lundi 11 novembre 2019

début novembre




Lundi 4 novembre 2019 10h50


Les parages ont été bien secoués dans la nuit de samedi à dimanche.
Une petite pointe sur les 4 heures du matin m'a soulevé une ou autre tuile.
Opération commando en fin de matinée, dimanche, pour parer au plus pressé.
Arrimée en sécurité à mon grand mari, nous avons remis de l'ordre dans tout ça.
Aujourd'hui encore, le vent souffle et la pluie cingle.


17h

En promenant, je remarque les branches cassées de mes châtaigniers, celles du bord de bois. Le grand liriodendron a aussi été élagué. Rien de grave. Les petits bois jonchent le sol, les feuilles froissées mouillées s'agglutinent contre les fossés.
Les colchiques dans les prés sont toutes chiffonnées.


Dimanche 10 novembre 2019 11h

Le temps ne se calme pas : grosse colère, tonnerres, éclairs, rafales rageuses.
Pas un temps à mettre un pépiniériste dehors ! Pourtant, il va falloir y aller. Sur la lancée de la belle arrière-saison, nous avons commandé du végétal en masse. Avec ce coup d'arrêt météorologique, rien ne sort, et tout arrive !
Nous faisons avec mes jeunes collègues de la mise en place sous les rafales et les trombes d'eau, empêtrés dans les cirés lourds de pluie.
Les jauges gonflent d'un trop plein de plantes, comme les terres se gorgent du trop plein d'eau.
Les averses drues fouettent les paysages, le vent colérique secoue les arbres et froisse les fossés.

Je bêlais sur les douceurs d'automne, les couleurs chaudes et profondes. 
Je romançais cette période de la maturité tranquille et apaisée.
Cette année jette mes rêveries aux orties.
J'aime pourtant aussi les volées brutales, parfois, cette secousse des éléments qui chasse les miasmes lovées dans la glue poisseuse d'un mouvement trop placide.
Là, pour le coup, du mouvement, nous n'en manquons pas. Les éléments se déchaînent en une révolte spectaculaire.
Une vraie horde de chevaux en pleine charge.

J'apprécie aussi la tempête, dehors, quand on est bien à l'abri. 
J'aime sentir les vieux murs épais de la ferme, sa charpente ancienne et solide.
Il faut peu de chose pourtant pour mettre à mal, cette belle quiétude.
Une gouttelette suintant le long d'une poutre, le cliquetis nouveau d'une fermeture approximative, une coulée d'air froid dans une huisserie que l'on croyait étanche.
C'est l'occasion de mettre la demeure à l'épreuve, le moment de colmater les brèches insidieuses et d'affermir les attaches flottantes.
C'est le temps de se préparer à l'hiver.
De faire provision de bois et de nourriture, comme au bon vieux temps, ce temps d'il y a longtemps, distillé jusqu'à nous et inscrit dans notre moelle. Les enseignes multicolores de nos supermarchés ouverts tous les jours, l'accès libre aux vivres, hors-sol et hors saisons, n'apaisent pas cette crainte atavique rivée dans nos gènes.
On continue d'avoir peur de manquer. 
Je continue, du moins d'avoir peur de manquer. Je ne suis pas dans le virtuel, où tout est possible derrière un écran, d'un coup de clic ou de doigt distrait. Je reste matérielle, attachée à la chair des choses, à leur poids concret et tangible. Mes envolées sont dans ma tête. Dans mes sensations et actions, je suis à ras de la pâquerette. Bien ancrée sur le plancher de mes vaches.

La peur de manquer me coule dans le sang, comme la sève roule dans la plante. Je m'apaise difficilement, et jamais pour longtemps.

Je l'ai dit déjà et je le répète, il faut du temps, beaucoup de temps et de jours paisibles, pour éloigner les peurs du manque et l'effroi du danger.
Quand il faut si peu de choses, un seul instant, un éclair mauvais ou une fulgurante seconde, pour mettre à mal un édifice si long à construire.

Le cours d'une vie, les sursauts d'une histoire, les hoquets d'un parcours jusque là plat, donnent la plupart du temps l'opportunité à nos démons grimaçants de relever le nez.

Je reste craintive, mal assurée.
Bien arrimée tout de même à une vie quiète;
J'en entretiens soigneusement les contours, et en cultive jalousement le noyau.

Boris Cirulnik, ma référence du moment, le dit bien :
Si nous étions en totale empathie avec notre environnement, nous n'aurions pas besoin de langage, ni d'écriture. Nous serions, sans nous poser de question, au centre d'un tout pareil au nôtre.

C'est dans la nuit qu'on écrit des soleils. C'est lui qui le dit. Ce grand spécialiste reconnu. Cet écrivain légitimé par une œuvre mondialement diffusée, et appréciée.
Moi, dans son ombre , je ne fais que me couler dans ce sillage éprouvé.

J'écris moins. Serais-je plus sereine ?
Qui sait...


Lundi 11 Novembre 2019 18h

Nous revenons de notre promenade landaise, dans la forêt et les barthes de Rivière.







L'eau, beaucoup, partout.
Les fûts des arbres restent amarrés à leur reflet dans l'eau boueuse, la base des troncs noyés dans plus de trois mètres d'eau.








Le pont du Vimport retrousse haut ses jupes sur ses jambes puissantes.
L'ouvrage paraît de taille à résister aux assauts des tourbillons de l'Adour.
Tout de même, l'eau haute susurre sa menace sournoise.











L'eau coule et roule sans gronder.
Le courant au centre ourle quelques remous ronds et lents.
Les pieux des bois debout s'enroulent de lacis silencieux aux méandres molles.
Un panneau de signalisation se hisse en un effort tragique, presque submergé par la montée de l'eau.

Derrière la futaie de jeunes chênes, là où les vastes plaines s'étalaient à perte de vue fin septembre, une mer plate et grise.
Un autre paysage, une vague inquiétude, pour la terrienne que je suis.
Les bêtes refluent vers les pâturages les plus hauts. Les grues tournent longtemps dans le ciel, à considérer les barthes noyées.







Les feuilles encore accrochées aux arbres, épuisées d'avoir tant résisté au vent mauvais, cherchent dans leurs dernières forces, la ressource de se parer des couleurs automnales.
Il va falloir aller chercher loin.

Ce vergne déjà sabré, reparti en pousses, et maintenant noyé, arqué pour garder la tête hors-d'eau, va devoir aller chercher loin, lui aussi, la lueur de la confiance en sa vie, la sérénité  et l'espérance lumineuse, quand l'eau sale vient lui chatouiller la barbe.

L'eau redescendra, sans doute.
La boue grise séchera le long des écorces blanchies.
Le paysage retrouvera ses contours.
Et la mémoire en gardera les traces.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire