vendredi 19 février 2021

12 au 19 février

 


Vendredi 12 février 2021  18h44


L'eau nous tombe encore sur la tête. Depuis ce début d'année, peu de jours nous sont venus ensoleillés. La terre gorgée s'ourle en ornières grasses où le pas glisse.

Je suis à peine sortie promener les chiens sur les flancs pelés de l'hiver. Une petite violette chiffonnée, souillée de boue, parlait envers et contre tout du printemps à venir.

Ce prochain dimanche à la ferme, nous allons œuvrer à réinstaller les hirondelles. C'est une préoccupation pour moi de les garder ici. Elles arriveront autour de la St Joseph, juste après le 20 mars. La première en éclaireuse sera forcément perturbée par les changements dans la vieille étable.  Mon idée est de lui proposer une position de repli agréable. Elle s'en retournera chercher les suivantes, et me les ramènera. Si tout va bien. 

Je me connais, si la première tourne les talons et ne me revient pas, j'en serai toute chamboulée. Cette augure funeste teintera de noir tous mes projets de l'année.

Pour éviter ça, autant que faire se peut, nous avons prévu de réutiliser la petite remorque d'Antxo. Ces vieux bois bien épais, cette ossature solide, arrimés au mur du fond, pourraient aller.

Il y a déjà dans ces parages deux nids lovés dans les tuyauteries. Deux nids restés stériles, pourtant.

L'hirondelle préfère les vieux bâtiments, et ne se rabat sur plus neuf que par défaut et dépit.

Je compte sur l'esprit de ce charpentier de marine, artisan soigneux et inspiré, pour me ramener les petits elfes ailés.

J'aiderai en ouvrant et fermant les portes idoines, proposant une issue ici et en refermant cette autre là bas.

Cela me fera un petit suspense de printemps.

Une de ces questions restées en suspens sur un devenir encore flou.

Le temps viendra, avec ses sanctions ou ses récompenses.

Espérer les secondes ne fera pas meilleur lit aux premières. 

Alors, dans le doute et la crainte, et quand bien-même, jusqu'à preuve du contraire, j'espère.


Dimanche 14 février 2021  19h20


Jour des amoureux. 

Pendant la promenade au grand soleil, nous avons croisé un petit couple de jouvenceaux timides, émerveillés de cet amour tout neuf sans doute déclaré pour l'occasion. Je les ai trouvés attendrissants.

Ca été le premier beau dimanche depuis longtemps, depuis le début d'année, peut-être, je ne sais pas.





Nous en avons largement profité.

Mon opération hirondelles a été mise en train.

Olivier donne son plein en ses occasions. Et mon regard sur lui s'énamoure. Vieille midinette pragmatique que je suis.











Nous verrons les effets. Nous sommes déjà contents de la mise en œuvre.






Au soir, j'ai contemplé alanguie les lueurs éclatantes du couchant. Je les aurai bientôt à disposition.

Un joli dimanche.


Mercredi 17 février 2021 7h50




L'aube moutonneuse a finalement levé une magnifique journée à la douceur estivale.

Tout le monde a ouvert largement portes et fenêtres. 

A la jardinerie, les clients se jettent sur leurs projets, avides d'air et d'extérieur.

J'ai récupéré 6 châtaigniers de Sare.

La première tonte de la saison embaume.

Nous sortons d'hivernage. Le paysage rincé exulte.


18h58

Notre nouvelle organisation des familles me laisse des plages de liberté inédites. Les retrouvailles autour de la table ronde sont mieux appréciées, de n'être plus systématiques. Je garde un rendez-vous fixe, le mercredi à midi, le reste fluctue au gré des circonstances et des disponibilités de chacun.

J'apprécie particulièrement les soirées, où aucun impératif ne vient hacher la fin de journée.

Je retrouve demain mes collègues. Une petite excitation de début de saison se propage à tous les étages. J'essaie de m'en préserver. Je ne suis plus dans le pool de tête, et ce relais passé me ménage. J'ai du mal à ne pas me laisser happer. Les fibrillations aiguisent une spontanéité toujours prête à avancer sur la scène. Et pas toujours bienvenue.

Jean-Michel en a fait l'expérience pas plus tard que mardi soir, au moment de la passation des châtaigniers, justement.

Une sortie surprenante, en réponse à un stimulus anodin, nous a figés dans une petite stupeur où les paroles lancées ne se rattrapent pas, main sur la bouche pourtant, mais trop tard.

L'échange partait pourtant gentiment, dans la douce soirée d'une journée salariée finissant précocement, avec ce couvre-feu à 18H. Au passage, la remontée jusqu'aux 19 sera difficile...

Un de ces moments où l'égo écarte brutalement la conscience, et déboule avec armes et bagages.

Notre Jean-Michel, usager pourtant des relations humaines et de leurs aléas, a été dépossédé de ses bonnes manières, dans une fulgurance de grossièreté saisissante.

J'ai pensé tout d'abord avoir mal entendu. Je n'ai jamais jusque là surpris Jean-Michel en flagrant délit de vulgarité. Et mon manquement auditif me joue trop souvent ce genre de tours. 

Je pris le parti de ne pas donner suite à ce que j'avais sûrement mal compris.

Me tournant sur le moment vers Vincent à tout autre propos, j'ai remarqué sur ce visage une expression médusée, et inquiète. Un de ces visages de qui s'attend à une suite désagréable, sur le point de subvenir, de nature à faire dans l'instant voler en éclats la paix de ce moment pourtant si doux la seconde d'avant.

Là, j'ai compris que j'avais bien entendu ce que je croyais avoir entendu, en pensant me tromper. En l'espérant, confusément, peut-être ?

Je reste bien évasive et un tantinet de précision rendrait mon récit bien plus clair.

Et bien, je n'ai pas envie, de le rendre plus clair, ce récit, bien sûre qu'à la relecture, je retrouverai ce dont il était question, tant l'incident m'a paru signifiant. Et tant son onde de choc m'a bousculée dans mes fondements.

J'ai sans doute mes défauts et mes failles, mais, je pense pouvoir le dire autant qu'on le peut de soi-même, je ne me dérobe pas à la difficulté, je l'affronte, du mieux que je le peux.

J'aurai pu hier au soir rétorquer vertement. Je ne suis pas en peine d'imagination, et j'aurais instantanément pu faire fuser à mon tour une insulte bien sentie.

Je ne l'ai pas fait. Je le disais il y a peu, une once de civilité a instillé dans mes veines.

Je me retournai vers Jean-Michel, et lui fit redire ce qu'il avait commis. Ebranlé lui-même de ces mots jaillis sans filtre, et de leur portée supposée, il s'excusa, se justifia, s'embrouilla. 

Son désarroi manifeste et la confusion de ses explications, amortit la brutalité de la chose. Je repris contenance, ramenai raisonnablement son propos à une sortie impromptue et malheureuse. Comme un pet impertinent expulsé au mauvais endroit et au mauvais moment.

On ne peut pas trop en vouloir à son auteur, même si on en est incommodé.

 A retardement, mon propre ego a évidemment fait des siennes : j'ai eu beau faire des pieds et des mains, il a réussi  à me donner une représentation négative de ce qui aurait du rester une anecdote sans conséquences.

Je l'ai bien reconnu là, cet égo inamical, et sournois.

Je revois Jean-Michel demain. Au mieux, nous réussirons par la plaisanterie à désamorcer le malaise, à expier la faute.

Sinon, nous mettrons une chape de plomb la dessus, dans l'intention d'oublier l'incident malheureux. Comme si j'étais du genre à oublier... moi, dont les rancunes palpitent pendant des décennies.

La nouveauté dans ma tournure se loge dans cette volonté à ne plus l'attiser, cette rancune ravageuse. Qui détruit plus sûrement celui qui la nourrit que celui qu'elle vise. (Je crois l'avoir déjà écrit, celle-là, par là). 

J'accepte maintenant plus facilement l'idée que les humiliations, trahisons, injustices et déceptions doivent être accueillies en creux dans les méandres obscurs où elles se tapissent dans nos propres cervelles. Et ne pas en rejaillir en explosions comme des grenades meurtrières. Un peu de sang-froid les fige suffisamment pour en contenir les ravages.

J'admets par expérience la difficulté d'un tel exercice, pour les gens un tant soit peu sanguins, dont je suis, mais m'y tiens cependant.

Je sais aussi par la même expérience combien le temps à venir éprouvera cette faculté bienvenue à ne pas regimber. 

Quand, le plus tard possible, une infirmière pressée, maladroite, ou brutale, si ce n'est les trois à la fois,  posera une couche souillée et suintante sur l'oreiller où elle va laisser retomber ma pauvre tête ballottante,  j'en serai moins révoltée, et ne piperai mot.

Ce sera tout aussi bien. Parce-que cette nuit là, je dormirai, ou pas, sur un oreiller sale et puant, mais, au moins, l'infirmière excédée ne m'aura pas étouffée avec.

Et, le lendemain, la séance toilette pourrait même en être plus douce, de cette allégeance prêtée en offrande à la déesse jeunesse...


Jeudi 18 février 2021 19h


La terre grasse est ourlée en labours sombres et profonds, dans le couchant du soir.

Je me souviens d'un soir de mars, plus de trente ans en arrière, quand, assise près de la fenêtre dans la cuisine de l'étage, je contemplai le soleil coulé dans les sillons hauts et clairs d'un printemps plus sec.

J'avais relaté alors ce moment, dans un de ces cahiers maintenant perdus pour moi. C'est dommage, j'aurais bien aimé en retrouver mieux la saveur dans les mots d'alors.

Là encore, j'essaie de ne plus en vouloir au malotru qui me les chaparda, mes précieux cahiers.

D'invoquer comme Christ en croix le Seigneur : pardonne-leur, Père, ils ne savent pas ce qu'ils font.

Je suis à peu près sûre qu'il savait ce qu'il faisait, ce bougre là. Même si de m'atteindre ne le soulagea pas tant qu'il l'aurait voulu, sans doute.

 Sûre aussi que mon souvenir de lui, entre oubli et pardon, s'en aplanira, et maintiendra dans les températures tièdes, les zones mémoires de mon cerveau à ménager.

Je l'ai écrit dernièrement, la civilisation le demande...


Vendredi 19 février 2021  11h13


J'ai préparé un bon repas pour mes deux convives favoris.

Quelques soufflées venteuses laissent la sensation d'une journée bien agréable, encore.

J'ai bien travaillé dans ma pépinière, hier, chavirée des couleurs et senteurs des floraisons printanières.

C'est aujourd'hui le jour, (expression très appréciée de ma défunte mère), de la coupe de printemps de ma vieillotte Lola.




Je me la couve, ma vieille chienne fidèle. Sa hargne apparente habille mal l'affection qu'elle donne. 

Je me l'aime bien quand-même, celle-là aussi...


17h



Une laitance de brume affadit le paysage.

J'ai ouvert grand la maison.

Ma Lola noire démone se découvre blanche colombe, là-dessous...


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