lundi 23 septembre 2019

septembre




Lundi 23 septembre 2019 9h

Je suis en villégiature à Rivière.
Ces séjours me plaisent bien. Les forêts d'ici s'enluminent des feuillus penchés sur les barthes et l'Adour alenti.

Pas trop de châtaigniers par ici.
Ceux d'Agorreta dorment dans leur lit douillet.

Une première envolée d'hirondelles a vidé l'étable des pépiements du petit matin.
Les dernières virevoltent, pressées de régler leurs affaires, avant le départ.

Nous aussi, nous finissons de régler nos affaires, enfin...

Je reprends ici mes prospections châtaignières. Elles marquent la saison, et ponctuent dans ce temps au  fil long un moment privilégié.


Mercredi 11 septembre 15h30

L'automne s'annonce résolument.
Les journées cristallines aux aubes étirées en langueurs ocre rosées s'embrument du voile de la saison des couleurs douces, de la lumière moins vive, du soleil plus bas.
Ma saison favorite, sans doute celle la mieux imprégnée de cette nostalgie dolente que je sais maintenant être ma nature profonde, constellée de flamboiements incendiaires des couleurs des feuilles prêtes à tomber, avec panache.






Mes châtaigniers avancent : les bogues épanouies commencent à tomber. Les capsules hirsutes posées sur les flaques, de vert tendre, virent au marron sale.
Ces petits navires sont les pionniers de l'aventure prochaine des autres bogues, accrochées encore.






Le grand hêtre du petit bois trône en maître de sa forêt. Son tronc lisse et fort darde dru une énergie venue de loin, et, si rien ne vient faire un accroc à ce parcours lent, partie pour bien plus longtemps encore.










Je mène mes investigations toujours dans le même ordre. Dans les sous bois doucement ombrés, le vieux chêne résiste aux assauts du jeune châtaignier bien décidé à crever sa suprématie. Ces deux-là lutteront un moment encore, l'un décidé à percer, et l'autre à s'accrocher de toute la puissance de ses racines profondément enfouies en terre. Je ne verrai peut-être jamais lequel des deux l'emportera, tant est long le temps de ces grands arbres.







Plus loin sur mon chemin, le cinquième châtaignier, dans la pleine vigueur de sa deuxième décennie, commence, lui, à s'imposer dans son périmètre. Bientôt, son ombre portée étouffera toute velléité végétale sous sa frondaison. Il admettra quelques herbacées courtes et discrètes, guère davantage. 



Le triangle bleu de la Rhune pointe le mitan de mon horizon. Ronde et placide, elle me dit le temps qui passe, et les ardeurs qui s'émoussent, comme son pic aplati.








Les bois flotté dans la mare immobile en fond de combe, Lola et les deux autres, eux aussi, avancent en âge. Leurs fougues s'aplanissent et leur course ralentit. Ils restent mes chiens enjoués et fidèles. Mes petits compagnons lutins encore, et bien folâtres parfois !






Le dernier châtaignier de la lignée s'étoile de ses bogues claires bien partagées sur sa ramure ronde.
Mes six sujets ne "boguent" pas pareil. Loin de là. Il y a alternance flagrante entre les quatre premiers. Un arbre couvert de bogues aux côtés de son voisin, à peine parsemé de rares boules timides. Une histoire de fructification sur un cycle de deux années, peut-être, comme sur les fruitiers ? Une affaire de pollinisateurs presque stériles ? Il me faudra plusieurs années encore pour établir des rapprochements fiables. Mon entreprise sera longue, et je la mènerai avec patience.



Dimanche 15 septembre 2019 17h50


Juste avant l'orage, alors que le tonnerre roule ses grondements sourds, nous avons été avec Olivier ramasser les châtaignes tombées.
Germain Lafitte préconisait le "boguage", c'est-à-dire la cueillette sur l'arbre, au moyen de longues perches.
Le vent du sud des jours derniers à "bogué" pour nous. Les fruits mâturés sont tombés.
Mon étude étant gouvernée  par la recherche du plaisir, j'ai profité de cette aide pour me faciliter grandement la tâche.










Mes six châtaigniers témoins m'ont livré leurs fruits nacrés. Leurs fruits lisses et doux à toucher. Leurs fruits plats ou bombés, aux irisations claires ou plus foncées. Striés, veinés, miellés ou de sombre ébène.
Une récolte attendue par le paysan patient et fervent d'un espoir fragile. 
Le suspense de la bogue entrouverte, fermement maintenue dans l'étau des pieds, les bras ouverts pour garder l'équilibre, et les fruits vulnérables et humides, découverts dans leur gangue protectrice. La joie et le plaisir sensuel de prendre en main ces fruits pleins, brillants d'une lumière étonnante dans cet antre bien gardé.
L'ambiance feutrée et bienveillante du sous-bois, la lumière filtrée par les frondaisons de plus en plus minces des feuilles bientôt désincarnées.
Une après-midi de dimanche douce et paisible.
Une promenade en forêt, entre les fûts longs des arbres centenaires.

Au retour, débouchant sur le chemin où le soleil bas étire son ombre plus légère, nous nous laissons cueillir à notre tour par la surprise de revenir là, comme d'un monde lointain.

J'ai dans ma chronique en basque repris ce moment savoureux en lui-même, et savoureux de cette langue aux sonorités abruptes comme la bogue fermée, et chaleureuse comme la châtaigne mûrie :

Gehienek, errestasuna autatuz, lurrerat erortzen direnean biltzen ditugu gaztainak.
Urriaren igande arratsalde eder batian, eguzki beroak argitzen dituenian ostarteak, laino zuri luze batzuek zeruan etzanta, hor dituzue gaztain biltzailiak oihan bazterretan, saski ttiki bat besoan.
Gaztain azpian morkotxak lurrean, erdi idekian, gaztain buztan illetxuak ageriz.
Hor bi zangoko erripototzen artean tinkatu, kasu emanez ez pintxoak axiki egitia, eta morkokxa ideki, arrautz bateri koska kentzen zaion bezala.

Beititzia aski, eskuetan dituzue gaztain ederrak, dirdirizan, lehun lehunak. Gauza goxua eta pollita izaten da gaztain bat esku zolian biribiltzia, haren mar argiak eguzkitan jostazitzia.
Morkotx batzuetan bi ale, bertze batzuetan hiru, erdikoa leporatua bi baztereko lodien artian.
Saskirat bota, ttak ttak ttak, eta bertze morkotx bateri urbil urbilian lotu.
Fite betetzen da saskia, piso onekoa besuan puntan.
Arratsaldea goiz illuntzen da, zeruan iguzki erortziak xutan jartzen dituelarik lañu luzeak. Freskura apaltzen da oihan azpietan. Saskia ongi kalatu saietsian, eta tira bidexkari, azkeneko berotasunez gozatzea. Gaztain osto zabalak eta luzeak, orituak, ematen dute urrezkoak. Bidexkan aldian adar edur beltzakoak eskaintzen dituzte nahi duenari gozatu.
Igande eder bat, goxoa, pausagarria eta denbora txaretako buruan atxikitzeko modokoa.

Etxerat sartu, gaztainak zabaldu, eskuetan oraindikan bero beroak, eta eguzkiaren dirdiriza azalean marazkatua.





Lundi 18 septembre 17h

J'ai semé mes châtaignes. J'en ai scientifiquement répertorié les variétés. Je les nommerai au gré de mes inspirations.
Selon les prescriptions de Germain Lafitte, j'ai initié ce semis d'automne, dans un terreau léger.
Pour me garantir d'un possible insuccès, j'ai aussi prévu un hivernage en caissette, dans du sable bien sec.

Revenant à mes premières amours, j'ai mené mes prospections à la "montagne". Là bas, les moignons des arbres sciés et ensuite repartis, vieux de plusieurs centaines d'années, promettent des variétés plus originelles, protégées des pollinisations croisées dans les combes abritées.
J'ai traversé sous les lianes amazoniennes des ronciers sages et des fougères plantureuses, ordonnancés par les plans horizontaux des noisetiers suspendus au dessus, en demi monde entre la végétation basse et la haute canopée.
Le soleil filtre au travers, touchant de son doigt lumineux, ici ou là, une feuille morte, un caillou, une herbe gracile.
Les chiens furètent, émoustillés de ces odeurs nouvelles, de ces pistes inédites.
Je marche dans le silence, foulant le tapis craquant des feuilles déjà mortes. Je ramasse mes châtaignes, entre les bogues déjà ouvertes et vidées.







Là aussi, dans ce milieu pourtant protégé, les hybridations ont mélangé les essences, brassé les variétés, en une diversité bien marquée.
Je vais inclure ceux-là avec ceux d'Agorreta, leur faire une place aux côtés des miens.





Il me faut attendre maintenant.

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