ne traînaient pas : les chauffeurs étaient payés "au tour", et je vous prie de croire qu'ils appuyaient sur le champignon, histoire de rentabiliser au maximum la longue journée de travail.
Mon frère n'arrivait pas à mettre en place la terre au fur et à mesure, tant il en arrivait. Qu'à cela ne tienne : les entrepreneurs espagnols envoyèrent un autre bulldozer, un monstre, pour relayer le frérot débordé. Les camions vrombissaient, chauffaient, on les remplaçait !
C'était une déferlante, un tsunami terrassier.

Le travail avançait vite, à ce train là, et notre terrain accidenté se comblait à vue d’œil.
Nous étions contents, un peu débordés par cet afflux inattendu, mais satisfaits de voir l'affaire prendre si rapidement belle tournure.

Les voisins, arrivés en ce début d'été pour profiter des loisirs de la campagne tranquille, voyaient tout ça très différemment, évidemment...
Le Chemin des Crêtes par ces magnifiques journées de la fin du mois de juin, ressemblait à la lune. Tout y était gris de poussière. Quand enfin les camions cessaient leurs navettes, un silence ahuri et saisissant vous tombait dessus.

Ces gens n'y tenaient plus. C'était compréhensible. 
Nous aurions bien voulu terminer nos travaux au plus vite. Nous en avions l'opportunité avec ce chantier. Nous n'en aurions pas de sitôt un autre de la même envergure.
Reconnaissant l'ampleur des désagréments occasionnés en cette période de vacances estivales, nous nous résignâmes à ralentir la cadence, dépités mais conscients de la légitimité des récriminations de la partie "adverse".

Une réunion de crise fût organisée en mairie. Je n'y étais pas. Je ne suis intervenue que plus tard, en fin d'année.
J'ai tout de même le déroulé des opérations, vous pensez bien...

mardi 15 décembre 2015



CHEMIN DES CRÊTES : LE DÉBUT DES CONFLITS



Bonsoir à tous les suiveurs des nouvelles d'Agorreta !








Chemin des Crêtes en été 2002, la tension se hérisse en pics douloureux.
De part et d'autre, les revendications, légitimes ou déraisonnables, donnent de la voix en un concert où tout le monde parle, et personne n'entend.

Du côté des voisins,  la peur de voir s'ériger en face de leurs belles villas des constructions. Finie la vue imprenable sur la mer ! 
Ils imaginent des bâtiments affreux, des murs opaques, un horizon désespérant. 
Eux, venus de la ville pour profiter des joies de la campagne, eux, arrivés là pour fuir l'urbanisation outrancière des villes, eux, ne supportent pas la perspective de se retrouver face à ce à quoi ils ont voulu échapper.

Pour aiguiser ces peurs, l'impression d'être mal acceptés augmente encore le malaise.
Tous ces gens viennent d'ailleurs, ils ne sont pas issus d'ici.

Ils ne se sentent pas intégrés. Ils se défendent, avant toute attaque. Leurs villas s'abritent derrière des clôtures, des haies hautes, des murs épais.























Je ne nie pas la difficulté de s'installer ici, quand on vient d'ailleurs.
Les basques ne sont pas connus pour être très ouverts, peut-être.
La seule langue est suffisamment hermétique et peu avenante à l'oreille pour ceux qui ne la comprennent pas.

Tout de même, la seule vue de ces murs n'engendre pas l'envie d'aller voir derrière, n'est-ce pas ?
On sent bien la volonté de se fermer, de se préserver. On se sent intrus et malvenu, accueilli de telle manière.

Le dialogue s'est mal amorcé, dès le départ.
On se croise peu, on se salue à peine. On ne se parle pas. Nous n'avons pas spécialement envie de les connaître mieux.
Ils ne montrent pas plus d'intention de le faire.

Un fossé, entre les paysans terriens et les citadins, difficile à combler. Plus profond encore que notre canyon de la CA 70 ! 
Un atavisme de campagnards asservis par les nobliaux hautains. Un reste de servage, quand plus rien ne le justifie, mais tout l'évoque quand même...

Le manque de communication, encore une fois, fera des ravages.
Nous ne tenons pas compte d'eux dans l'avancement de notre projet. Ils paraissent nous ignorer, nous les négligeons.
Nous aurions très bien pu aller les voir, convenir avec eux d'un calendrier pour réaliser les apports de terre par camion. Ils n'étaient pour les trois-quarts pas là sur de longues périodes.

Nous aurions du les associer à notre entreprise, leur expliquer, les rassurer.

Notre silence et notre désinvolture les a affolés, révoltés. Ils ne se sont pas sentis l'envie à leur tour de venir nous trouver, de discuter avec nous.
Ils ont préféré s'en référer à une autorité municipale, même défaillante et prise de court. 
Tout de suite, le malentendu a été monté en épingle.

L'absence de paroles directes et franches a nourri l'hostilité, cristallisé la méfiance.

Ainsi vont souvent les choses. Ce qui pourrait très simplement se concerter devient inextricable.
Les intentions des uns s’interprètent mal, les faits s'éclairent d'une lumière malveillante.
Tout devient difficile, quand tout aurait pu être si simple...

Nous échangions par envoyés de la mairie ou agents de la police nationale interposés.
Comme c'est commode, n'est-ce pas ?

Il y a eu toute une période de chassé-croisés tendus.
La moutarde nous est montée au nez, à tous. 

Persuadés les uns et les autres d'être menacés dans notre bon droit, d'être bafoués dans nos valeurs respectives et légitimes, nous avons campé sur nos positions avec de plus en plus de raideur et d'agressivité :





Nous avions très exactement cette impression d'être pris dans les assauts furieux et injustes d'un vent contraire.
Nous voulions tenir, résister, ne pas céder.
Toutes les conditions de la naissance d'un bon vieux conflit acéré de voisinage étaient réunies.
Avec toutes la bêtise et les crispations qui vont avec.
Nous étions mûrs pour nous pourrir mutuellement la vie.
Et nous l'avons fait...


Les événements se sont précipités.

Nous verrons ça dans ma prochaine chronique.

Gardez juste en tête que toutes ces fatigues, tous ces nerfs vrillés, auraient pu être évités, avec un peu de bon sens et de confiance réciproque...

A bientôt




vendredi 18 décembre 2015



CHEMIN DES CRÊTES : FÉVRIER A MAI 2003

Suiveurs des nouvelles d'Agorreta, bonjour !






Encore une journée magnifique en perspective à Agorreta !
Quel bienfait, cette douceur en cette fin d'année...

Tout le monde en profite :





Mon père, Zaldi, les chiens, bêtes et gens réunis dans un même bien-être !

Evidemment, la température n'est pas de saison. Et alors ?
Allons-nous bouder pour autant notre plaisir ?

Non, non, non !
Prenons ce qui nous est donné, sans chercher à comprendre plus loin, et ce sera tout aussi bien, n'est-ce pas ?



Je reviens à notre Chemin des Crêtes, en 2003.
Tout ce printemps là fut mouvementé.
Les tensions et les pressions se faisaient sentir, de toutes parts, sans trop se manifester ouvertement, aiguisant par cette dissimulation leurs flèches empoisonnées.
Les intervenants avançaient masqués.
Les coups bas et les retours de manivelles se chahutaient.

Je ne sais plus qui remarqua enfin l'erreur de localisation de l'arrêté de circulation pris par la mairie d'Urrugne en 2002 :






Evidemment, nous fîmes profit de cette information !
Les services de police, houspillés par notre infatigable Mr R, envoyaient leurs agents inoccupés Chemin des Crêtes.
Les chauffeurs des camions étaient arrêtés, et devaient faire demi-tour, puisque l'autorité en uniforme les sommait de le faire...

Ca ne faisait évidemment pas notre affaire, de voir ainsi du bon et sain matériau nous échapper sous le nez !

Quand nous apprîmes que l'arrêté était mal localisé, nous en fîmes des gorges chaudes.
Munie d'un plan détaillé, je me rendis au commissariat de police hendayais, pour leur faire remarquer leur erreur.

Amusés de la survenue de cette petite bonne femme insignifiante, mais amusante, dans leurs locaux, ils m'écoutèrent, et me confirmèrent que, dorénavant, les camions pourraient circuler librement, Chemin des Crêtes.
Une belle victoire pour notre camp !

Evidemment, nous dûmes déchanter assez vite, malheureusement.
Les voisins n'allaient pas se laisser désarmer aussi facilement, et non !

Le 26 février 2003, le conseil municipal de la mairie d'Urrugne, prit en urgence un nouvel arrêté de circulation, mieux ciblé celui-là :





Et toc !
Revers du gauche !

Mince, notre parade n'avait pas fait long feu...

De nouveau, les agents de la police nationale vinrent goûter aux joies de la campagne, interdisant aux poids-lourds de circuler Chemin des Crêtes, selon l'arrêté du... tatati-tatata.

Mince et re-mince !

Je commençai à me prendre à ce jeu.

Vous me connaissez, quand je commence quelque chose, j'ai une légère tendance à m'emballer, à me prendre d'une passion dévorante pour le sujet.

J'avais goûté cette gourmandise. Je commençai à m'y amuser.
Je n'allai pas m'en décrocher à la première escarmouche !

A la lecture de ce second arrêté, je notai cette petite dérogation faite pour desserte des exploitations agricoles.
Je m'entichai alors de lectures aussi passionnantes que le Code Rural, le Code de l'Urbanisme, le Code Civil, et autres volumes traitant de réglementations compliquées.
Une véritable passion me prit pour la recherche de toutes ces informations pour nous précieuses, au milieu de ce fatras indigeste.
J'y passai des heures, me réveillant au milieu de la nuit pour vérifier un point, ou en confronter un autre.
Je devenais une véritable acharnée des réglementations, municipales et autres.

Je n'eus pas grand mal à trouver la bonne réponse à ce triste arrêté :






Puisque la mairie distribuait des attestations à tout-va, puisqu'elle consentait des dérogations dans tous les sens, pourquoi ne le ferais-je pas, moi ?

Je vous le dis, j'étais possédée d'un démon. Je me jetai dans cette petite bataille rurale, telle la Sabine sur le front des barricades.
Je me sentais vivre, je me sentais de taille à lutter contre les autorités, les pouvoirs en place, et la suffisance de la terre entière !

Rien ne me paraissait pouvoir nous arrêter.
Et, pendant un temps, en effet, rien ne nous arrêta...

Peu de temps, en fait...

Je vous raconte ça la prochaine fois.
Là, je vais promener ma mini-meute dans la douceur de ce jour de grande paix.

dimanche 20 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : ORONOS ENTRE EN SCÈNE.



Bonsoir à tous !





je vous ai cueilli ça tout frais ce matin :



Un incendie flamboyant sur notre placide Mère-Rhune encore enténébrée.
















La baie sort de la nuit, toute rose d'un plaisir rentré.

Un moment magique, à saisir.
J'y étais. Peut-être vous aussi, leviez-vous le nez à ce moment là.

Sinon, laissez résonner en vous les fulgurances d'une aussi majestueuse beauté, bien imparfaitement révélée par mes clichés hasardeux.



Je retourne à notre Chemin des Crêtes, en mai 2003.

Je vous le disais, nous étions dans une phase aussi flamboyante que le ciel de ce matin sur Agorreta.
Nous bravions les autorités, nous avions eu gain de cause, nous ne nous étions pas soumis.
Dans la guerre entre le pot de terre et le pot de fer, le pot de terre avait résisté. Alléluia !!

Nos camions continuaient d'amener de la terre sur la parcelle CA 70. Au gré des chantiers locaux, cahin-caha, le travail avançait.
Je me sentais importante, pivot central entre les chauffeurs, les entrepreneurs, les agents de police et autres intervenants plus ou moins officiels.
Ça faisait du bien à mon ego...

Grands seigneurs, nous nous permîmes même d'être magnanimes.
Consciente qu'il nous faudrait bien d'une manière ou d'une autre intégrer dans notre paysage ces maudits voisins perturbateurs, je décidai de prendre contact avec les plus proches d'entre eux, Mr et Mme de C :



Leur villa se trouve juste en face de l'entrée du champ alors à remblayer.
Ils étaient les plus légitimes dans leurs revendications de nuisances, puisque les camions tournaient et se croisaient juste devant chez eux.












Très courtoisement, je tâchai de les intéresser à notre projet.

J'espérai trouver une sortie de crise à nos relations par autorités interposées.
Nous pouvions nous parler, discuter, nous arranger, me disais-je...
Ma petite menace voilée en fin, représentant un camp de gais gitans à quelques pas de leur belle demeure, n'était peut-être pas très adroite.
Je le reconnais. Mais, bon !
















Leur réponse ne fût pas excessivement chaleureuse.
Ils se retranchaient derrière leur "conseil", les "voisins" l'arrêté municipal.

Comme derrière leurs murs...

Nous nous moquions bien du mariage de la pintade issue de ces volailles caquetantes, mais nous prîmes le parti, pour apaiser les choses, d'arrêter nos navettes toute la semaine autour du grand événement.
D'après nous, une grande démonstration de bonne volonté.





Nous pensions avoir fait les choses au mieux.
Les autorités n'arrêtaient plus nos camions, les voisins devaient être d'après nous dans de bonnes dispositions, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Un beau jour, de ce même mois de mai printanier, j'étais au magasin, vaquant paisiblement, quand mon frère aîné me demande au téléphone.
Nous étions en liaison radio quasi constante, entre les chauffeurs  à rassurer, peu décidés qu'ils étaient à se risquer sur ce Chemin des Crêtes semé d'agents de police, et autres aléas toujours possibles en ces temps tourmentés.

  - Il y a un type qui barre la route aux camions, me dit-il, un peu essoufflé.


  - Un policier ?

  - Non, non, un jeune, je ne sais pas qui c'est.

  - Qu'est-ce qu'il veut ? Qu'est-ce qu'il dit ?

  - Que les camions ne doivent pas passer. Il est au milieu du chemin, avec sa voiture, et il ne veut pas bouger.

   - Passe-me le.

Je reprenais mon rôle de chef de guerre. Je m'y croyais...

   - Il ne veut pas te parler. Il dit qu'il reste là, et c'est tout.

Quelques parlementaires n'aboutirent pas. Les chauffeurs firent demi-tour, sous notre nez, encore une fois.

Je tombais des nues. Comme ce garçon nous tombait d'un mauvais ciel.
Jean-Christophe Oronos, en chair et en os, entrait dans l'arène...



mercredi 23 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : LE COLLECTIF DONGOCHENIA



Bonsoir à tous les suiveurs de nos aventures palpitantes !




Je vous le disais la dernière fois, début juin, Chemin des Crêtes, un ange noir nous était tombé du ciel.
Pour vous comparer l'effet, nous pourrions évoquer un diable sorti de sa boîte, une comète fulgurante creusant par sa chute inouïe un cratère dans le désert du Nouveau-Mexique...

Nous étions sidérés devant cet incroyable coup du sort :
D'où nous sortait ce terrible et ténébreux Oronos ?
Que venait-il faire dans cette galère ?

Nous n'y comprenions rien.

Le soir du jour où mon frère m'avait appelée au magasin, ce jour où ce démon s'était matérialisé en un beau et sombre jeune homme à boucles brunes, je fis le détour par le Chemin des Crêtes, en rentrant du travail.
Je le faisais d'ailleurs pratiquement chaque jour, tant je me sentais investie de ma mission de déesse protectrice des lieux. 

Personne à l'horizon. Je fis demi-tour, et m'apprêtai à rentrer à la ferme, où ma mère malade et mes bêtes m'attendaient alors.
Sur le chemin, le diabolique Oronos m'apparut, surgi des broussailles !
Il était coutumier, je m'en rendrai compte plus tard, de ces apparitions brusques et inattendues. Il aimait jouer avec l'effet de surprise, le taquin !
Je ne le connaissais pas. La description de mon frère, sa présence, me le firent présumer incarnation de ce nouveau problème sur le site...
Nous devisâmes calmement, agréablement, presque. Il m'expliqua ses raisons. 
Je vous dévoilerai dans mon prochain article nos propos, ce jour là et plus tard, puisqu'il y eut de nombreuses rencontres, de toutes sortes, et sur tous les tons.

Pour aujourd'hui, sachez seulement que l'individu était bien connu dans le voisinage.
Plusieurs riverains, autres que nos chers voisins immédiats, se manifestèrent et se rapprochèrent de nous.
La famille Picabéa, particulièrement, vint grossir nos rangs.Ils avaient eu maille à partir avec notre beau ténébreux, et voulaient saisir l'occasion de notre entrée dans l'arène, pour tâcher de mater le lion.

Je vous montre ici le courrier que nous adressâmes à la mairie d'Urrugne.





De nombreux feuillets accompagnaient celui-ci, détaillant les doléances des uns et des autres.

Dans la foulée, je me fendis d'un appel à la mère-justice :





J'étais partie. Accrochée, ferrée. Je ne pouvais plus lâcher prise. La confiance que tous ces gens mettaient en moi me portait au delà de moi-même. C'était grisant... 
Je m'amusai comme une folle, même si les tensions étaient réelles, et les situations parfois pénibles.

Je fis à la mairie d'Urrugne la connaissance d'une pièce maîtresse de notre échiquier rural : Mr Jean-Dominique Boyé :










































































C'était parti pour une sarabande endiablée, des échanges de courrier, des entretiens, des coups de fils.

Une mouvance tonique et fluctuante.
Une danse où tout le monde perdait ses pas par moments.






















Mais où chacun était persuadé d'entendre la seule vraie musique.
Comme on l'est tous, bien trop souvent...

Je vous laisse ici pour ce soir, et vous retrouve bientôt.

Passez un joyeux réveillon de Noël, goûtez aux joies simples de vous sentir vivants, et capables d'émotions.

A bientôt !



mardi 5 janvier 2016


CHEMIN DES CRÊTES : Mme et Mr B.




Bonjour à tous !

En ces journées ventées, les esprits s'aèrent en un rien de temps.
Une simple virée en extérieur, et, l'espace d'une heure, on rentre ébouriffé et l'esprit assaini, n'est-ce pas ?

Je vous emmène avec moi, Chemin des Crêtes, toujours en ce fameux été 2003, où je fis la connaissance de nos sympathiques voisins.






Après le matois Mr M. et sa dame au visage de pleine lune, voyons maintenant, leurs voisins de gauche, les B. :





Ceux-xi ont eu le privilège d'être les premiers sur la place.
leur maison a été bâtie tout début 2002, si ce n'est un peu avant, je ne sais plus.
Je me souviens y être entrée, pendant sa construction, et avoir visité, sans y avoir été invitée, honte à moi...
Une cabine de douche équipée de jets multi-usages ( ?),  m'intéressa fortement, au premier étage. Le summum du confort, d'après moi !
Des boiseries de charpente un peu légères, à mon avis. Souci d'économie ?

J'ai fait le lien entre ces B. et l'un de nos directeurs de branches de l'époque, Mr D., bien avant qu'eux n'aient fait le même rapprochement. 
J'avais repéré chez ces B. des artisans venus de la région Paloise. Tout le monde s'étonnait de la délocalisation d'un tel chantier de construction privé. Les frais de déplacemens n'allaient-ils pas grever le bénéfice d'une mise en concurrence aussi élargie ?
Ces mêmes artisans, je les retrouvais sur les ouvrages à réaliser sur les magasins faisant partie du groupe pour lequel je travaillais alors. J'imaginais ainsi une connexion occulte, et un peu troublante.
Enfin, troublante pour moi, qui suis facilement troublée, voyant le mal partout, même là où il n'est peut-être pas...

Toujours est-il que, quand mon grand directeur vint me susurrer à l'oreille qu'il avait eu vent de mes frasques Chemin des Crêtes, j'eus la fulgurante répartie de lui citer le nom de ce Mr B. J'avoue n'avoir pas été mécontente de constater le blanc, à l'autre bout de fil, trahissant un petit mouvement de surprise. Toujours bon, ça, n'est-ce pas, de prendre l'adversaire à contre-pied ? Le peu de temps que l'effet joue en votre faveur, au moins.
Je vous l'ai dit plus haut, le temps ne joua pas bien longtemps de mon côté. Je payai chèrement ma petite victoire du moment, en sillonnant deux départements, durant plusieurs années, pour me rendre à mon nouveau lieu de travail, décidé par ce grand homme. sans qu'il n'y soit pour rien, évidemment... Ces hasards, alors !

Plusieurs mois plus tard, d'ailleurs, autour de la Toussaint, mon grand directeur organisa une rencontre sur zone, avec le troisième larron de l'histoire, Mr de C. Mon patron avait élargi son cercle de connaissances, ou alors ces trois là se pratiquaient avant de se retrouver en nos paysages.
Je vous raconte ça en évoquant les De C., la prochaine fois.

Pour Mme et Mr B., ils constituaient un couple de belle allure. Tous deux grands, élancés, sportifs et bronzés. 

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, ou si vous le vivez vous-mêmes : quand on est petit, on supporte mal les grands. Je ne sais pas à quoi ça tient au juste. Peut-être à la petite douleur imposée aux cervicales, quand, étant soi-même au ras des pâquerettes, il faut relever la tête pour s'adresser à plus haut que soi.
Chez les Legorburus d'Agorreta, en plus d'être petits, ce qui n'est déjà pas rien, nous sommes aussi un peu épais. Que voulez-vous, la génétique ne nous a pas été favorable...
Alors, grand, c'est déjà très déplaisant, mais par là-dessus, élégants et racés, ça nous fait trop !
Ce couple nous narguait par sa beauté, déjà. La condition de voisins parachutés et vite hostiles à notre projet n'allait évidemment pas adoucir notre agressivité latente et larvée.

Autant Mr M. était reposant, à l'écoute et à la vue, même s'il restait inquiétant, et presque, d'autant plus, autant Mr B. était crispant. Il parlait vite, avec un accent pointu prononcé. Il bougeait beaucoup, sautillant sur place, incapable de se contenir dans l'espace. Avec ses mollets de sauterelle, il bondissait, passant d'un cailloux à une motte de terre, fatigant rien qu'à le regarder.

Il nous fit un jour un cours sur la bonne façon de mener un remblai. Il avait paraît-il supervisé la construction du plus grand barrage du monde, au Brésil ( ?). 

    - Vous savez, un remblai, il faut l'avoir étudié comme je l'ai fait. On utilise des matériaux appropriés. On tasse par couche de 20 centimètres au pied-de-mouton. Ici, vous faites n'importe quoi. Tout ça ne tiendra pas, et vous aurez de graves problèmes très vite !

Venir hululer ça à l'oreille de mon frère aîné, maître artisan terrassier, quelle présomption !

Une autre fois, armé d'un énorme appareil photo qu'il portait en bandoulière autour du cou, il sautilla sur de larges pierres, en un équilibre instable, manquant plus d'une fois la chute.
Nous voyant arriver, il se précipita hors de notre champ, se sentant pris en défaut.
Comme nous nous arrêtions à sa hauteur, l'obligeant sous peine de grave incivilité à nous parler, il nous argumenta sur la composition de notre ouvrage, toujours en grand technicien, qu'il n'était pas, visiblement !

    - Voyez, là, j'ai repéré du fer à béton de 13 ! Vous vous imaginez ? Ça n'est pas de la terre, ça, ça va s'oxyder et engendrer une grave pollution ! C'est une décharge que vous faites là, sans aucune précaution ! Je vais empêcher ça !

Je ne suis pas experte en matériau de construction. Pour autant, du fer à béton, je crois le savoir, il en existe bien de plusieurs sections. Du 4, du 6, et ainsi de suite jusqu'à du plus de 20, il me semble. Mais du 13 ? Jamais entendu parler ! Et vous ? 
Enfin, cet homme était parti pour nous faire des leçons, et ne se privait pas de ce petit plaisir.
Il en était insupportable, et, d'ailleurs nous la supportions très mal, cette hystérique sauterelle enragée de Mr B.

Sa femme était moins pénible. Laurence, se prénommait-elle joliment, mais pas très aristocratiquement.  C'était un joli brin de femme, altière et agréable.
Elle prit un moment la tête du département diplomatique. J'eus une ou deux conversations téléphoniques avec elle, et nous échangeâmes quelques fax :































Notre tentative de conciliation n'alla pas bien loin.
La réunion fameuse du 26 Août, organisée conjointement avec les services municipaux, excédés à leur tour par les multiples sollicitations des uns et des autres, ne porta pas grand fruit.
Une belle soirée, dans la scène un peu surréaliste d'un amphithéâtre improvisé, entre des montagnes de terres et de gravats arrondies en arc de cercle autour de notre petit groupe, dans le soleil couchant.
La seule occasion où je vis tous nos chers voisins réunis, mis à part Mme M. que son mari excusa, et la mystérieuse Mme R. qui ne se montra jamais, durant tout le temps de notre affaire.

L'échange de messages ci-dessus s'ensuivit.
Une amorce de dialogue, vite avortée.
On y sent pourtant un frémissement positif, une volonté de s'ouvrir à l'autre, n'est-ce pas ?
Sans y regarder de trop près, pourtant, on y sent aussi une petite volonté à peine masquée d'imposer sa loi, de garder le paysan le nez sur sa terre, et pas au delà.
Quoi, quoi, quoi !? Mon imagination, encore, là ? Oui, peut-être... et peut-être pas !

Mme et Mr B. habitent toujours leur villa, en périodes de vacances. Nous ne frayons pas. Trop soulagés de ne plus avoir à nous épuiser à suivre les petits sauts énervés de Mr B.

Que la vieillesse le repose un jour, et lui apprenne qu'il est inutile de s'agiter autant, en vain.

Pour ce soir, j'arrête là.
Ces petits portraits me distraient. J'espère qu'ils ne vous ennuient pas. Si par hasard ils parviennent jusqu'à leurs muses, qu'elles ne s'en offusquent pas. Quelques vieilles rancœurs trouvent ici matière à dégorger leur fiel. C'est sain. Ça allège et soulage. Ces quelques méchancetés ne sont pas contre eux, mais pour moi. Pour mon bien-être, en rétrospective.


Comme je m'absous facilement de mes perfidies. Quand celles des autres me restent si longtemps en mémoire !
Pardonnez, pardonnez, comme je n'arrive malheureusement pas à pardonner à ceux qui m'ont offensée...

A la relecture de ce dernier article, je me demande si je ne fais pas une confusion entre Mr B. et Mr de C. Sur le point de leur relation à mon grand directeur de l'époque, Mr D.
C'est bien Mr de C. que mon patron retrouva Chemin des Crêtes, un matin de Toussaint, je crois bien, pour essayer de me sermonner, sous couvert d'une tentative de médiation amiable et responsable. (Toujours là, cette vieille méfiance mauvaise, n'est-ce pas ?)
Mr B. se targuait, lui, de relations amicales et même familiales, je crois bien, avec le préfet, ou le sous-préfet, je ne sais plus au juste. Un haut dignitaire de l'état, toujours, pour nous, terriens de la base.
Nous reçûmes d'ailleurs un courrier de ce sous-préfet, sans rien lui avoir demandé, nous rappelant à un ordre suffisamment flou pour qu'on n'en retrouve pas trop de justifications.
Tous ces gens connaissaient du beau monde, et nous le faisaient savoir.
Je les mélange, eux et leurs pareils, en une nébuleuse épaisse et peu attractive.

Moi, le beau monde, alors, déjà, ne m'impressionnait pas plus que ça. Au contraire, je suis vite sur la défensive, quand on me considère de haut. La taille, vous savez, les petits...
Les beaux costumes sombres, les mallettes, les ongles trop propres et les chaussures brillantes, font immédiatement naître en moi un a priori défavorable. Stupidement, d'ailleurs, puisqu'on peut très bien porter tout cet attirail, et être riche d'un cœur d'or à l'intérieur. J'ai connu, et avec bonheur, des gens de cette tournure.
 Mais il y a la façon, de le porter, ce déguisement. Cette subtilité de comportement, qui différencie ceux qui le portent par fonction, ou par goût, pourquoi pas, et ceux qui le mettent en avant en posture.

Cette petite rectification faite, je retourne ce matin à mes petits travaux de peinture, toujours.
Mes ongles, à moi, portent les traces de ma lubie du moment...



samedi 26 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : ANGE OU DÉMON ?




Bonjour à tous les suiveurs de ce "bloc", et bienvenus aux visiteurs de passage !






Les journées se succèdent, magnifiques, en cette fin d'année 2015.

Pas de pluie depuis plusieurs semaines. Mon navet commence à prendre triste tournure. les feuilles se dessèchent, se recroquevillent sur leur misère. Elles perdent ainsi moins d'eau. Le bulbe n'a pas besoin de grand chose, en cette saison. Il conserve sagement sa ressource. A la première averse, au retour de l'humidité de saison, il pourra de nouveau espérer restituer un peu de vigueur à ces pauvres feuilles en souffrance pour le moment. Elles redéploieront une végétation généreuse.

La nature est bien faite. 
Elle sait ce qu'elle peut, et ne demande pas plus, dans sa grande sagesse...
Ne devrions-nous pas prendre exemple ? 
Et oui... mais bon, nous sommes humains et imparfaits, n'est-ce pas ?


Revenons à notre Chemin des Crêtes.

Et retrouvons notre personnage du moment, ce brave Jean-Christophe Oronos.
Je n'orthographie peut-être pas toujours correctement son nom. Une fois Oronos, comme "ya" un os, ou alors Oronoz. Je m'excuse auprès de lui de cette approximation. Qu'il ne la prenne surtout pas en mauvaise part.
Dans la même veine, Jean-Dominique Boyé devient parfois Boyer, d'aboyer, peut-être ?
Encore une fois, je suis confuse, mais pas tant que ça...

J'ai fait connaissance de ce charmant jeune homme, en ce  début de mai 2003.
Le premier jour où je l'ai vu, nous avons devisé, dans le soir tranquille.
Je ne pouvais pas m'attarder trop longtemps.

Je me souviens bien de cet échange.
Je vous l'ai raconté, je repartais, au volant de ma petite voiture, après avoir fait demi-tour sur le Chemin des Crêtes, en face de la villa de Mr et Mme de C, à la sortie de notre champ :




Il pluvinait légèrement ce soir là, une de ces pluies légères et feutrées de printemps.

J'avais à peine dépassé cette maison. 
Je pensais déjà aux petits travaux dont je devais m'acquitter en rentrant à la ferme.
Assistance à ma mère, rentrée des vaches, petite préparation de la logistique familiale pour le lendemain.
Mon petit quotidien de l'époque, pas tellement différent de mon petit quotidien d'aujourd'hui.

Ma défunte mère en moins, mon vieux père en plus.

Soudain, je vois surgir à ma droite, une ombre longue, comme sortie de nulle part.
En fait, l'ombre se tenait dissimulée dans la haie de la deuxième villa. L'homme devait m'avoir surveillée, tapi dans la végétation. Il se montrait, avant que je ne reparte.

L'animal adorait ces apparitions surprises. Un vrai gamin ! C'était saisissant, de le voir se matérialiser, subitement, là, où on se croyait seul. 
Les membres de la famille Picabéa, dont j'ai parlé plus haut, et d'autres encore, étaient impressionnés par cette faculté d'apparition soudaine.
Ils ressentaient vraiment le phénomène comme l'incarnation d'un démon, une magie noire et inquiétante.

Oronos s'en amusait, visiblement.
Je fus moi-même surprise. Pas tellement inquiète, puisque, en venant là ce soir là, j'espérais bien rencontrer notre nouvel os du moment, sur la parcelle CA 70, maintenant fameuse.

Je me garais obligeamment à hauteur du jeune homme.
Il portait un ciré, et sa silhouette encapuchonnée participait du spectacle qu'il tenait à m'offrir.

J'ouvris ma portière, il s'approcha.

Oronos était grand, bâti en force. Je le pensais plus jeune. Il avait à l'époque moins de quarante ans. J'ai appris par la suite qu'il était plus jeune que moi de 3 ans. 
Il avait donc en 2003 trente-cinq ans. La pleine force de l'âge.
Ses cheveux encadraient son visage en boucles brunes, drues et désordonnées. Il avait un air très romanesque, à la Chateaubriand.
Son regard était sombre, mais direct. Son sourire un peu désarmant, quand il lui prenait l'envie de l'offrir. Rarement, comme je pus le constater durant l'été.

Je le sentais un peu désappointé de ne pas me voir plus impressionnée par sa vision. En fait, je tâchais de paraître très tranquille, quand je ne l'étais qu'à moitié.

Nous étions seuls sur ce chemin désert. Je ne connaissais l'individu que par ses frasques de l'après-midi, rapportées par mon frère. Se mettre en travers de la route de camions, imposer à des travailleurs de faire demi-tour, sans plus d'éclaircissement sur ses motivations, ne me paraissaient pas être des signes très favorables à nos intérêts. 
Je ne savais pas encore ce qui nous tombait dessus avec cet Oronos. Je pouvais raisonnablement supputer que ce n'était pas la meilleure chose de la terre...

Je ne me trompais malheureusement pas !

Pour cette première entrevue, je choisis de mettre les chances de mon côté. Muselant une agressivité montante, je  me fis bien urbaine :

      - Bonsoir, voudriez-vous me parler ?

N'était-ce pas entrée en matière fort civile ?

Oronos s'appuya du coude sur la portière. Il se pencha vers moi, restée assise au volant.
J'éteignis le moteur.

       - Bonsoir, oui, je crois que j'ai des choses à vous dire.

Bien... Le dialogue était amorcé. Tous les négociateurs de situations de crise vous diront que c'est un préalable encourageant.

       -  Je vous écoute.

       - Vous êtes la propriétaire de ce terrain ?

       - Non, j'en suis l'agricultrice. Le propriétaire, c'est mon frère.

       - Ah... mais je préfère quand même parler avec vous.

Très honorée ! 
J'avais perçu son hésitation. Il ne fallait pas que le bougre me file dans les pattes, maintenant que je l'avais à portée.

       - Je m'occupe des opérations de remblaiement. Si vous avez des choses à dire là-dessus, nous pouvons en parler ensemble.

Il me regardait intensément, me jaugeant aussi attentivement que je l'évaluais.

Il commença alors par me parler de l'arrêté municipal faisant interdiction aux poids-lourds de circuler sur le Chemin des Crêtes. Il avait bien noté, lui, la mauvaise localisation du premier arrêté, celui de 2000. Il semblait très attentif à la géographie des lieux, et très désireux de partager cette science à qui voulait l'entendre, moi, en l’occurrence, ce soir là.
Je le laissai parler. 
J'avais dans la voiture un petit dossier administratif, à disposition des uns et des autres. Quand, par exemple, les forces de police intervenaient, au débotté, je voulais pouvoir leur présenter les éléments sur l'instant.
J'extirpai donc l'arrêté en question d'une liasse d'autres documents.
Je fis remarquer à mon interlocuteur la mention de la dérogation prévue pour les activités agricoles. Assez cohérente, s'agissant d'un chemin "rural".
Oronos se montra vivement intéressé. Il se rapprocha encore, et, pour ne pas risquer de mouiller le feuillet que je lui tendais, il fit de son ciré un petit abri, sous lequel nous étions tous les deux comme deux oisillons au nid.
Il me détailla un point de vocabulaire, m'expliquant : voyez, seuls "dérogent", signifie "ne sont pas concernés".
Au cas où j'aurais des lacunes dans la bonne connaissance de la langue française... Moi !
Je ne relevai pas cette indélicatesse, et me montrai au contraire reconnaissante de cette science dispensée ainsi.

Tout ça commençait à durer, et je voyais le temps passer, sans avancer beaucoup dans la résolution de mon problème, à savoir : que venait faire Oronos dans mon affaire ?

       - Dites-moi, tentai-je, cet arrêté, son application, en quoi vous intéressent-ils ?

Je ne voulais pas lui jeter : qu'est-ce que ça peut bien vous faire, espèce d'empêcheur de tourner en rond ?! mais je n'en pensais pas moins, je vous prie de le croire...

Et le voici parti à m'expliquer qu'il existait sur les anciens plans un chemin, en bordure de notre champ. Ce chemin reliait la propriété de sa tante, en face, à un terrain abandonné, juste à côté de notre parcelle. Ah... Et alors ?
Et alors, si nous remblayions notre parcelle, le chemin, qui avait existé mais n'existait plus, disparaîtrait. Tiens, donc !

     - Ce chemin, n'est pas sur notre parcelle, il la longe, n'est-ce pas ? Nous ne touchons pas l'endroit où il était, et n'est plus...

       -  Oui, mais comme je ne sais pas au juste où il était, je ne veux pas que les traces disparaissent.

           - Quelles traces ? Je vois l'accès à notre champ, et cette descente où nous passons en tracteur pour aller à l'autre, en contrebas.











Oronos scrutait le paysage. Son "chemin", il le voyait sûrement très bien dans ses rêves, mais pas tellement devant ses yeux.

       - C'est ça, c'est ça ! me dit-il. Si je le laisse se perdre, jamais mes deux propriétés ne seront réunies. Avec l'évolution du foncier, ce terrain ici deviendra constructible, il vaudra de l'or ! Vous comprenez, je vais devenir millionnaire !!  Mais pour ça, il me faut ce chemin...

Le garçon s'emballait gravement. Je le voyais partir dans un délire maniaque caractérisé. Je connais un peu ces symptômes, par expérience.
Ses histoires de terrains, de propriétés à réunir, de millions  à recevoir tournaient dans la tête de ce bon Oronos comme mille lucioles survoltées. Ses neurones crépitaient, allumant des étincelles inquiétantes dans ses yeux  dilatés.
D'accord, compris-je alors. Le garçon est un peu désordre dans sa tête. Ses idées s'ordonnent comme ses boucles de cheveux. Aïe, Aïe, Aïe...

Raisonner une telle fantaisie s’avérerait difficile. La police, la mairie, les voisins, ça n'était pas gagné d'avance. Mais là, c'était un sacré raidillon à surmonter, pour le coup.

       - Ces terrains sont à votre tante, pas à vous...

Je lui parlai doucement.  Je marchai sur des œufs. Ce genre d'observation n'allait pas l'amadouer !

Il m'expliqua alors que oui, oui, pour le moment, ils étaient à sa tante. Mais que les partages n'étaient pas finalisés. Ils duraient depuis trente ans. Et il se faisait fort de faire plier la vieille tante. Mon Dieu Seigneur ! Quelle histoire nous tombait dessus, avec une famille d'acharnés de ce genre ! 
Déjà, les Picabéa, fâchés entre eux, puis en procédure avec la mairie depuis des décennies, ça paraissait un joli nœud d'embrouilles.
Ceux-ci n'étaient pas bien mieux ! 

Je vous le dis, ce Chemin des Crêtes, un vrai nid de vipères endiablées. Un petit Beyrouth de la pire époque, avec cratères de bombes et fumées d'incendies  à tous les coins de rues.
Il y a des endroits, comme ça, où toutes les passions mauvaises se retrouvent cristallisées en une masse sombre et explosive.

L'heure s'avançait, je devais rentrer.

    - Ecoutez, lui dis-je, ça m'a fait plaisir de vous rencontrer, et ce que vous me dites m'intéresse beaucoup. Seulement, là, je dois rentrer à la ferme. Voulez-vous que nous nous revoyions un de ces jours ?

    - Bien-sûr, bien-sûr ! Moi aussi, j'aime bien parler avec vous. Quand je vous reverrai par ici, je reviendrai.

Cette manière de rendez-vous ne m'étonna même pas. Je commençai à m'attendre à un peu tout, venant d'un pareil personnage.

J'étais loin du compte...

Je vous raconte, plus tard.

Profitez-bien de cette trêve des confiseurs, en attendant. Et réjouissez-vous de ne pas croiser un Oronos trop souvent !

Les nouvelles d'Agorreta

dimanche 27 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : LA PLAIE ET SES TOURMENTS



Bonsoir tout le monde !

En ces derniers jours de l'année, l'ambiance est aux fêtes, aux retrouvailles en famille ou entre amis.
Je reviens souvent à mon clavier. Les journées sont dolentes, les soirées longues. J'aime ces temps en intérieur. Comme j'aime ceux en extérieur, à la saison venue. Chaque moment vécu comme bon et bienfaisant.

Continuons sur notre lancée, en flairant de plus près notre redoutable et fantasque Oronos du Chemin des Crêtes, entre 2003 et 2004.





Mes échanges avec ce garçon furent nombreux, divers et variés. Très contrastés.
Nous nous retrouvions aux champs, par ces rendez-vous informels que l'homme décidait seul. Il ne venait m'y retrouver que quand il le voulait. Il me surveillait depuis la maison de sa tante, en face. Et, quand l'envie lui prenait de tailler une bavette en ma compagnie, il arrivait, au volant d'une vieille voiture défoncée, ou à pieds, selon.

Il œuvrait aussi par beau temps sur cette fameuse parcelle en bord de route, qu'il prétendait sienne. En fait, ce terrain, personne ne savait trop à qui l'attribuer. Un certain Ostiz, peut-être, mais pas de certitude, et moins encore que cet Ostiz là était un membre de la famille de notre intrépide Oronos. Un grand flou, quoi, que les services cadastraux ou fiscaux n'ont jamais éclairé.
Oronos aimait les travaux de plein air. Il faisait volontiers des plantations, sur ce lopin de terre ouvert sur le large. Evidemment, ses plants, il n'allait pas les acheter dans une jardinerie, chez Lafitte, par exemple. Non, non, ses plants, lui, il allait les cueillir sur pied, il les glanait, par ci par là. Les jardins des voisins, le Parc Floral Florénia, tout proches, lui faisaient office de magasins.
Il posait des clôtures, avait besoin de piquets. Qu'à cela ne tienne, il en avait à foison, juste à côté, chez nous !
Voulant rétablir la vérité géographique selon son idéal, il fermait un accès ici, ouvrait une voie là. Forcément, dans les accès à fermer, il y avait celui qu'empruntaient les camions pour venir décharger la terre chez nous. Evidemment...








Finalement, les lubies de ce grand gaillard faisaient plutôt bien l'affaire de nos chers voisins. De là à penser que tout ce petit monde entretenait sciemment les utopies de notre grand fantasque, il n'y avait qu'un pas, et vite franchi !
Oronos avait été vu en conversations avec Mme de C, et avec Mr R.
Durant l'une de nos rencontres, il me dit même un jour que "ces gens là payaient bien"...

Sans plus d'éléments, je ne pouvais évidemment pas accuser les voisins de se servir d'Oronos, pour faire cesser notre activité, puisqu'ils n'y parvenaient pas par les voies légales et autorisées.
Mais je pouvais assez sérieusement le penser.
J'imaginais bien la sèche petite Mme de C, s'enflammer pour ce beau jeune homme, un restant de progestérone l'étourdissant suffisamment pour lui faire sortir quelques billets.

Oronos d'ailleurs ne faisait pas mystère de son besoin d'argent. Il ne travaillait pas, d'où tout ce temps libre qu'il mettait à notre disposition. Une petite allocation quelconque ne devait pas suffire à servir ses grands projets. En attendant de devenir millionnaire, quand il aurait vendu ces fameux terrains, le jour où ils seraient, un, à lui, et deux, constructibles, il lui fallait bien quelques subsides.
Il m'annonça au détour d'une autre de nos conversations, son tarif : "quinze euros par camion, et je les laisse passer". 
Tiens donc ! Il m'expliqua qu'en décharge officielle, le prix à payer étant de plus de vingt euros par tonne, soient près de deux-cent euros par camion, il me faisait un vrai prix d'ami, par sympathie... 

Comme dit mon frère aîné, "ces fous, jamais tu ne les vois bêcher dans la montagne, toujours, ils veulent se faire de l'argent sans travailler !!" 
Ce n'est peut-être pas faux, encore que, dans le cas présent, Oronos saisissait volontiers le manche, pelle, pioche ou bêche. Il fallait lui reconnaître ce mérite.

Oronos avait plusieurs registres, dans ces échanges au grand air avec moi.

Par une magnifique matinée,  limpide et ciselée, il s'approcha de moi, venue là voir où en étaient les travaux. Perturbés par les entraves multiples qu'il nous occasionnait.
Il avait un grand chien, mitigé berger et loup. Une jolie bête, puissante en finesse, un peu comme lui.
Ce matin là, Oronos était d'humeur mauvaise.
Il attaqua immédiatement par des menaces, m'interdisant de stationner là.
Il m'abreuva d'insultes bien senties que mes chastes oreilles réceptionnèrent. Il me promit quelques sévices, sexuels et autres, de toutes natures, mais tous assez douloureux.
Pour conclure, posant une grosse pierre sur un piquet de bois devant lui, arraché quelques jours plus tôt de notre clôture, il intima à son chien l'ordre de me mordre.
L'animal n'était pas méchant, et, heureusement pour moi, visiblement pas dressé à l'attaque.
Je m'agenouillai, l'animal vint vers moi, et se laissa voluptueusement caresser l'échine.
Son maître, contrarié, me promit de venir me tuer de ses propres mains.

  - Bah ! lui répondis-je, il faut bien mourir un jour, non ? Alors pourquoi pas ici, et de vos mains...

J'étais dans un état étrange, distanciée de moi-même et de la scène. Très calme, quand j'aurais du être un peu inquiète, tout de même. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. 
Oronos perçut ce détachement, et me lança, jetant son gros caillou à terre :

  - Mais, vous êtes encore plus folle que moi, vous ! Je vous aurai, un jour !

Ma foi, ça repoussait le terme fatal à une autre fois.

Oronos était en fait un individu violent. Il lançait des pierres sur les pares-brises des camions, au risque de blesser le chauffeur. Il avait frappé sa grand-mère, bousculé sa tante. Une vraie famille à tempérament ! La tante dont je fis connaissance plus tard, était aussi agile qu'une jeune fille, quand elle approchait les quatre-vingt printemps. Incroyable !

Durant le printemps et l'été 2004, encore, il dégradait les clôtures, écrasait le foin en roulant dessus avec sa voiture. 
































Il était suffisamment mauvais pour s'en prendre à des arbres, les écorçant sur tout leur périmètre pour empêcher la sève de circuler, et faire ainsi périr les chênes.



































Oronos fut notre plaie, ces deux années là.
Oronos plantait des piquets dans le bitume, au travers de l'entrée de notre champ.
Oronos empêchait un camion de béton contrôlé de livrer sa marchandise, finalement bonne à jeter d'avoir trop attendu dans la toupie.
Oronos caillassait les camions.
Oronos faisait déposer des troncs d'arbres sur le chemin.
Oronos, Oronos, Oronos...

Cet été 2003, il a fait chaud, très chaud. Souvenez-vous, la canicule, fatale à je ne sais combien de pauvres vieux isolés.
Oronos, perçait de sa barre à mine le goudron, son polo roulé en turban autour de sa tête, au plus chaud de la journée.
Les policiers appelés le sommaient de s'arrêter. Il continuait. Puis, relevant le front, s'interrompait : "Ah oui", disait-il.
Puis, venaient les discours, les négociations : "Je suis sur un terrain privé, vous n'avez pas le droit d'intervenir". Les policiers reculaient, dépités. Et nous, donc !
Oronos nous apprit ainsi deux trois choses, dont ma foi je fis profit, à une ou autre occasion. Je vous raconterai, si je ne l'ai pas déjà fait, me semble-t-il. Je me perds un peu moi-même dans ce "bloc" touffu, maintenant...

Pas une semaine ne se passait sans que nous ne nous rendions au commissariat, porter plainte pour une énième exaction. "Ne vous découragez pas" nous disait-on. Il faut multiplier les plaintes. Ca finira par aboutir. Hum...
Nous rencontrâmes à ces occasions des gens charmants, un Major Huet adorable, un Groundt, je ne suis pas sûre de l'orthographe, là encore, complètement va-t-en-guerre.
Un immense soldat en uniforme se déploya devant nos yeux ébahis, un torride dimanche après-midi, dans la salle d'attente où nous patientions pour la ixième fois.
Un vrai travail à plein temps, où je ne me faisais pas relayer aussi souvent que je l'aurais voulu par mes frères. Ils faisaient ce qu'ils pouvaient, pourtant.
Il faut dire que l’énergumène sortait du lot. Et la situation nous laissait démunis.

Curieusement, les voisins, présents, n'entendaient ni ne voyaient rien. Une tronçonneuse vrombissant à plein régime au beau milieu de la nuit, ne les réveillait pas.
Oronos arrachant des piquets, jetant des pierres à de braves chauffeurs ahuris et effrayés, rien de tout cela ne les faisait réagir. Fallait-il que ces gens soient sélectifs dans l'appréciation des nuisances qui les dérangeaient... Enfin !

Avec un tel phénomène, nous ne savions plus à quels saints nous vouer.
En désespoir de cause, j'invoquai carrément le Bon Dieu, en la personne du futur président Nicolas Sarkozy, (futur d'alors, pour maintenant, c'est un peu tôt pour le dire...) ministre de l'intérieur de l'époque :































Perdus, nous étions perdus et désemparés.
Ce garçon nous rendait tous aussi fous que lui.
Je faillis l'écraser un jour, au volant d'une grosse machine que je ne maîtrisais pas, toute à ma furie.
Cela me valut une convocation au commissariat pour tentative de meurtre, rien que ça !

Je ne vous raconte pas tous les débats que nous eûmes, tous les plans que nous échafaudâmes, dans le seul but de nous débarrasser de notre ennemi public numéro un local.

Finalement, nous nous retrouvâmes tous devant les tribunaux.
Evidemment, le garçon n'étant pas solvable, nous ne verrions jamais l'ombre des dédommagements qui lui furent réclamés.
Il fut  emprisonné, quand, après avoir fracassé la machine à café du commissariat, ce qui fit bouger les choses bien plus que toutes nos clôtures, foins et arbres arrachées, écrasés, et saignés, il s'en prit physiquement à un ou autre agent de la police nationale.

Au moins, grâce à Oronos, nous fîmes l'expérience des cours de justice, et de leur théâtralisation.
Le tribunal de Pau, particulièrement, me parût être une scène avantageuse, une tribune propre à exprimer mes talents de comédienne-née. Cela me plût beaucoup. Même si j'aurais préféré ne pas avoir eu à me débattre au milieu de tant de tracasseries, pendant deux ans,  pour en arriver là.

Finalement, Oronos disparût enfin de notre paysage. Paix à son âme.
Et aux nôtres...

A une prochaine fois !

mardi 29 décembre 2015


CHEMIN DES CRÊTES : NOS CHERS VOISINS...



Bonjour à tous !

En ces tous derniers jours de l'année, le vent du sud nous a fait quelques frasques à Agorreta.
Quelques plaques envolées, rien d'inquiétant, une ou autre toiture un peu échevelée. L'ordinaire, dans ces vieux bâtiments quelque peu délabrés.








Là, nous sommes revenus au calme. La pluie est annoncée, paraît-il. Elle sera bienvenue. La sécheresse incongrue en cette saison n'est pas une trop bonne affaire.









Un petit saut dans le temps et hop ! retour Chemin des Crêtes, en ce bel été 2003, aride et chaud, souvenez-vous...






Oronos, évoqué dans les derniers articles, fût l'un des volets de ce triptyque rural. Non des moindres !
Notre grand tout fou nous fit passer par tous les échelons émotionnels, du rire étonné à la colère noire. 
Nous nous étions presque attachés à ce grand escogriffe, à force de côtoyer ses folies douces, et moins douces.

La mairie d'Urrugne nous offrit elle aussi l'occasion d'échanges variés et enrichissants. Nous apprîmes beaucoup en cette période. Nous fîmes des rencontres imprévues et intéressantes, dans les hautes salles vétustes de cette mairie si typique de notre belle contrée.
J'y reviendrai, vous pensez bien.

Pour aujourd'hui, par souci d'un semblant de méthode, après Oronos, j'ai envie de vous détailler un peu la troisième entité de notre tragi-comédie des Crêtes : les voisins.





Nous les englobions dans une même bulle. La même source du même genre d'ennuis.
Pourtant, ils étaient bien différents les uns des autres.
Ils se cachaient volontiers derrière les boucliers officiels, mairie ou police nationale.
Ils n'aimaient pas avoir directement affaire à nous. Les quelques réunions organisées par les services municipaux les voyaient se regrouper frileusement autour des représentants de l'autorité légale.

Ils devaient nous prendre pour des délinquants, des sauvages, ignorants de toute règle. A ne pas trop approcher, comme les bêtes fauves. 
Seigneur, nous, braves paysans inquiétés du premier recommandé reçu, affolés de la moindre convocation en mairie. Nous, démunis face à une adversité si imprévisible.
En réalité, ils nous semblaient tout-puissants, alliés des décideurs. Et nous devions leur paraître inquiétants.
Des peurs face à face, des méfiances et des soupçons. Rien de bon...

Seuls, Mme et Mr M. nous reçurent un jour chez eux, à ma demande.





Nous traversâmes la maison, de larges pièces claires et vides, après une immense porte en fer forgé ovale.  Cette même porte vola en éclat, un matin, soufflée par une explosion de bombe artisanale. D'autres que nous devaient avoir maille à partir avec ces M...

La propriété est ceinte de murs épais, "gardiennée" par vidéo-surveillance. Comme ses voisines. 
Ces gens-là ne vivent pas bien tranquilles, dirait-on.

Tout de même, Mme et Mr M. nous reçûmes, en délégation, mes deux frères et moi, par un clair dimanche après-midi.
Je voulais établir un contact direct. Ma première approche épistolaire avec Mme et Mr de C n'avait pas été concluante. Ils n'avaient pas donné de suite à mon appel. J'essayai donc Mme et Mr M. en deuxième approche.

Je fus agréablement surprise de la cordialité de leur accueil.
Ils nous firent asseoir au bord de la piscine, et nous proposèrent à boire. Ça ressemblait presque à une visite amicale. 
Très vite pourtant, Mr M. sembla vouloir nous faire dire que notre activité n'était pas agricole, mais commerciale. Tiens donc ! Il insistait, réclamant des détails, s'informant de tarifs, de réglementations. Je sentais le vieux matou aux moustaches dressées.

En première démarche, les voisins s'étaient par mairie interposée inquiétés de savoir si nous n'avions pas de projets de construction, sur notre parcelle CA 70.
Eux-mêmes avaient obtenu des autorisations, là où beaucoup d'autres avant se les étaient vues refusées. Curieux, mais, bon...
Ils se retrouvaient sur la Crête, entre eux, entre gens de bonne compagnie. Ils ne voulaient pas partager le privilège de ce magnifique panorama. Un peu féodal, comme système, non ? Mais tellement courant dans nos verdoyants pâturages...






Ensuite, les nuisances réelles occasionnées par le gros chantier espagnol les avaient fait sortir de leurs gonds. Cette réaction, nous l'admettions, et reconnaissions le bien-fondé de leurs récriminations d'alors.

Depuis, les rotations de camions venant apporter de la terre chez nous s'étaient faites beaucoup plus diluées. Il y avait bien plus de poids-lourds empruntant le Chemin des Crêtes en direction de la décharge municipale de Labourénia, en bout de voie. 

Les nuisances au voisinage n'était pas plus aiguës par le fait de notre activité, que par celle de la mairie. Elles l'étaient même plutôt moins, malheureusement pour l'avancée de notre projet.

Les villas des voisins sont en retrait de la route, et pour la plupart ceintes de façon à atténuer les bruits de circulation. Les jardins sont du côté opposé à la voie. Il faut vouloir voir passer du camion, en se postant au bord du chemin, comme le faisait très régulièrement l'acharné Mr R.
Les revendications de nuisance  se justifiaient mal.

Cependant, les voisins s'intéressaient à nous, à ce que nous faisions, aux possibles bénéfices que nous en tirions. Ils se demandaient si nous ne faisions pas un petit commerce profitable, là, sous leurs yeux. 
Et si, peut-être, il n'y avait pas moyen d'en tirer avantage pour eux-mêmes. 
Là, c'est mon imagination perfide qui parle, évidemment. Vous l'aurez reconnue, la rouée mauvaise...

Jamais les voisins, n'ont, aussi clairement qu'Oronos, manifesté l'intention de ramasser quelques billets au passage. Non, jamais ! Tout au plus Mr de C. s'est-il enquit du prix du terrain agricole, de notre éventuelle intention de vendre... Comme ça, manière d'entretenir la conversation entre voisins, sans penser plus loin. Le bougre !

Je n'avais pas d'éléments de réponse satisfaisants à leur apporter. Que mon frère terrassier se fasse rémunérer pour son travail, que les entrepreneurs impliqués trouvent entre eux des arrangements financiers, je n'en avais cure. 
Moi, je voulais une parcelle cultivable. Je n'avais sûrement pas les moyens de prendre en charge le financement des travaux nécessaires à cet objectif.
J'avais cette opportunité de concilier mon projet et mes capacités à le mener à bien. Je n'allais pas la laisser passer !

Nous étions avec mes deux frères une entité diffuse, une hydre à plusieurs têtes. L'un propriétaire, l'autre exploitant, le troisième maître d'oeuvre. Personne ne s'y retrouvait trop bien. Les amalgames se multipliaient. Nous ne faisions pas grand chose pour éclaircir la situation, honte à nous !
C'était amusant, ces changements de pieds, ces volte-faces. Une petite danse arythmique et surprenante, pour tous nos interlocuteurs, un peu perdus au milieu d'autant de Legorburus...

Mme et Mr B. crurent avoir rassemblé les pièces du puzzle en un tableau plus facile à cerner. 





Ils firent le rapprochement entre mon activité salariée d'alors, au sein d'un grand groupe céréalier, à l'époque, et un de leurs amis, justement à la tête de l'une des principales filiales de ce groupe.
Cet ami, pour eux, l'un de nos grands patrons, pour moi, se fendit même d'un coup de fil sur mon lieu de travail, pour me parler de mes problèmes de voisinage, Chemin des Crêtes.
Il se fit proprement recevoir, comme de juste ! Je lui rétorquai qu'au magasin, je me devais de prendre en compte ses directives. Et je le faisais. Chemin des Crêtes, j'étais chez moi. Et ni lui ni personne ne viendrait m'y faire autre loi que celles applicables à tous, y compris à ses amis.

Et toc, j'étais toute fière de ne pas avoir plié devant la grande autorité... Je fus mutée, à 80 kilomètres de chez moi, dans le mois qui suivit. Sans lien de cause à effet, évidemment, là encore !

Comme les gens deviennent teigneux, quand ils se heurtent à leurs faiblesses inavouées.
Bah, je fais pareil, et vous aussi, sans doute, non ?

Allez, je vous laisse ici pour aujourd'hui.
Je vous parlerai encore de ces braves gens. Ils méritent que l'on s'y attarde,  un peu, mais pas plus.

A bientôt !
Les nouvelles d'Agorreta

mercredi 10 février 2016


CHEMIN DES CRÊTES : EPILOGUE




Suiveurs des aventures du Chemin des Crêtes, bonjour !

Le temps est bien "chaffouin", ce matin. Pluie persistante et entêtante. un joli temps pour écrire, lire... et peindre ! Et oui, je n'ai pas tout à fait terminé mon chantier intérieur. Je vous montre le résultat, bientôt.







Revenons à cet été 2004.

Au plein mois de juillet, aiguillonnés par un innocent courrier de la mairie d'Urrugne, nous reprîmes le flambeau conquérant des lutteurs acharnés.


Mon courrier de réponse était l'amorce d'une dernière ligne droite en accélération. La sortie du dernier virage de la course.






Je mettais tout le monde dans la partie.

Bien décidée à impulser le dernier sprint, je convoquais l'ensemble des participants de notre épopée rurale.

Le temps des masques était tombé.
J'écrivais en mon nom propre, et m'adressai à ce rival de qualité, en la personne du Directeur des Services Techniques.

Il n'était plus temps de nous cacher respectivement derrière mes frères, derrière le maire. 
Je m'apprêtais à un affrontement direct, tels les duellistes convoqués au pré à la petite aube.

Je n'eus jamais cette satisfaction. Le grand Boyé ne daigna pas me l'accorder, du haut de ses centimètres et de sa prestigieuse fonction. Bah ! Je pris le parti de me passer de la scène qui m'était refusée.


Les voisins étaient cités pour le plaisir du spectacle. Leurs interventions,  nos discussions, nos accords, tous ces simulacres retournaient dans les limbes d'où nous ne les avions sortis que pour la parade.

Je regrette cette désinvolture à peine voilée d'alors. Ces gens méritaient plus de respect et de considération. J'étais aveuglée par mes peurs, mes ressentiments. Incapable de leur accorder l'attention qui semblait m'être refusée, à moi. Quand j'aurais pu mériter cette attention, en m'en montrant dispensatrice moi la première. 

Il est difficile de s'extraire d'une spirale vicieuse de ce genre. On y entre bien plus facilement qu'on n'en sort...


La réaction de la mairie fut très révélatrice.
L'agacement de notre grand Jean-Bruno Boyé lui faisait perdre son latin... et ses mots.
Nous reçûmes par courrier une lettre plus ou moins définitive, et le brouillon qui l'avait précédée. 
Je notai la date anniversaire de notre fameuse réunion en plein air, dans le grandiose amphithéâtre du Chemin des Crêtes, nimbé de soleil couchant.









Tiens, mon si emblématique biais !

Vous y êtes-vous faits ?

Moi, oui...

Tenez, celui-ci est irréprochable :
























Je m'amusai de voir ce désordre, de sentir ce mouvement d'humeur. 
Ça me consolait des miens ! Piètre nature humaine, satisfaite de constater les faiblesses d'autrui, au lieu de combattre les siennes...

La mise en demeure grasse et solennelle ne m'impressionnait évidemment pas. Nous étions bien au-delà de ces intimidations pathétiques !

Ma réponse fut dans la lignée de toute l'affaire : impertinente et joueuse, sur un fond d'authentique rébellion :












































Je me régalais. Je sentais la partie gagnée. Mes arguments bien défendus se tenaient. J'avais rôdé leur déroulement et maîtrisais parfaitement les enchaînements de l'un à l'autre. Ces voltiges là me plaisaient.

J'avais fait l'année précédente, à l'occasion de nos multiples visites au commissariat de police, suite aux coupables agissements du terrible Oronos, connaissance d'une ou autre figure marquante de l'équipe en place.
Deux majors, particulièrement, ont gravé leur souvenir dans ma mémoire. Deux styles tout à fait opposés : l'un, petit homme doux et discret, au pâle regard rêveur, le major Huet. Le second, se dénommant lui-même "l'ours des Pyrénées (!)", beaucoup plus interventionniste et rubicond, le major Groundt (là encore, pas de certitude orthographique).
Deux hommes attachants, chacun à sa manière, que notre histoire ne laissait pas indifférents.
Deux figures, rattachées à cet épisode, y inscrivant une marque sympathique et optimiste.

Notre parcelle du Chemin des Crêtes fût ensemencée dans sa totalité, comme prévu, durant l'année 2005.
Nous y fîmes nos premières récoltes en 2006.

Aujourd'hui, elle s'étale, large et paisible, face à la mer, tour à tour calme ou démontée, comme ces jours-ci, ou plane et diffusément noyée dans le ciel, comme le matin où j'ai pris ces clichés.






















Au delà de cette réussite, j'en retiens notre cohésion familiale d'alors, notre union dans la défense d'un projet commun.
J'en retiens un éclairage judicieux des différentes personnalités rencontrées, cette chance d'avoir recueilli une connaissance condensée de la nature humaine, de ces richesses et de ces écueils.

Je suis contente d'avoir vécu ces deux années. Contente de  cette petite bataille et de son issue.
Ces souvenirs rassemblés ici m'ont ramené des images pleines de lumière, et d'autres, moins claires, de ces jours où le découragement nous faisait ployer les épaules.

Aucune partie n'est gagnée d'avance. Je le sais. Mais aucune ne se gagne en partant vaincu. Ça aussi, je le sais... et je le retiens.

J'espère que notre petit conte rural vous a divertis. Et je renouvelle mon sentiment amical à tous ses participants. A ceux qui m'ont aidée en m'aidant, et à ceux qui m'ont aidée en ne m'aidant pas, aussi !


Je terminerai cet épisode des Nouvelles d'Agorreta, en revenant à Agorreta, justement, où notre goût pour les grands travaux nous a fait recommencer un autre grand projet, à notre échelle :







A la prochaine fois !


Jeudi 27 février 2020 20h20

J'ai fini par sauter quelques épisodes de ma saga rurale.
Je m'y abrutissais un peu.
Je n'ai pas tout relu, trop long !
Juste repéré quelques saillies, quelques traits, signant la péronnelle arrogante, si on n'aime pas le genre, ou la brave petite guerrière courageuse, si l'on veut se montrer mieux-veillant.
Un petit mélange des deux fera mon affaire.

Ce Gueguel a au moins ce mérite de conserver tout ça, le bon, le mauvais, en parfait état de fraîcheur.
Pour une autre fois, si besoin, je saurai très bien trouver les pièces manquantes.

Là, je vais juste clore le chapitre, puisque le champ, lui, ne l'est plus, clôturé !



L'actualité de ce début de semaine, c'est celle-ci !
Notre jolie clôture paysanne, mise à terre, proprement, tronçonnée. 
Notre clôture de bordure de ce fameux champ voisin de ces fameux voisins à la dragée haute...

Je ne suis pas spécialement une anarchique révolutionnaire, partisane de déboulonner toutes ces têtes aristocratiques et semi-bourgeoises.
Je pratique ces gens, à la jardinerie, parmi notre clientèle aisée. Avec un certain plaisir, parfois, et, surtout, un bénéfice certain !
Je reste tout de même la paysanne ataviquement méfiante envers les représentants de ces milieux, dont les siens étaient les vassaux, il y a encore peu. Pour preuve, notre bail à fermage d'Agorreta, il y a à peine moins d'un siècle. Ca n'est pas si vieux, pas assez du moins pour qu'il n'en reste rien.

De notre histoire mouvementée du Chemin des Crêtes, j'ai gardé dans un coin de tête l'idée d'un retour de manivelle, où je pourrais, si l'occasion se présentait, faire sentir à ces gens combien je les aimais… peu !
Je suis rancunière, je le sais.
Ca n'a pas été la préoccupation première de chaque jour des plus de quinze années qui sont passées depuis.
C'est tout de même resté là, enkysté, à me démanger comme une sale plaie mal cicatrisée.

Les braves protagonistes de cet épisode du Chemin des Crêtes ont bien vieilli, comme je l'ai fait moi-même.
Mr C et Mr R sont morts. Paix à leurs âmes. Qu'ils trouvent dans l'au-delà, la paix qu'ils n'ont pas eue ici bas.
Nos tempéraments à tous se sont sans doute assagis. Nos querelles vives d'alors, ont tiédi.

Notre indien volcanique du coin a perdu un peu de sa fougue juvénile, sans doute;
Tout de même, il lui en reste encore bien assez !



Ces piquets de bois alignés comme de bons petits soldats morts au combat en témoignent.
L'homme, approchant maintenant la cinquantaine, a encore suffisamment de souplesse et d'allant, pour se tenir accroupi au ras de l'herbe, tronçonneuse en main, avançant de piquet en piquet, méthodiquement, sur plusieurs dizaines de mètres.
Son travail est bien mené, en grande efficacité.
Je n'essaie pas de comprendre les motivations de ce grand garçon. A l'époque, déjà, j'y passais beaucoup de temps, sans en tirer rien de plus. Notre indien de la contrée, est resté un grand tout fou, imprévisible et fantasque; 
il cultive sans doute le mythe de la possession par le sang et la terre. 
Les Oronos sont de souche basque, pour ce que j'en sais. Ils habitent la contrée des Crêtes depuis fort longtemps; Tels les Indiens d'Amérique boutés hors de leurs terres par les colons européens, il se sent peut-être parqué dans une réserve, poussé dehors par ces colonisateurs secondairement résidentiels d'un nouveau genre. 
Il se bat, à sa façon, et sa lutte pourrait sembler pure. Sinon légitime. 
Ses méthodes par contre sont très controversées...et pour cause !
Mieux vaut le laisser aller dans ses délires, plutôt que de s'y perdre avec lui.

D'un point de vue tout pratique, on imagine assez bien le hurlement strident d'une tronçonneuse dans le petit matin de lundi.
Mieux encore ce même hurlement, encore plus strident, quand la chaîne s'attaque à un madrier de chemin de fer dur comme de la pierre, dans le petit matin suivant du mardi;

Et bien, Mr B, premier voisin ou presque des lieux de l'outrage, ce même Mr B à l'ouïe si sensible un temps au vrombissement même lointain d'un bon gros moteur de camion, si paroxystiquement dérangé par notre petit trafic d'alors, et bien, ce même Mr B, près de 20 ans après, il est vrai, n'a rien vu, rien entendu. Non, vraiment, il était là, oui, ..oui, oui, … mais, non,..non, non, il n'a rien vu ni rien entendu !
Tiens donc...ça alors !

Il était pourtant sur son pas de portail, posté sur le chemin des Crêtes, humant l'air frais du matin.
Sans doute se demandait-il existentiellement, s'il valait mieux prévoir pour la journée un parcours de golf, ou alors,
pour éviter les embruns salins qui endommageraient sa peau délicate, une partie de bridge.
Le dilemme demandait une telle concentration intellectuelle que ses perceptions plus physiques en étaient sérieusement neutralisées.
Ce doit être ça… ou alors, non… ? encore que ? Je ne sais pas. Je suppute.


Ce bon Mr B, Mr "fer à béton de 13", et ses bons voisins, sont maintenant très inquiets du retour dans leurs parages de ce 'fou dangereux".
Ils voudraient juste vivre en paix, vivre entre eux.
Jouir de leurs belles propriétés si cher payées. Profiter de la vue, sans être gênés.
Nous tolérer, certes, et malheureusement, s'il le faut.
Encore que… si nous vendions, ces terres agricoles, (pour y cultiver de la betterave, qui sait ?), ils se porteraient acquéreurs, se bousculant l'un l'autre dans la file d'attente, pour être les premiers.
Un peu plus, et ils viendraient nous manger dans la main.
Le retour de flamme de ce bon vieil Oronos nous a permis de reprendre contact.
Pour notre clôture, ils sont désolés, vraiment.
Si nous pouvions les débarrasser de ce "fou dangereux"... Oui, mais comment ?
Ils se lamentent et se tordent les mains, nous les tendent, en gage de paix et de bonne volonté.


Pour nous, le grand tout fou peut bien s'en donner à cœur joie.

La clôture vieillissait. Tôt ou tard, il aurait fallu la changer.
L'inquiétude des voisins, nous n'y pouvons rien.

Puisque l'idée nous en est ainsi avancée, nous ferons autrement, pour le champ.
Une jolie haie bocagère viendra se hisser entre les pavillons et la mer.
Les petits oiseaux et les lapereaux seront contents.
La nature "sssauvaaage" reprendra ses droits.
Et chacun de nous retrouvera les siens.