vendredi 30 avril 2021

9 au 30 avril

 

Vendredi 9 avril 2021 11h30


La daube mitonne. 

Un léger vent tiède fait danser la ramure du chêne liège. Il est tombé quelques gouttes. La pluie serait annoncée pour ce prochain dimanche. Elle est espérée, pour rincer toutes les traînées de pollen, faire tomber la poussière qui commence à griser les talus, et, surtout, abreuver la végétation en pousse ardente.

De l'autre côté du gros mur de pierres, le carreleur termine son ouvrage en petits tapotements précis. Olivier terminera la finition du parquet, et l'aménagement d'un placard de rangement. Je vais me retrouver étrécie dans le quart de l'espace que j'avais ici. Ca correspond tout à fait à ma trajectoire, de me débarrasser de tout ce qui encombre, gêne, ne sert plus. La perspective de redémarrer plus légère me convient.

Je vais pouvoir dès la semaine prochaine commencer la migration, déballer mes cartons. Choisir, trier, reconsidérer tout ça d'un œil nouveau. J'ai toujours eu l'usage de grands nettoyages par le vide. La vieille ferme n'était pas encombrée. 

Mes souvenirs sont dans mes pensées, dans mes écrits, dans deux trois bibelots et quelques images. La mémoire fait son travail plus facilement, la dedans, ce travail de mémoire qui est plus un travail d'oubli, d'ailleurs. On ne peut pas tout garder en tête, on ne le doit pas, surtout. On retient ce qui le mérite, sans doute, et on laisse tomber le reste, un reste de plus en plus gros, à mesure que l'on avance...

Mon "bloc" pourrait faire office de garde-manger. S'il n'était pas si encombré !

Mes petites notes sont tellement touffues que leur consultation ne peut être qu'une sélection sporadique, aléatoire, bien signifiante en elle-même. Je vais rechercher dans ce fatras quelque chose qui m'y appelle. D'un écho que je ne gouverne pas.

Pas plus que je ne gouverne mes hirondelles :






Elles examinent maintenant l'ancien râtelier à outils.

Je suis leur parcours, leurs tergiversations, leurs valses en hésitations...






Mercredi 14 avril 2021  7h40






Vendredi 16 avril 2021 7h35




Le soleil grapille quelques minutes et quelques mètres chaque jour. 

Chacun des jours de cette période est pur, et incisif d'une brise nordique pinçante. Les combes en blanchissent au lever du jour !


Vendredi 16 avril 2021 19h15


Mes quatre châtaigniers tardifs s'en voient : les bourgeons ont grillé aux grosses chaleurs d'il y a trois semaines, presque gelé quelques jours à peine après. S'ils n'ont pas tout donné au premier démarrage, ils repartiront. Sinon, je les remplacerai.

Je deviens fataliste, résignée aux aléas d'une nature souveraine.

Les hirondelles ne se laissent toujours pas détourner. Il fait bien froid, et j'imagine qu'elles se tâtent même à repartir vers là d'où elles sont venues !

Ce printemps sera bousculé pour tous, hommes, bêtes et arbres.

A la faveur de la distraction d'un pharmacien pressé, je me suis rendue compte de mon sevrage inopiné à la molécule. Puisque le processus est engagé depuis un mois, je vais voir si je ne peux pas m'affranchir durablement, et ne garder que la dose minimale par où rebondir s'il le fallait.

Ma patience et ma mansuétude sont meilleures alliées dans la période que mes fougues et pointes acides plus coutumières. La marche des affaires dépend d'artisans chargés de chantiers, et tous mes frétillements ne les feraient pas avancer plus vite. 

Si cette dolence arrondie résulte d'une baisse du taux de l'ami lacté dans mes veines, et bien que l'ami lacté coule moins dru ! Je serai toujours à temps de remonter en pression, si le mouvement se fait trop lent.

Je m'étonnais, aussi : mercredi, quand, de nature, j'aurais trépigné pour investir l'appartement encore tout chaud sorti du four, j'ai agréablement utilisé ma journée à faire du "public-relation". Le pilier délicat, la grande Meriem, le sympathique breton des potagers, tout ce petit monde a défilé dans la vieille cuisine. Nous avons gentiment bavardé, de tout et de rien. 

Au soir, pour me donner bonne conscience, j'ai survolé un tour de ménage relâché, en bavardant encore, au téléphone, avec Gillou cette fois.

C'est bien simple : je ne me reconnais plus !

Je le sais maintenant : nous ne sommes que chimie organique, animée peut-être d'une étincelle indéfinie ? C'est de celle-ci que nous vient cette inspiration, cette intuition, (cette illusion ?) que nos présomptions ne sont pas qu'arrogances pathétiques. Ainsi vivons-nous, persuadés d'une condition supérieure, corsetés dans cette espérance de sauvegarde.

Un brin d'humilité ne nuit pas. Je me satisfais modestement de passer d'agréables moments en agréable compagnie. Et je laisse derrière moi le temps de l'intransigeance.

Ce fut bien agréable. Au soir, je me félicitai chaudement d'avoir préféré sursoir aux préparatifs exigeants de mon prochain déménagement. Les cartons n'avaient pas bougé, certes, mais j'avais fait le plein d'échanges divertissants.

Ce vendredi fut plus productif pour l'avancée de mes opérations. J'ai œuvré en grande efficacité, investi en puissance mon futur espace vital. 

Bon an mal an, la semaine fut honorable.


Mercredi 21 avril 2021 19h






June vous salue bien.

Une belle compagnie vient animer ma prairie. Elle me distrait de mon étable encore vide.



Jeudi 22 avril 2021  20h









D'Ouest en Est, mon horizon s'enlumine au soleil du couchant.
Les champs longs pelés du ray-grass récolté pâlissent entre les verts tendres ou profonds. 
La nature appelle l'eau, et le ciel ne la pleure pas.
Les masses d'air bougent. Les températures remontent. 
S'il pleut, comme annoncé, lundi, tout va bondir.
C'est mon espoir, pour mes châtaigniers, arrêtés entre je vis-je meurs, pour les quatre Usta. Les plus tardifs. Ipharra et Zazpikoak sont bien feuillés. C'est dommage, je risque de perdre une sélection. Ainsi va la vie du pépiniériste...

Mes hirondelles ne semblent pas décidées elles non plus à exhausser mes vœux ardents.
Elles maintiennent leurs intentions de renicher entre les vieilles poutres.
Je persiste, dents serrées, dans ma résolution à leur éviter les nichées détruites, les œufs fracassés au sol, pire, les oisillons écrasés contre le ciment dur. 
Il fait plus chaud. Peut-être consentiront-elles maintenant à investir le fond, plus frais ?
Elles se perchent sur la charpente du tombereau, sur les bois du râtelier à outils. Elles se lovent même dans le réseau de tuyauterie apparente. Et reviennent ici pour dormir...
J'aurais fait ce que je pouvais. Ce que, d'après moi, je devais.
Pour le reste, qu'il en aille comme le sort le voudra !

Le temps est à l'attente. Cette attente petite souffrance pour les impatients de ma cuvée.
Je m'y fais, par force. J'apprécie même le sentiment d'être prête, de voir venir sans être bousculée. Ce leurre (?) d'une possible vie sereine.




Vendredi 23 avril 2021 7h30







Le soleil roi ne cède rien, le bougre !

Et bien qu'il brille, puisque tel est son bon plaisir...

Je vais cette après-midi accomplir mon devoir civique du moment : Astra Zeneca.
Les contraintes d'horaires et de circulations ne me pèsent pas. Même si, par une si belle journée, j'aurai apprécié une balade dans la forêt landaise. 
Pour m'affranchir du port du masque, par contre, ne plus avoir à choisir entre voir, et respirer, pouvoir souffler sans être embuée, j'invoque la vaccination et sa perspective libératoire pour tous les porteurs de lunettes.

Là encore, il va falloir attendre.
Et là aussi, quand on a ce sentiment d'être dans la bonne posture, c'est bien plus facile.

Le grand beau temps m'appelle dehors. Ce serait péché de bouder ce plaisir là.


Vendredi 30 avril 2021 11h30

Quelques pluies ont consenti à venir jusqu'à nous.
Peu de chose. Mieux tout de même que d'autres jours asséchés d'un vent vif.
Juste assez pour nimber le dessous de ma terrasse de cette auréole sombre si énervante. La "petite fuite, là," ne se laisse pas fermer le clapet. 
Comme j'en suis à une re-visitation rénovatrice du secteur, cette petite grimace lancinante m'exaspère, évidemment.
Le gros du chantier reste à venir, avec un maçon attendu comme le messie.
Après lui, je reviendrai à ces finitions agaçantes, où de petits riens vous empêchent de profiter pleinement de l'ouvrage accompli.
Ce sera le dernier raout. Après quoi, je suis censée m'endormir sur mes lauriers... 
Et vivre ma vie comme un long fleuve tranquille.

Humm. En vieille tracassière que je suis, m'étonnerait que ça m'aille, ça.
A suivre !

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