vendredi 19 avril 2019

19 avril



Vendredi 19 avril 2019 9h10



Vendredi saint, la Pâques chrétienne et l'histoire de la résurrection.
Présentée telle quelle, l'imagerie clinquante ne fédère pas trop, à mon humble avis.
J'y vois la transposition d'une espérance nécessaire, et j'entretiens cette espérance par mes fines (!) observations.
Je le disais, la nature m'enseigne. Elle m'enseigne une manière d'éternité, un recommencement cyclique et infini.
Elle m'enseigne les arborescences immenses où les grands arbres se hissent vers le ciel en s'élargissant, et se fondent dans la terre, où leurs racines trament des connexions invisibles et pourtant là, essentielles.
Elle m'enseigne la régénération, la persistance et les élans millénaires d'une simple fougère.
De ces fougères dont les crosses se déroulent ces jours-ci en frondes, élevées au dessus des myosotis pâles et des dernières violettes.






J'avais en mai 2014 déjà confié mes émotions d'alors :


En ce dimanche bruineux, nos potagers absorbent l’humidité venue du ciel comme pain béni. Les températures commencent à être agréables, elles ont même par moment tendance à grimper en percées qui nous prendraient de court. Souvenez-vous de lundi dernier…
Quand vous rentrerez ce soir de votre sortie du dimanche, en passant par le potager, vous verrez que le temps est poussant. La végétation se développe à vue d’œil, la jeune pousse tendre s’étale presque langoureusement.
Nous regardions avec Jean-Michel vendredi dernier le développement étonnant d’une jeune crosse de fougère dans la cour de notre réception. Vous me direz, tiens, une fougeraie à la jardinerie Lafitte, pourtant si bien tenue ? Des crosses de fougère dans la jardinerie comme au plus sauvage des sous-bois du Pays-basque profond ? Oui, oui, oui… vous n’avez pas tort, nous avons quelques recoins un peu sauvages ici et là. Non, j’ai dit sauvages, pas négligés, attention ! Mais quoi ! Nous sommes une jardinerie, non ? Nous travaillons au plus près de notre mère-nature et tenons à lui laisser une place légitime chez nous. A ce propos, dans les nouvelles directives environnementales, il est préconisé de ne pas rechercher le zéro adventice dans nos cours et allées. Histoire de ne pas polluer les nappes phréatiques de pesticides agressifs. C’est dans cet esprit que nous autorisons les ronces, orties et autres fougères à coloniser discrètement notre espace. Pas par négligence, donc, qu’on se le dise !
Bien, cette justification qui en dit déjà long sur notre sentiment de culpabilité posée, revenons-en à notre crosse de fougère. Avez-vous déjà observé le phénomène ? Par des journées comme celles que nous avons aujourd’hui, prenez au petit matin à peine levé, une jeune pousse de fougère juste visible sous sa gangue moussue. Repérez-là sans vous donner trop de peine de signalisation, puisque deux heures plus tard, quand vous repassez par là, vous avez déjà devant vos yeux ébahis, une vigoureuse tige qui fait le dos rond, une crosse repliée et rebondie, une force vive et invincible qui pousse des épaules pour lancer en un ample et irrépressible mouvement sa tête vers le ciel. Il y a quelque chose de phallique, la victoire du vivant sur l’inerte, la réminiscence des naissances primitives et le fossile de l’apparition de la vie sur terre. Quelque chose de presque indécent, qui se regarde du coin de l’œil en rosissant quelque peu, quand on a une nature un peu empruntée…  Quelque chose qui nous ramène au fœtus, à l’origine et au commencement.



Toujours dans la sobriété, à peine emballée !

La nature nous enseigne et nous laisse espérer. Alors…
Espérons !

Je garde aussi espoir en la nature humaine. Je continue d'avoir confiance, même si par caprice certains me l'ont malmenée.
Parce-que c'est plus facile à vivre, d'abord, et parce-que d'autres m'en donnent les meilleures marques :




On se méfie ici, quand on devrait se méfier là !
Une histoire de furet…

Je m'en vais retourner à mes châtaignes, De Lekorne à Agorreta, mon projet joli.





mercredi 17 avril 2019

17 avril



Mercredi 17 avril 2019 10h36



La petite logistique du matin bouclée, une pause plaisir, avant le déjeuner.
Le temps est bien incertain, ces jours-ci : petites pointes chaudes, lourdeur orageuse, averses et petit frais soudain. 
Mes belles attendent à l'étable, tranquilles. Les petits travaux d'aménagement de la sortie d'étable demandent ressuyage. Puisqu'il faut attendre, attendons, comme disait l'autre.
Ma nature impatiente craque un peu aux entournures, mais je tâche de mettre à profit les enseignements dont je parlais il y a encore peu : patience, résilience, les enseignements du vieux chêne.
Il faut apprendre, apprendre encore, et utiliser la science acquise. Forcer sa nature, quand sa nature vous joue des tours.

La nature en joue aussi, des tours. L'orage, les grains, l'éclair zébrant le ciel, les coups de vent brusques, tout ça, c'est bien la nature aussi, et elle n'est pas toujours arrangeante, la bougresse.
La pluie drue tombée lundi soir n'arrangeait pas mes affaires, remettant à plus tard mon ouvrage.
Si elle avait eu l'heur de tomber sur Notre Dame de Paris, la cathédrale n'aurait pas brûlé, ou moins.
Mon ouvrage attendra.
La cathédrale survivra, autrement.

La spiritualité, la transcendance d'une âme architecturale de plusieurs siècles, n'est pas que dans les pierres et le bois.   Elle est dans le cheminement de chacun, dans les signes gravés au delà de nos temps de vie, au delà de la durée des chênes séculaires, au delà même des pierres dures.
La cathédrale sera reconstruite. D'autres l'ont été, partant du roman, passant par le gothique. Chaque temps marque une éternité insaisissable sans ces chaos.
Il y a besoin parfois pour repartir de faire table rase, ou au moins de se dépouiller, de perdre, un peu.

Je n'ai pas partagé l'émotion générale. Je n'ai pas regardé les images. L'incendie, la destruction, le ravage injuste et sidérant stupéfie et arrête. La marche d'un temps si rapide maintenant, où seul compte l'éclat de la nouveauté, hier étant déjà la préhistoire. Pourtant, à l'ère où le numérique pulvérise le temps lent et long dans une instantanéité despotique, l'humain se fige encore d'émoi devant la perte de son histoire.

Tout ça cohabite et se partage, dans nos sensibilités tourmentées.
Les grands philosophes ont essayé de comprendre. J'essaie, avec humilité et à mon échelle, de comprendre, aussi, et d'appliquer au mieux ce que je pense avoir compris. Il y faut du temps, et de l'assiduité. Je m'efforce !

La pluie est tombée, ici, le feu a ravagé, là.
L'homme s'émeut, s'incline… se relèvera, sans doute, encore.


lundi 15 avril 2019

15 avril



Lundi 15 avril 2019 10h26



Ce matin, une aube résolument printanière, ocre rosée.
Le soleil en pointe, tout près du bosquet.

Une journée à aller flâner dans la campagne, s'imprégner des forces vives de la nature, de cet élan irrépressible et enthousiaste.
Tout feuille, tout germe, tout pointe, hardiment.





Les chênes du pays sont en fleurs. Ces grappes légères se fondent dans le vert tendre du feuillage naissant. Le chêne est un des arbres les plus solides et les plus pérennes. On peut se fier à lui pour prendre des enseignements durables. Pour vivre heureux, vivons caché, dit-on. Lui, nous dit, pour vivre vieux, vivons discrets. 
Le chêne n'attend pas après le papillon folâtre ou l'abeille besogneuse pour butiner ses fleurs, en disperser le pollen sur des fleurs de chênes voisins et se multiplier ainsi. Il n'a pas besoin pour se signaler à ces auxiliaires ailés, de chatoyer sa floraison en couleurs vives. Non, le chêne compte sur le vent, à la limite, et, s'il est isolé, s'arrange tout seul pour produire ses glands, les laisser tomber à terre, et germer, pas trop loin du pied-mère...et père !
Un vieux de la vieille, ce chêne, endurci et fort d'une sapience sans faille.






Le mimosa des quatre saisons, lui, est plus cigale. Insouciant, il disperse facilement son énergie végétale, fleurit comme on pétille, et se fie vite aux quatre vents pour assurer sa descendance. Follet et vivace, il n'hésite pas à multiplier les plans reproduction, envoyant par les racines nourricières des rejets nombreux et avides. Il s'y épuise, brûle la chandelle par les deux bouts, ne dure pas, mais brille, le temps de l' éclat !
A chacun sa philosophie !




Un dernier aguerri à durer, le figuier. Lui, ne fleurit pas visiblement. Il garde sa beauté toute intérieure, dans le fruit en formation ! Loin des yeux et des convoitises.
Etonnant, mais efficace, à en croire la multitude des fruits sur ces silhouettes larges et rondes.

La nature nous enseigne, la nature nous montre.
Quand on l'observe longtemps, on finit par comprendre, deux trois petites choses assez essentielles : la patience, la résilience, et l'adaptation. Entre autres...

vendredi 5 avril 2019

2 au 6 avril




vendredi 5 avril 2019



du 2 au 6 avril



Lundi 2 avril 2019 9h

Le gros furet se présente en vue directe d'Agorreta :







L'animal est long et large. Il est lourd. Le passage, ici, étroit.
Le chauffeur, un véritable capitaine de navire amiral.
Flegmatique, imperturbable et tranquille, il étudie, jauge, tente.
L'affaire est délicate. Chacun y va de son idée. L'homme, seul à la proue de son gros bateau de terre, décide. Il relève ce défi, il s'en empare avec fierté… et expertise !






L'engin se présente par le siège. Au lieu d'une grosse bobine ronde, les immenses mâchoires de la trancheuse métallique.
Une petite crispation,  serre les miennes.
Passera-t-il ?





Il est passé, pas tellement au large, mais, passé !!



La grosse bête s'est avancée vers le pré, toute la masse de ses dizaines de tonnes tournée en proue vers la mer.

Plusieurs fois, le furet géant est passé par ici, quand il aurait pu passer par là…
Vendredi 6 avril 2019  15h40
Nous l'avons accueilli avec ferveur et frisson. 
Ce gage imposant de la force, ce câble à enterrer, vecteur de modernité dans nos vies paysannes, impressionne. 
Cette grosse machine fouaille la terre, elle plonge profond dans ses entrailles.
Les nôtres, entrailles paysannes, se crispent un peu à son passage, forcément. Ici, notre terre, c'est aussi, nos tripes ! Cette immense lame dentée comme un monstre préhistorique carnassier lève une terreur venue du fond des âges et des cultures.
Allez, allez, il est temps de refouler profond, là encore, ces méfiances et ces peurs irraisonnables. 
J'apprécie le confort de la modernité, j'en admets les concessions.
Cette atmosphère chantier nous fait fibriller. J'ai toujours adoré ces grosses machines aux pièces lourdes et puissantes. Une espèce de fantasme transposé, sûrement…
Je ne suis pas la seule : tous les résidents d'Agorreta se sont animés d'un intérêt d'enfant émerveillé. Ca nous a tenu la semaine.
Le lourd furet est ressorti du pré avant la pluie. Juste à temps.
Cette même pluie ajourne la suite des interventions. Contre la nature et ses caprices, il n'y a pas à lutter.
Mes vaches sont aussi bien à l'étable, au sec, que les sabots dans la boue. Bêtes et engins, le même combat !
Avec tout ça, ma "castagne de Lekorne" n'avance pas. 
Bah ! elle est arrivée au Pays Basque au début du siècle passé : elle n'en est pas à quelques semaines près.